Aujourd’hui, la cryptographie quantique passe par la fibre optique, sur quelques centaines de kilomètres. Elle est caractérisée par son aspect de haute sécurité : il est en effet impossible de copier les informations ou de les intercepter sans les faire disparaître. Toutefois, cette impossibilité de copier le signal empêche aussi les scientifiques de l’amplifier pour le diffuser sur de longues distances, comme c’est le cas avec le réseau wifi.
Trouver le bon matériau pour confectionner les mémoires quantiques
Le signal ne pouvant être ni copié ni amplifié sous peine de disparaître, les scientifiques se penchent actuellement sur la fabrication de mémoires quantiques capables de le répéter en capturant les photons et en les synchronisant entre eux afin de les diffuser toujours plus loin. Reste à trouver le matériau approprié pour confectionner ces mémoires quantiques. «Toute la difficulté est de trouver un matériau capable d’isoler l’information quantique portée par les photons des perturbations environnementales pour que l’on puisse les retenir environ une seconde et les synchroniser entre eux, explique Mikael Afzelius, chercheur au Département de physique appliquée de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Or, en une seconde, un photon parcourt environ 300 000 km!» Les physiciens et les chimistes doivent donc trouver un matériau très bien isolé des perturbations, mais capable de fonctionner à des hautes fréquences permettant de stocker et restituer le photon rapidement, deux caractéristiques souvent considérées comme étant incompatibles.
Un point magique pour le graal des terres rares
Aujourd’hui, il existe déjà des prototypes de mémoire quantique testés en laboratoire, notamment à base de terres rares comme l’europium ou le praséodyme, mais leur vitesse n’est pas encore assez élevée. «Nous nous sommes alors intéressés à une terre rare du tableau périodique qui avait été très peu étudiée, l’ytterbium», expose Nicolas Gisin, professeur au Département de physique appliquée de la Faculté des sciences de l’UNIGE et fondateur d’ID Quantique. «Notre objectif est de trouver le matériau idéal pour la confection des répéteurs quantiques, et cela passe par l’isolation des atomes de leur environnement qui a tendance à perturber le signal», complète-t-il. Cela semble être le cas avec l’ytterbium ! En soumettant cette terre rare à des champs magnétiques très précis, les physiciens de l’UNIGE et du CNRS ont découvert qu’elle entre dans un état d’insensibilité qui la coupe des perturbations de son environnement et qui permet de piéger le photon pour le synchroniser. «Nous avons trouvé un «point magique» en variant l’amplitude et la direction du champ magnétique, s’enthousiasment Alexey Tiranov, chercheur au Service de physique appliquée de la Faculté des sciences de l’UNIGE, et Philippe Goldner, chercheur à l’Institut de recherche de chimie Paris (CNRS/Chimie ParisTech). Lorsque ce point est atteint, on augmente d’un facteur 1 000 les temps de cohérence des atomes d’ytterbium, tout en travaillant à des hautes fréquences!»
Les avantages de l’ytterbium
Les physiciens sont actuellement en train de construire des mémoires quantiques à base d’ytterbium qui permettent de réaliser rapidement les transitions d’un répéteur à l’autre, tout en gardant le photon le plus longtemps possible pour effectuer la synchronisation nécessaire. «Ce matériau ouvre un nouveau champ des possibles dans la création d’un réseau quantique mondial et souligne l’importance de poursuivre des recherches fondamentales en parallèle à des recherches plus appliquées, comme la création d’une mémoire quantique», conclut Mikael Afzelius.
Source: CNRS
Cet article se trouve dans le dossier :
Technologies quantiques : innovation et souveraineté
- Quantonation, premier fonds d’investissement en Europe pour les technologies quantiques
- «Il n’est pas certain que la France et l'Europe aient accès aux technologies quantiques si elles ne les développent pas elles-mêmes»
- Muquans, pépite française quantique
- Ordinateur quantique : 3 défis technologiques à surmonter
- L’ytterbium, la mémoire quantique de demain
- Se défendre des attaques d’ordinateurs quantiques avec QuantiCor Security
- Informatique quantique : une menace pour la cryptographie ?
- Mesurer le monde quantique
Dans l'actualité
- Usages de l’informatique quantique : beaucoup de bruit pour l’instant !
- Nouvelles avancées en information quantique photonique
- L’informatique quantique et le casse du siècle
- Une nouvelle source de lumière quantique
- L’installation de réseaux de communication quantique
- L’ordinateur quantique est-il l’avenir de l’informatique ?
- Stocker des données sur des atomes
- Un pas de plus vers les ordinateurs quantiques
- Mesurer le monde quantique
- Métamatériaux quantiques : une révolution technologique ?
- L’ADEME fait le point sur les terres rares liées aux ENR
- Comment le machine learning peut aider à la création d’électrolytes plus performants ?
- Téléportation quantique entre deux puces au silicium : une première mondiale
- Calcul quantique : les premières applications à court terme
Dans les ressources documentaires