Nul doute que la publication de ce rapport chaque année va se révéler précieuse pour suivre l’évolution de ce phénomène qui ne cesse de s’amplifier. L’université d’East Anglia, en collaboration avec d’autres institutions basées en Grande-Bretagne, vient de publier dans la revue Earth System Science Data, sa première analyse complète des feux de forêts extrêmes qui se sont produits partout dans le monde. Cette étude, qui porte sur la saison 2023-2024 et a vocation à être mise à jour tous les ans, fournit des informations cruciales sur ces incendies, leurs causes, leur prévisibilité ainsi que le rôle des facteurs anthropiques dans leur apparition.
Le bilan est lourd puisque entre mars 2023 et février 2024, 3,9 millions de km² de forêts ont été brûlés sur la planète. Certes, cette surface a légèrement diminué comparé à la moyenne des années précédentes, mais les émissions de carbone liées à ces incendies ont quant à elles été supérieures de 16 %, totalisant 8,6 milliards de tonnes de CO2. Cet écart s’explique en grande partie par les émissions record des forêts boréales canadiennes qui ont contribué à près d’un quart des émissions mondiales, ainsi que par une saison des incendies relativement calme dans les savanes africaines. Au total, ces rejets de CO2 dans l’atmosphère représentent l’équivalent d’environ 15 % des émissions de gaz à effet de serre des humains dans le monde.
L’an dernier, le Canada a enregistré des feux de forêt les plus importants jamais enregistrés dans son histoire avec 150 000 km² ravagés par les flammes, entraînant l’évacuation de plus de 232 000 personnes. Un nombre inhabituellement élevé d’incendies a également été observé dans le nord de l’Amérique du Sud, en particulier dans l’État d’Amazonas au Brésil et dans les régions voisines de Bolivie, du Pérou et du Venezuela. La perte de carbone dans ces forêts a des conséquences durables sur le climat, car elles mettent des décennies, voire des siècles, à se remettre de ces incendies. Les mégafeux qu’a connu la planète sur la saison 2023-2024 vont donc entraîner un déficit durable de stockage du carbone pendant de nombreuses années à venir.
Des populations exposées à des niveaux élevés de particules fines
En plus des émissions de CO2, l’étude mentionne aussi la présence de niveaux de PM2,5 (particules d’un diamètre inférieur à 2,5 microns) supérieurs aux limites recommandées lors des pics d’incendies en Amérique du Nord, dans de nombreuses régions du Canada et des États-Unis. Selon le rapport, les personnes vivant dans plus de la moitié des États américains ont été exposées pendant deux semaines à des PM2,5 égales ou supérieures au seuil réglementaire de 35 µg/m³. Les plus grandes répercussions sur la qualité de l’air ont été observées à proximité des incendies, en particulier dans l’ouest et le nord-ouest du Canada et au Québec, dans l’est du pays.
Pour le Dr Chantelle Burton, climatologue et l’une des autrices de la publication : « Il est pratiquement certain que les incendies étaient plus importants lors des feux de forêt de 2023 au Canada et en Amazonie en raison du changement climatique. » Les experts de cette étude ont calculé qu’au Canada, l’influence humaine a multiplié par trois la probabilité de connaître des conditions météorologiques propices aux incendies et a provoqué des incendies qui ont brûlé jusqu’à 40 % de terres en plus. Pire encore, dans l’ouest de l’Amazonie, cette probabilité a été multipliée par plus de 20 et jusqu’à 50 % de terres en plus ont été ravagées par les flammes.
Le rapport contient aussi des projections pour prédire quelle pourrait être l’importance des feux de forêt dans les prochaines décennies. Résultat, seul le respect d’un scénario à faibles émissions devrait permettre de limiter la probabilité d’incendies extrêmes dans le futur. Par contre, si un scénario d’émissions de gaz à effet de serre moyens à élevés se produit, les incendies de forêt d’une ampleur similaire à ceux de la saison 2023-2024 deviendront six fois plus fréquents au Canada et presque trois fois plus fréquents en Amazonie occidentale d’ici à 2100. Le Dr Douglas Kelley, l’un des auteurs de cette publication, résume la situation ainsi : « Tant que les émissions de gaz à effet de serre continueront d’augmenter, le risque d’incendies de forêt extrêmes augmentera ».
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