« Il va devenir nécessaire de sortir des perturbateurs endocriniens et des pesticides ». Cette assertion de Paul François, président de l’association Phyto-Victimes, donne le ton. Une frange du corps médical partage son opinion. Cet agriculteur céréalier charentais de 55 ans est particulièrement sensible à la question des risques liés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Il est lui-même malade. Il souffre de sérieux problèmes neurologiques causés par un contact avec un herbicide, le Lasso, commercialisé par Monsanto. Ce produit, désormais interdit à la vente, a causé de lourdes lésions cérébrales qui font endurer de forts maux de tête à l’agriculteur. Sans antidouleurs, la vie de Paul François serait impossible.
Les pesticides, poisons intergénérationnels
Plus récemment, l’homme a été opéré d’une tumeur à la thyroïde. « Les médecins disent que c’est peut-être une répercussion de l’exposition aux perturbateurs endocriniens » explique-t-il. Aujourd’hui, il continue de mener son combat juridique contre la firme américaine, qu’il tient pour responsable de son « empoisonnement ». Cette lutte, il la mène depuis douze ans. Mais même affaibli, il tient à continuer son combat, au nom de ses collègues agriculteurs, chez qui le nombre de cancers et autres lourdes maladies chroniques sont en constante augmentation. Pour lui, l’unique façon de mettre fin à ce cercle vicieux est de cesser l’épandage de produits phytosanitaires sur les exploitations agricoles.
Si Paul François mène activement son combat, c’est pour libérer la parole des agriculteurs et de leurs familles.
Autre fléau lié aux perturbateurs endocriniens : l’infertilité. « Chez les agriculteurs, c’est un sujet tabou, mais de plus en plus sont touchés » explique le céréalier charentais. Et lorsqu’ils ont des enfants, parfois même ces derniers souffrent. « Des enfants d’agriculteurs viennent aussi contacter l’association. Ce sont des victimes collatérales. Souvent, ces enfants ont aidé leurs parents à épandre des produits chimiques sur les parcelles. Ils ont participé aux semis, aux jalons. C’est ce qui les a rendus malades eux aussi » déclare Paul François.
Consommateurs et médecins, acteurs du changement
Autre sujet de discussion : les produits phytosanitaires sont-ils réellement efficaces ? Autour de Paul François, des scientifiques doutent. Selon eux, les parcelles traitées aux produits chimiques n’ont pas de meilleurs rendements que les autres. Ainsi, ils rappellent le fait que depuis 1995, les rendements des cultures de blé ont sensiblement baissé. De là à penser que les agriculteurs risquent leur santé pour peu, il ne reste qu’un pas. « C’est pourquoi il faut que les consommateurs favorisent le passage vers le bio » soutient Paul François. Mais cette transition doit se faire avec les agriculteurs, en accompagnant leur transition. Les défenseurs d’un changement de modèle agricole aimeraient voir émerger une politique claire. Elle permettrait ainsi d’accompagner les agriculteurs durant les années de conversion.
Cependant, ils ne sont pas les seuls à avoir un rôle capital à jouer. Les médecins sont également appelés à agir activement pour la sensibilisation du public. Pierre-Michel Périnaud, médecin généraliste et président de l’association l’Alerte des médecins, affirme que la profession doit savoir garder sa neutralité. Pour lui comme pour d’autres, le corps médical ne devrait pas distribuer de produits faisant la promotion d’un groupe pharmaceutique. Cela concerne notamment les services de maternité, qui distribuent du lait infantile non bio. Pour les militants de la suppression des produits phytosanitaires, cela s’apparente à de la promotion de produits potentiellement néfastes pour la santé. « Or, il faut arrêter la propagande », termine Paul François.
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