La pandémie de Covid l’a encore récemment souligné : santé animale et santé humaine sont étroitement liées. Mais quelle est la responsabilité des espèces sauvages et des animaux d’élevage dans les maladies infectieuses émergentes ? À l’occasion du salon international de l’agriculture, l’Anses fait le point.
Gilles Salvat, directeur général délégué du pôle recherche et référence, rappelle ainsi que l’Homme partage près de 60 % des maladies infectieuses avec les animaux. Alors que l’on observe des émergences quasi continuelles au cours des dernières décennies, 75 % des maladies infectieuses émergentes ont une origine animale, qu’elles proviennent de la faune sauvage ou des animaux domestiques.
Une plus forte proximité avec les animaux sauvages
L’étude de référence sur le rôle de la faune sauvage dans les maladies émergentes est celle de Jones et al., parue dans Nature en 2008. Élodie Monchâtre-Leroy, directrice du laboratoire Anses de la rage et de la faune sauvage de Nancy, la résume : « En étudiant l’ensemble des émergences de 1940 à 2004, il montre que 43 % d’entre elles ont une origine dans la faune sauvage ».
Et pour cause : l’homme est particulièrement sensible aux pathogènes qu’il n’a pas l’habitude de côtoyer. « Or la faune sauvage est porteuse de très nombreux micro-organismes qui sont étrangers à l’homme et contre lesquels il n’a pas l’habitude de se défendre », rappelle le docteur vétérinaire.
Dès lors que les humains s’introduisent dans des milieux préservés d’une grande biodiversité, comme les forêts primaires, pour exploiter le bois, des métaux ou installer de grandes cultures, il entraîne des déplacements d’espèces sauvages vers des milieux anthropisés. « Cette perturbation des écosystèmes et ce rapprochement favorisent le risque de transfert de virus de l’animal à l’homme », résume Gilles Salvat.
Des échanges entre animaux sauvages et domestiques
L’intensification de l’élevage joue aussi un rôle d’amplificateur. En effet, la concentration d’animaux sensibles rend plus facile l’échange de pathogènes avec la faune sauvage, dans le cas d’élevages extensifs, et la transmission de maladies au sein d’élevages intensifs. Le virus H5N1 qui circule actuellement entre les oiseaux sauvages et domestiques en Europe, et dans le monde entier, en est un bon exemple. « Dès qu’il va y avoir des contacts de plus en plus importants entre la faune sauvage et l’homme ou la faune sauvage et les animaux domestiques, on augmente la probabilité que des pathogènes puissent passer à l’homme ou à l’animal domestique et qu’il y ait une émergence », explique Élodie Monchâtre-Leroy.
Certaines espèces de la faune sauvage profitent également de la perturbation des écosystèmes pour proliférer. C’est le cas par exemple du sanglier en Europe, ou d’espèces exotiques envahissantes, comme le raton laveur en France. Ces espèces se développent sur de nouveaux territoires, amenant avec eux les micro-organismes qu’elles hébergent.
Enfin, des implantations d’espèces domestiques en bordure de forêts primaires peuvent favoriser les contacts avec les sauvages. Gilles Servat rappelle que le virus Nipah en Malaisie trouve son origine dans la contamination d’élevages de porcs en bordure de forêt primaire en 1999. Ce virus transmis au porc via la consommation de fruits contaminés par des chauves-souris frugivores est responsable d’une fièvre hémorragique. « Il y a probablement eu une modification de ce virus et actuellement au Bangladesh, on a une contamination par ce virus Nipah à partir de jus de dattes contaminées, probablement par des chauves-souris, et une transmission d’homme à homme », partage l’expert.
Le changement climatique comme catalyseur
Pour ne pas faciliter les choses, le changement climatique entraîne en plus un changement de répartition des vecteurs de maladies. Dans les pays du nord, il devrait ainsi entraîner l’émergence de maladies anciennement cantonnées aux pays en développement, que cela soit dans la faune sauvage ou domestique. « Le changement climatique va avoir un impact sur les espèces migratrices, notamment les oiseaux migrateurs, ce qui pourra modifier la carte de répartition d’un certain nombre de maladies et la répartition d’un certain nombre de vecteurs [de maladies, ndlr] », explique Gilles Servat.
Le moustique tigre, désormais présent dans toute la France, est un bon exemple de ce phénomène. Ce pionnier n’est certainement pas le dernier. « Certaines espèces de tiques comme Hyalomma, plutôt des pays du sud à l’origine, se retrouvent sur le pourtour méditerranéen, assure Gilles Servat. Hyalomma est la tique responsable de la transmission de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Cette tique est présente en Corse, sur le littoral français méditerranéen et on a eu en Espagne les premiers cas autochtones de fièvre de Crimée-Congo. »
Dans l'actualité
- Les sciences participatives révolutionnent le suivi de la biodiversité
- Une peau synthétique pour étudier les secrets des moustiques
- Changement climatique : s’adapter avec les écosystèmes
- Réaliser un antibiogramme en seulement deux heures grâce à une pince optique
- Une méthode plus précise pour mesurer l’activité électrique cérébrale
- L’articulation de la lutte contre le cancer au niveau régional
- Détecter des anomalies génétiques dans la filière bovine pour mieux les prévenir
- Innovation Santé 2030 : quelles mesures pour lutter contre le cancer ?
- Spore.bio accélère les tests bactériologiques
- Plus d’une espèce menacée sur deux n’est pas protégée
- Qista, une start-up française contre les moustiques
- Mathieu Bouarfa : « Garantir la qualité des produits nutri-santé pour préserver la confiance des consommateurs »
Dans les ressources documentaires
- Analyse spatiale pour l’épidémiologie et la géographie de la santé
- Application des biocapteurs pour la détection des pathogènes
- Intensification écologique des sols en agriculture tropicale : rôles de la biodiversité des sols
- Solutions fondées sur la Nature pour les sociétés et la biodiversité
- Préserver la biodiversité : un enjeu majeur pour la planète et un défi pour nos sociétés