Alors que l'épidémie de coronavirus gagne du terrain en France, une start-up française a mis au point une plateforme d'aide au dépistage du Covid-19. L'objectif de Kelindi et de son cofondateur, Florian Le Goff, est de favoriser le désengorgement des services de santé, submergés par les patients. Depuis son lancement, la plateforme est relayée par les entreprises membres de l'Alliance digitale contre le Covid-19. Le site revendique déjà plusieurs millions de connexions et de questionnaires remplis.
Après plus de deux semaines de confinement, l’épidémie de coronavirus continue de s’accroître sur le territoire français. Les hôpitaux sont submergés, les services de réanimation saturés et le nombre d’appels au Samu ne cesse de croître. C’est à partir de ce constat qu’est née la plateforme maladiecoronavirus.fr, destinée à aider les usagers à interpréter au mieux leurs éventuels symptômes, et ainsi savoir s’ils sont potentiellement infectés ou non par le Covid-19.
Mise en ligne mi-mars, aux alentours du début du confinement français, la plateforme revendique déjà plusieurs millions d’utilisateurs. Au moins 3 millions d’entre eux ont intégralement rempli le questionnaire d’autodiagnostic. Le cofondateur de Kelindi et spécialiste de l’informatique de santé, Florian Le Goff, voit en la rapide mise en place de cette plateforme une prouesse technique. En effet, cette dernière, vérifiée et validée par un collège de scientifiques, n’a été réalisée qu’en quelques jours.
Quelle est la fonction de Kelindi ?
Florian Le Goff : La spécialité de notre start-up est de créer des algorithmes pour détecter l’apparition de maladies. Ces algorithmes sont assez simples généralement. On se concentre sur les symptômes, et on les combine avec certains facteurs de gravité.
Comment est née maladiecoronavirus.fr ?
Il se trouvait qu’on était en train de suivre l’actualité scientifique sur le Covid-19 et les facteurs de comorbidités, notamment dans le JAMA [Journal of the American Medical Association, NDLR], et le Journal of Medicine. Au fur et à mesure qu’on avançait, on voyait qu’en France il n’y avait pas d’application pour dépister le grand public. On voyait que le 15 [le Samu, NDLR] commençait à saturer sous les appels de gens qui avaient des symptômes relativement bénins. On s’est posé la question de développer une application qui permettrait de réduire la pression sur le 15, en orientant les patients le plus tôt possible dans le système de santé.
Comment l’algorithme a-t-il été réalisé ?
L’algorithme est conçu sur une logique assez simple. On a essayé de digitaliser les questions qui sont posées par les médecins spécialistes quand ils procèdent à un examen clinique d’un patient suspecté du Covid-19. Donc on pose des questions sur l’historique médical, lorsqu’il y a un intérêt à le connaître. Et ensuite on étudie certains symptômes. Nous effectuons une étude complète de toutes les comorbidités qu’il y a dans le Covid-19.
Comment vous êtes-vous assurés de la validité scientifique de l’algorithme ?
Après avoir réalisé l’algorithme, nous avons fait appel à un conseil scientifique dans lequel se trouvent des scientifiques de l’AP-HP, de l’Institut Pasteur, du CHU de Rennes, de CHU de Lille, du CHU d’Angers. Et il nous restait à industrialiser cela. Ainsi, j’ai fait appel à Dernier Cri, une agence spécialisée dans l’innovation, pour transformer cet algorithme en un produit complet, qui soit facile et agréable à utiliser, et accessible au grand nombre.
Comment avez-vous fait pour créer aussi rapidement cette plateforme ?
L’agence Dernier Cri, avec laquelle je travaille depuis 2009, a apporté toute la ressource technique nécessaire. Pendant une semaine, entre 20 et 25 personnes ont travaillé en continu pour sortir l’outil en quelques jours. De plus, même si Kelindi a été créée cette année, cela fait huit ans que nous créons ce type d’algorithmes. Il y a eu une symbiose totale entre les développeurs et les scientifiques. Actuellement, l’algorithme est mis à jour quasiment quotidiennement.
Comment est née l’Alliance digitale contre le Covid-19 ? En quoi est-elle essentielle à la plateforme ?
La plateforme existait avant l’Alliance. Cependant, il fallait encore lui donner sa dimension nationale. L’Alliance est un ensemble de quinze industriels* qui ont contribué soit financièrement, soit humainement, soit techniquement, soit les trois en même temps, à consolider l’outil. Les assureurs, mutualistes ou non, l’ont relayée auprès de leurs assurés. D’autres ont apporté leur concours scientifique pour améliorer l’algorithme. D’autres encore ont fourni de la ressource de stockage, à l’image de La Poste, avec Docaposte. Actuellement, nous sommes contactés tous les jours par des entreprises qui demandent ce qu’elles pourraient faire pour nous aider.
À quoi vont servir toutes les données que vous collectez au sujet du Covid-19 ?
Notre but est de réaliser une enquête épidémiologique pour comprendre comment l’épidémie s’est déroulée, et derrière mettre en place de nouveaux modèles mathématiques pour simuler comment ça se passe sur le terrain. L’objectif n’est pas de dire que les gens ont le Covid-19 ou pas pour l’instant, c’est de dire qu’à tel moment les gens ont présenté tels symptômes. Dans quelques mois, les données collectées se retrouveront éventuellement dans le Health Data Hub [la plateforme des données de santé mise en place par le Ministère des Solidarités et de la Santé en 2019, NDLR]. Ensuite, il faudra que l’analyse de ces données soit faite par des acteurs neutres et reconnus, comme l’Institut Pasteur. Toutes ces données sont anonymes. La seule information personnelle qu’il faut donner, hormis les données de santé, est le code postal.
Quel va être l’intérêt de posséder ces informations ?
Concrètement, il va s’agir pour nous de comprendre comment agit le virus sur le patient au début de la contamination. C’est un travail de recherche, de longue haleine.
Avez-vous développé d’autres plateformes destinées au dépistage de pathologies ?
Fabrice Denis [oncologue et expert en e-santé, NDLR] avec qui je travaille, est l’auteur d’une étude qui est capable de prédire la rechute de cancer de poumons sur la base d’un auto-questionnaire que le patient remplit toutes les semaines. En étudiant la dynamique des questions dans le temps, il a démontré qu’il était capable de détecter des rechutes de cancers avant même parfois de les voir en imagerie médicale. Parce que justement, l’intérêt de ces algorithmes est de se poser la question du parcours de soins et du bon moment de prise en charge. Cela fait huit ans que Fabrice Denis travaille sur le sujet.
Est-ce qu’un algorithme pour aider à déceler un diabète ou une maladie d’Alzheimer serait envisageable ?
Ces pathologies sont complexes. Il y a déjà beaucoup d’équipes qui travaillent sur ces sujets-là. Chez Kelindi, on se pose effectivement des questions sur ce qu’on pourrait faire avec le même type de modèle sur deux sujets : la croissance des enfants et la dégénérescence des seniors. Là aussi, on va être sur des symptômes qui vont apparaître dans le temps, et savoir les analyser pourra nous permettre de prédire certaines maladies.
* Les quinze industriels de l’Alliance sont : Kelindi, Dernier Cri, La Poste, De Gaulle Fleurance & Associés, Allianz France, AG2R La Mondiale, AstraZeneca, CompuGroup Medical, Johnson & Johnson, La Banque Postale Assurances, Malakoff Humanis, MesDocteurs, Le Groupe VYV, La Mutuelle Générale et Withings.
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