Le rapport « 20 ans de suivi de la contamination chimique des eaux côtières méditerranéennes : résultats et perspectives », portant sur la période 1998-2018, se veut rassurant. « 90 % des points suivis présentent des niveaux de contamination en dessous des seuils réglementaires environnementaux », estime ainsi l’Ifremer dans un communiqué. « Notre stratégie s’appuie sur plusieurs réseaux opérés par l’Ifremer parmi lesquels le RINBIO, explique François Houllier, PDG de l’Ifremer. Ce réseau est unique de par la finesse de son maillage avec une centaine de stations disséminées sur la façade. »
Le protocole de surveillance porte notamment sur les sédiments, les moules et les poissons. En particulier, pour leur dernière campagne, les chercheurs ont traqué 65 contaminants grâce à des stations artificielles de moules placées sur 70 points situés en mer et 20 dans les lagunes méditerranéennes. Les moules sont utilisées par les chercheurs comme bio-indicateurs de la pollution des eaux.
Des « points de vigilance » à surveiller
Des « points de vigilance » demeurent près des métropoles pour l’Ifremer et l’agence de l’eau. Le rapport évoque notamment le cas de Marseille, Toulon, Nice, Villefranche et Bonifacio. Les niveaux de contamination des sédiments y dépassent les seuils réglementaires pour plusieurs substances. C’est par exemple le cas du plomb et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), en lien avec les activités humaines comme les transports, l’activité maritime et portuaire ou encore les raffineries. Le secteur de l’émissaire de la ville de Marseille (Cortiou), la petite rade de Toulon, le secteur de la baie de Nice et la rade de Villefranche ainsi que le goulet de Bonifacio connaissent des concentrations élevées en un ou plusieurs autres métaux dans les sédiments : cuivre, zinc et cadmium.
La vigilance reste également de mise près d’anciens sites industriels. Le Cap Corse connaît par exemple toujours une pollution au nickel, héritée de l’ancienne mine d’amiante de Canari. « Des millions de tonnes de nickel et de chrome jetés à la mer continuent de polluer cette zone, partage Marc Bouchoucha, biologiste au centre Ifremer de Méditerranée. 98 % des larves d’huître observées y sont mal formées », prévient-il.
La Méditerranée connaît également une pollution particulière au mercure et aux PCB. Les teneurs de PCB restent particulièrement élevées à proximité des secteurs de Fos-sur-Mer, de Marseille et dans la rade de Toulon. La région PACA est plus particulièrement concernée. L’ensemble des stations entre Marseille et Toulon ainsi que les stations Rade de Villefranche, Golo, Bonifacio et Figari-Bruzzi présentent des valeurs en mercure dans les sédiments trop élevées.
L’accumulation dans la chaîne alimentaire inquiète particulièrement les deux organismes. « Plus de 65 % des roussettes pêchées à la côte et 85 % de sébastes prélevés au large présentent des niveaux de mercure supérieurs au seuil réglementaire sanitaire », partage l’Ifremer.
Traquer les contaminants émergents
Durant leur dernière campagne, la SuchiMed, achevée le 7 juillet 2021, les scientifiques ont traqué la présence de métaux lourds et polluants organiques, mais aussi de contaminants émergents comme les produits pharmaceutiques et certains détergents. « Connaître l’état chimique des eaux côtières est l’objectif premier de ces campagnes en mer pour répondre aux objectifs réglementaires des directives-cadres européennes sur l’eau (DCE) et stratégie pour le milieu marin (DCSMM) et de la Convention de Barcelone, souligne Marc Bouchoucha. Mais il est essentiel de mettre ce temps et ces moyens d’exploration au service d’autres problématiques comme les plastiques, la surpêche, le changement climatique… Car tous ces maux se cumulent et affectent la santé de la mer. »
Les travaux de l’Institut Méditerranéen d’Océanologie (Aix-Marseille Université) portent pour cette campagne sur le transfert des contaminants du plancton aux poissons. Leurs résultats pourraient permettre de renforcer le protocole actuel de surveillance avec de nouvelles espèces sentinelles.
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