Décryptage

Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan : nucléaire, thorium et isolation

Posté le 20 avril 2017
par La rédaction
dans Énergie

Sur 144 engagements, le programme du front national en compte 5 qui concernent directement l’énergie et le climat. Tout comme son homologue souverainiste Nicolas Dupont Aignan, Marine Le Pen n’a cela dit pas suivi la mode du climato-scepticisme. Les programmes des partis nationalistes sont assez proches de celui des Républicains dans leur manière de répondre au défi climatique, concernant principalement en France les secteurs du transport, du bâtiment et de l’agriculture.

Aucune initiative fiscale sur le carbone

Là où M.Fillon ne s’est pas exprimé sur les sujets de la progression prévue de la Contribution Climat Energie vers 100€/t en 2030 ou de la taxation du diesel, Le Pen et NDA ont clairement exprimé leur désaccord à l’encontre de ces taxes permettant au gouvernement de financer ses actions en matière environnementale. Par ailleurs, aucune proposition des nationalistes ou de la droite ne remet en cause la niche fiscale dont bénéficient les compagnies aériennes et les énergies sales en matière de TVA et TICPE réduites, pour environ 10 milliards d’Euros par an.

Système énergétique : le nucléaire avant tout

Les FN s’engage à « développer massivement les filières françaises des énergies renouvelables » mais ne donne pas d’objectif chiffré. NDA semble quant à lui plutôt opposé aux ENR en avançant le coût de leur développement pour les consommateurs comme rédhibitoire : cette posture est pourtant mise à mal aujourd’hui par les chiffres. En effet, les tarifs de soutien sont passés de parfois plus de 500€/Mwh en 2006 à 62,5€ et 82€ en solaire et éolien aujourd’hui, là où le nouvel EPR nucléaire coutera 116€/Mwh.

L’éolien souffre par contre d’une opposition déclarée par les souverainistes, NDA dénonçant la défiguration du paysage par la multiplication des éoliennes, et Le Pen s’engageant à leur opposer un moratoire. Pourtant, le développement d’un parc éolien demande aujourd’hui déjà plus de 4 études d’impact, une enquête publique, une consultation de la commission départementale de « la nature, des paysages et des sites », une consultation de l’autorité environnementale, ceci afin d’obtenir plus de trois autorisations administratives, qui peuvent faire l’objet de recours des riverains.

Le nucléaire bénéficie quant à lui du soutien des candidats nationalistes et de François Fillon.  Marine Le Pen veut moderniser la filière avec les EPR, refuser la fermeture de Fessenheim et prolonger l’exploitation des centrales existantes de 40 à 60 ans. Nicolas Dupont-Aignan va plus loin en proposant de développer des réacteurs fonctionnant au Thorium pour prendre ensuite le relai des centrales fonctionnant à l’uranium.  Les réacteurs au Thorium présentent effectivement l’avantage de ne pas pouvoir entrer en fusion comme ce fut le cas à Fukushima et les déchets qu’ils produisent ne seront radioactifs « que » pour quelques siècles (contre des centaines de milliers d’années avec l’uranium).

Pour rappel, le coût induit par le stockage des déchets radioactifs n’est pas pris en compte dans les estimations du coût du nucléaire, ni celui de la nécessaire protection militaire des sites face aux menaces terroristes.

En ce qui concerne les énergies fossiles, aucun des deux candidats nationalistes n’a affiché l’objectif de François Fillon de fermer les dernières centrales à charbon. Nicolas Dupont-Aignan s’est déclaré fermement opposé au gaz de schiste, là où François Fillon est plutôt ambigu. Marine Le Pen propose d’en interdire l’exploitation « tant que des conditions satisfaisantes en matière d’environnement, de sécurité et de santé ne seront pas réunies », ce qui laisse une porte entrouverte.

Des engagements pour la rénovation énergétique des bâtiments

Le FN s’engage à faire de l’isolation une priorité budgétaire du quinquennat. Comme l’a constaté L’UFC–que choisir, les aides actuellement accordées pour la rénovation thermique des bâtiments n’ont pas toujours orienté les consommateurs vers les travaux les plus efficaces comme l’isolation (avec seulement 34% des dépenses), la proposition apparaît donc particulièrement pertinente.

Cela dit, Les frontistes ne détaillent pas par quels moyens ils comptent tenir cet objectif. Nicolas Dupont-Aignan promet lui aussi de vastes plans d’équipement d’isolation, mais il annonce aussi d’autres mesures : création d’un livret « dispositifs d’économies d’énergie » selon le même principe que le plan d’épargne logement, développement du solaire thermique et des Pompes à Chaleur, des technologies particulièrement efficaces pour remplacer le gaz en matière de chauffage et d’eau chaude.

Les candidats souverainistes font preuve de pertinence sur la rénovation énergétique mais sans plan d’investissement ou engagement chiffré, il n’est pas possible de déterminer s’ils augmenteront – comme Emmanuel Macron ou Jean Luc Mélenchon – les efforts considérables déjà déployés par le gouvernement sortant.

Les propositions en matière de mobilité électrique

Nicolas Dupont-Aignan vise le remplacement des 10 millions de véhicules les plus énergivores en 10 ans en améliorant le dispositif de bonus-malus existant. Il promet un investissement d’un milliard par an quand cette dépense de l’état était de 225 million en 2015 et vise un objectif d’une borne de recharge électrique installée dans chacune des 11000 stations-service d’ici la fin du quinquennat. Le candidat de Debout-La-République propose une accélération du développement des véhicules électriques dans la droite ligne du gouvernement d’Hollande, qui avait soutenu le déploiement d’environ 16 000 points de recharge entre 2012 et 2017. Avec aujourd’hui une autonomie dépassant souvent les 250km, des temps de recharge de 30 minutes et le plein pour 2-3€, ce soutien de l’état a pour objectif d’aider les Français à « moins hésiter » sur le passage à l’électrique.

Marine Le Pen n’a pas pris d’engagements sur la mobilité électrique mais n’a pas annoncé de remise en cause des dispositifs d’aide déjà existants. Elle n’accélèrera donc pas l’effort actuel alors que les véhicules électriques représentent toujours moins de 1% des ventes et que les importations de pétrole sont toujours aussi importantes. Le FN déclare néanmoins vouloir soutenir le développement de l’hydrogène afin de « réduire notre dépendance au pétrole ».

Problème, pour des raisons de coûts, aujourd’hui 95% de l’hydrogène est produit à partir d’énergie sales (pétrole, charbon, gaz), son développement aurait donc tendance à maintenir la dépendance aux fossiles. Par ailleurs, lorsqu’il est produit avec une électricité décarbonée, il faut ensuite le comprimer, le transporter, l’injecter dans le réservoir des voitures, puis qu’il se retransforme via la pile à hydrogène en électricité, pour enfin entrainer le moteur.

Chacune de ces étapes voit des pertes alors que pour une voiture à batterie, l’électricité alimente directement celle-ci, qui la regénère ensuite directement pour le moteur. De la production de l’électricité à son utilisation pour actionner le moteur, une voiture à batterie sera donc toujours plus efficace énergétiquement qu’une équivalente à hydrogène, avec environ 60% d’efficacité contre 25% pour l’hydrogène.

Sur l’agro-ecologie

Les pratiques respectueuses de l’environnement en agriculture ont pour effet d’augmenter la concentration en matière organique des sols et la quantité de carbone qu’ils stockent par la même occasion. Les candidats de la droite proposent plusieurs mesures pour les agriculteurs, mais aucun n’affiche un soutien direct à l’agriculture biologique ou agro-écologique. A l’inverse, ils promettent tous deux de mettre fin à une accumulation de normes, notamment environnementales. Seul Nicolas Dupont-Aignan propose par ailleurs d’encourager une agriculture raisonnable et de rémunérer les agriculteurs pour leurs services écosystémiques comme l’entretien de haies, mais contrairement à Emmanuel Macron, Benoit Hamon ou Jean-Luc Mélenchon, le candidat n’annonce pas de budget concret sur cette proposition.

La question européenne

Les candidats souverainistes basent en grande partie leur programme sur une sortie de l’Union Européenne. Cette position de repli national n’est pas une réponse adaptée au réchauffement climatique, qui est international et demande une action globale, au moins au niveau européen. Ce problème se pose également sur les autres enjeux environnementaux, comme la préservation de la biodiversité. La France n’étant pas la seule responsable de ces problèmes globaux, seule une action internationale peut apporter une réponse pertinente.

En conclusion, les candidats souverainistes sont les seuls à donner la priorité au nucléaire par rapport aux renouvelables avec François Fillon, mais ils freinent en plus sur les dispositifs de soutien à l’éolien. Ils font preuve de pertinence sur le chantier de la rénovation énergétique des bâtiments, mais sans prendre d’engagement fort. Le front national est muet sur la transition vers la mobilité électrique, préférant soutenir la solution – moins efficace énergétiquement parlant – de l’hydrogène. Debout-La-France annonce au contraire un objectif chiffré ambitieux, dépassant les promesses d’En Marche sur le sujet. Globalement, aucun des deux candidats ne semble prendre sérieusement en compte la transition énergétique. Bien que le programme de Nicolas Dupont-Aignan fait preuve d’une plus forte détermination que celui de Marine Le Pen, une sortie de l’UE et le repli national vont à l’encontre de toute réelle volonté de combattre le réchauffement climatique, qui demande une action internationale.

Par Gabriel Brezet

Gabriel Brézet est ingénieur de formation. Il a suivi un double cursus avec un mastère spécialisé en économie de l’énergie. Il travaille aujourd’hui dans le secteur des énergies renouvelables.


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