Le secteur de l’électricité est sous tension. Dernier symptôme en date : la prévision par l’exécutif d’une flambée de près de 12 % du tarif bleu d’EDF d’ici février ; perspective face à laquelle le Premier ministre Jean Castex a promis un « bouclier tarifaire » qui devrait permettre de limiter la hausse à 4%. Reste que sur la période 2007 – 2021, la hausse aura été de 74 %… De quoi inciter les ménages à diminuer leur consommation d’électricité. Pour ne pas grever leur budget, certes, mais également pour alléger le poids de leur empreinte carbone. Un aspect auquel contribue par ailleurs le développement des énergies renouvelables telles que l’éolien ou le solaire. Caractérisés par leur intermittence, ces types de production ne vont toutefois pas sans poser de problèmes en matière de gestion du réseau.
Maîtrise du budget, diminution des émissions de CO2 et sécurité du réseau, c’est justement à ces trois enjeux que permet de répondre une technologie développée par l’entreprise Voltalis, premier opérateur européen de pilotage de la flexibilité électrique. Basée sur un boitier installé chez les particuliers, elle permet en effet de couper certains équipements électriques aux moments les plus opportuns. Directeur d’exploitation de Voltalis de 2010 à 2015 et désormais Directeur général de l’entreprise, Mathieu Bineau nous en dévoile le fonctionnement et revient sur le partenariat conclu cet été avec la communauté d’agglomération Dieppe Maritime.
Techniques de l’Ingénieur : Pouvez-vous, en quelques mots, présenter Voltalis ?
Mathieu Bineau : Nous sommes spécialistes de la gestion de la consommation d’électricité et de son optimisation au niveau du consommateur. Notre technologie permet de générer des économies aux moments les plus utiles au réseau et apporte ainsi un service au système électrique en le rendant globalement plus efficace. L’entreprise existe depuis 15 ans et nous avons déjà déployé notre solution chez 100 000 clients. Elle est donc déjà éprouvée et nous nous apprêtons à la déployer encore plus massivement, car elle est très encouragée par les pouvoirs publics.
Comment cette solution s’articule-t-elle sur le plan technologique ?
Elle repose sur un petit boîtier installé au domicile des particuliers qui permet de piloter leur chauffage électrique et leur ballon d’eau chaude. Ce sont des équipements à la fois très flexibles et très énergivores, puisqu’ils représentent à eux seuls environ 80 % de la facture des ménages qui se chauffent à l’électricité, soit 8 millions de Français. Notre produit s’installe donc sur ces équipements, vient mesurer très finement leur consommation et nous permet d’agir à distance en coupant par exemple la consommation d’un radiateur au moment où le système en a besoin, en cas de pic de consommation ou d’aléa sur la production. Nous faisons cela sur des durées très courtes à l’échelle de chaque logement pour ne pas altérer le confort des occupants, en comptant sur l’inertie thermique des bâtiments. Nous centralisons les données sur notre plateforme, qui remontent via un module communiquant en 3G/4G. Notre data center est situé à côté de Paris et les données ne sont communiquées qu’à RTE [Réseau de transport d’électricité, gestionnaire de réseau de transport français, NDLR] pour démontrer les effets de notre action.
Quels sont les principaux intérêts de cette solution ?
Dix minutes de coupure sur un logement n’ont qu’un impact imperceptible sur la température, de l’ordre d’un dixième de degré. Mais cela multiplié et coordonné à très grande échelle peut avoir un impact sur la consommation de l’ordre de dizaines, voire de centaines de mégawatts au niveau national. On évite ainsi le démarrage ou la hausse de production de centrales thermiques. Un logement équipé permet donc d’éviter 70 % des émissions de CO2 d’un logement au chauffage électrique classique. On apporte également au consommateur une solution de domotique, une sorte de thermostat connecté, qui lui permet de piloter à distance et de programmer ses radiateurs, en plus d’outils de pilotage de budget et d’alertes qui lui permettent d’optimiser ses dépenses. Tout cela totalement gratuitement, puisque matériel comme installation sont financés par le système électrique pour les services qu’on lui rend.
Vous avez déployé votre solution le 20 septembre dernier à Dieppe et le déploiement se poursuivra dans les mois qui viennent dans les autres communes de la communauté d’agglomération Dieppe Maritime. Comment ce partenariat est-il né et avec quels objectifs ?
Notre solution aidant fortement le système électrique, il y a une volonté des pouvoirs publics à la développer. Elle fait partie des filières de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), avec un objectif qui équivaudrait à équiper 3 millions de personnes dans les années à venir. Elle est donc encouragée au niveau national, mais aussi relayée au niveau local, et cela s’inscrit directement dans les Plans climat air énergie territoriaux (PCAET) des collectivités locales, qui trouvent un intérêt à faire connaître cette solution gratuite au service de leur bilan carbone. Nous sommes donc fortement encouragés par des collectivités locales comme celle de Dieppe.
Nous sommes entrés en contact avec l’agglomération fin 2020. Les élus concernés ont délibéré favorablement sur un partenariat avec nous en juin dernier, puis signé une convention avant l’été afin d’organiser le déploiement à la rentrée. L’agglomération compte 6 000 logements au chauffage électrique et nous espérons pouvoir en équiper de l’ordre d’un millier d’ici la fin de l’année. L’agglomération nous aide à faire connaître la solution et chacun est libre de s’équiper, sans frais d’abonnement ou de résiliation.
Quelles perspectives entrevoyez-vous à court ou moyen terme ?
Nous sommes aujourd’hui le seul opérateur en France et au niveau européen à avoir cette activité et à la déployer à grande échelle. Il nous reste donc à nous faire connaître et à massifier le déploiement. Nous travaillons également, pour les années à venir, à des technologies de pilotage de pompes à chaleur, de climatisation ou encore de véhicules électriques, avec l’objectif d’apporter un élément de flexibilité face à la montée en puissance du solaire et de l’éolien, caractérisés par leur intermittence. Tout cela sans que ce soit au détriment du consommateur sur sa facture.
Propos recueillis par Benoît Crépin
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