Se rappeler du nom d'anciens camarades de classe 50 ans après avoir quitté l'école ou du titre des programmes télévisés préférés de notre enfance, ce ne sont que quelques exemples des aptitudes incroyables de notre mémoire.
Le nombre de répétitions ou encore la dimension émotionnelle sont connus dans ce processus de mémorisation sur le long terme mais qu’en est-il d’une information sans réel contenu émotionnel et vue un petit nombre de fois ? C’est pour répondre à cette question que des chercheurs du Centre de recherches cerveau et cognition (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier)1 ont rappelé des participants qu’ils avaient testés au laboratoire il y a environ dix ans pour mettre à l’épreuve une nouvelle fois leur mémoire. Les résultats obtenus montrent que des images vues pendant quelques secondes peuvent être reconnues une dizaine d’années plus tard. Ces travaux sont disponibles en ligne depuis le 5 novembre 2017 dans le journal Cognition.
Lors de tests en laboratoire, il est difficile de contrôler les paramètres d’apprentissage dans le processus de mémorisation. Il est pourtant connu que plus une information est présentée et plus celle-ci pourra être maintenue en mémoire sur le long terme. Ou encore, qu’une seule exposition peut suffire pour conserver un souvenir tout au long d’une vie lorsque la dimension émotionnelle est impliquée.
Dans cette étude, les chercheurs ont pu maitriser ces paramètres clés – contexte émotionnel et nombre de répétitions – pour étudier une nouvelle forme de mémorisation. Pour ce faire, 24 participants, précédemment testés au laboratoire il y a environ dix ans et ne présentant pas de troubles de mémoire particuliers, ont été rappelés pour de nouveaux tests. A l’époque, des images très simples de type « clipart » leur avaient été présentées successivement quelques secondes seulement sans instruction particulière de les mémoriser. Les participants recontactés en 2016 ont dû identifier l’image qu’ils avaient vue dix ans plus tôt parmi deux choix d’images possibles.
En moyenne, les participants ont obtenu une performance de 55% de réponses correctes. Un score qui se révèle supérieur à celui de participants qui n’avaient jamais vu ces images auparavant (51%). De plus, les chercheurs ont montré que ce pourcentage montait à 57% de réponses correctes pour les images vues trois fois ou plus initialement et pouvait aller jusqu’à 70% pour certains participants (un tiers des sujets ont eu 60 à 70% de réponses correctes).
Dans les conditions de l’expérience, il semble donc que trois présentations puissent suffire pour maintenir une image en mémoire pendant 10 ans. Bien qu’un maintien en mémoire à un niveau implicite (c’est-à-dire sans accès conscient) était déjà connu depuis quelques années, cette nouvelle étude montre en plus que ces traces en mémoire peuvent influencer de manière directe le choix des participants allant, jusque dans certains cas, à produire un fort sentiment de familiarité.
Les chercheurs tentent maintenant de comprendre comment une telle mémorisation est possible d’un point de vue biologique. Les chercheurs suggèrent que ces mémoires puissent être sous-tendues par un petit groupe de neurones hyperspécialisés plutôt qu’un large réseau de neurones distribués.
Notes :
1En collaboration avec une chercheuse de l’institut de neurosciences des systèmes (AMU/INSERM)
Références :
Extremely long-term memory and familiarity after 12 years, C.Larzabal, E.Tramoni, S.Muratot, S.Thorpe, E.Barbeau, Cognition, 170: 254-262, doi: 10.1016/j.cognition.2017.10.009 Consulter le site web
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