Nous avons interrogé Adrien Laurentin, cofondateur et CEO de MERCATEAM.
MERCATEAM est une plate-forme SAAS de gestion des compétences qui aide les industriels à gérer les plannings de production et à valoriser les compétences ainsi que les parcours professionnels.
Adrien Laurentin et Kévin Rouvière en sont les cofondateurs.
Techniques de l’ingénieur : Qu’est-ce que MERCATEAM ?
Adrien Laurentin : MERCATEAM est un logiciel (SaaS) de gestion des compétences et des plannings d’affectation pour les équipes de production en usine. L’outil fonctionne de la manière suivante : en identifiant les compétences des gens, la charge réelle du site de production et les besoins de chaque poste, l’outil est capable d’affecter automatiquement la bonne personne au bon endroit, à l’aide d’un algorithme.
Dit comme cela, ça peut sembler très inhumain. Et pourtant c’est tout le contraire, puisque notre algorithme prend en compte la notion de polyvalence. Prenons l’exemple de La Redoute : ils ont fait appel à nous, car ils avaient de gros soucis de répétitivité des tâches pour les opérateurs.
D’ailleurs, chez MERCATEAM, la valorisation des collaborateurs fait partie de notre histoire. Pour l’anecdote, Kévin vient d’une famille d’ouvriers et sa grand-mère a collé des caoutchoucs de chaussures pendant 25 ans. Donc, si MERCATEAM avait existé lorsque la grand-mère de Kévin travaillait, elle n’aurait pas passé 25 ans sur le même poste !
Quel est le champ d’application de MERCATEAM ?
En plus de la gestion de l’affectation au poste des opérateurs pour la production, MERCATEAM propose de gérer l’ensemble du savoir-faire : organisation, transmission, valorisation. Et derrière cet enjeu de compétences, il y a bien entendu celui de la formation.
Avec MERCATEAM, nous proposons de diviser par quatre le temps de formation d’un nouvel employé. Imaginons qu’un intérimaire arrive dans une entreprise qui utilise MERCATEAM. Lors de son arrivée, il reçoit une tablette et passe la première étape d’information sur l’entreprise. Il passe ensuite à l’étape 2, qui se déroule en salle, puis à l’étape de formation.
Ensuite, un manager arrive pour évaluer le niveau de la personne. Selon le résultat, la personne est alors affectée à un poste, seule ou accompagnée d’un tuteur.
Quels sont vos principaux cas d’application ?
La plate-forme MERCATEAM peut être utilisée par l’ensemble des équipes de production dans l’Industrie, tous secteurs confondus. Toutefois nous nous concentrons en priorité sur plusieurs grands secteurs, le premier étant l’aéronautique, car il présente de forts enjeux de conformité.
Comme les avionneurs gardent une trace (papier ou Excel) de chaque opération réalisée sur un avion, nous n’avons plus qu’à entrer les informations dans MERCATEAM. Une fois ces informations intégrées dans l’outil, le suivi devient facile, car on peut savoir qui lit tel document ou qui le modifie.
On passe alors d’une gestion lourde à base de formulaires Excel imprimés et donnés aux managers qui en font une checklist papier, rescannée et mise à jour, à une gestion automatisée centralisée et collaborative dans la plate-forme MERCATEAM.
L’autre grand secteur qui nous intéresse est l’agroalimentaire, parce qu’il est confronté à la volatilité des équipes selon les saisons. Un site de production d’Andros va ainsi passer de 150 personnes à 400 personnes quand c’est la saison des pommes. Il y a deux conséquences à cela : il faut former les gens très rapidement, mais aussi les affecter très vite au bon poste.
Nous avons aussi d’autres cas d’usage, notamment dans l’industrie du luxe, de la cosmétique, du secteur pharmaceutique, en construction, etc. Nous travaillons avec tous les grands acteurs du domaine ; nous les aidons à améliorer leur excellence opérationnelle et à gagner en agilité.
Du point de vue du terrain, comment fonctionne MERCATEAM ?
Nous voulons en finir avec les process traditionnels de mise à jour des compétences à l’oral ou sur papier. Ce qui compte, c’est que le manager puisse mettre à jour les compétences et les habilitations au fur et à mesure, de manière à ce que les alertes apparaissent sur le planning.
Lorsque quelqu’un est affecté sur un poste, l’outil demande « possède-t-il les compétences requises ? ». Si c’est bon, il peut aller sur le poste, mais s’il manque une compétence, on lance la formation.
D’où vient ce nom, « MERCATEAM » ?
Nous avons choisi ce nom en raison des similitudes entre l’industrie et le mercato de football, car gérer un site industriel, c’est un peu comme gérer une équipe de haut niveau. Dans les deux cas, il faut des gens avec la bonne compétence, au bon endroit. Et le jour où un très bon joueur part pour un club concurrent, il faut avoir un excellent centre de formation, capable de former le remplaçant dans la semaine pour qu’il soit sur le terrain le samedi afin de gagner le match.
Dans l’industrie c’est pareil : chacun doit être au poste où il est le meilleur, tout en étant polyvalent pour pallier tout changement de dernière minute.
Cette polyvalence est-elle ancrée dans les pratiques industrielles ?
Les entreprises essayent d’anticiper les besoins en termes de compétences. Souvent c’est le directeur de site ou l’équipe RH qui dit, par exemple, « attention, trois nouvelles lignes arrivent l’année prochaine et on doit avoir au moins une personne formée par poste ».
Avec MERCATEAM, il est possible de fixer des objectifs de polyvalence pour pousser les managers à intégrer ce critère dans leur choix et ne pas toujours choisir la personne la plus qualifiée pour une tâche donnée. Et pour pouvoir prendre les meilleures décisions, les managers ont accès à un tableau de bord avec différents indicateurs : taux d’absentéisme, type de contrat, date d’expiration des compétences, nombre de personnes qui manquent, etc.
Aidez-vous également les entreprises à conserver leurs savoirs ?
Tout à fait ! Nous avons d’ailleurs des clients confrontés à une perte de leur savoir-faire historique, mais aussi d’autres qui essayent d’anticiper ce risque. La plupart des grands acteurs aéronautiques ont conscience du problème, car les métiers de l’aéronautique changent à toute vitesse.
Leur problématique est : en cas d’arrêt d’une ligne de production, comment transmettre le savoir en interne, garder le personnel et le former dès à présent aux métiers de demain, au lieu d’aller recruter à l’extérieur ?
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