Des représentants de l’UE et des États-Unis se sont rencontrés à Bruxelles lors d’un Conseil de l’énergie le 3 décembre, deux jours après que Vladimir Poutine, le président russe, a annoncé l’abandon du projet de gazoduc South Stream, qui aurait transporté du gaz naturel sous la mer Noire vers la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, la Slovénie et l’Autriche.
La Haute-représentante aux affaires étrangères, Federica Mogherini, et le secrétaire d’État américain, John Kerry, étaient présents lors de cette réunion, parfaite démonstration d’unité contre l’utilisation des ressources énergétiques comme instrument politique par la Russie.
Après la réunion, des représentants de l’UE et des États-Unis ont déclaré que le gazoduc aurait renforcé la mainmise de la Russie sur le marché du gaz, alors qu’il est aujourd’hui nécessaire de diversifier les sources et les itinéraires d’approvisionnement.
« South Stream ne diversifiait rien, il s’agissait juste d’une autre route », a ainsi souligné un représentant de l’UE. « Le gaz ne serait pas passé par l’Ukraine, mais ce serait le même gaz ». Et pour les États-Unis, « South Stream n’était pas un projet de diversification pour la région ».
Des exemples de projets alternatifs
Les représentants des États-Unis ont salué des projets alternatifs nés dans les pays baltes, comme le terminal flottant « Freedom » permettant d’acheminer du gaz naturel liquéfié (GNL) en Lituanie, un nouvel accord d’interconnexion entre la Finlande et l’Estonie, ou encore des terminaux de GNL à Helsinki et Tallinn. Ce genre de projets doit servir d’exemple au reste de l’UE.
Le GNL n’est pas transporté dans des gazoducs, ce qui en fait une alternative possible au gaz naturel. L’utilisation de GNL permettrait également de diversifier les fournisseurs d’énergie et donc de réduire la dépendance de l’UE à la Russie.
Le gazoduc South Stream aurait permis à la Russie de livrer du gaz à l’Europe sans passer par l’Ukraine. La plupart des importations de gaz russe à l’heure actuelle, qui représentent 30 % des besoins annuels européens, transitent actuellement par l’Ukraine. En 2009, la Russie avait fermé les robinets de gaz suite à une dispute avec Kiev, ce qui avait engendré des pénuries dans l’UE.
La sécurité énergétique est devenue l’une des préoccupations essentielles des décideurs politiques depuis que la crise ukrainienne s’est aggravée cette année, soulignant encore la dépendance de l’UE vis-à-vis de la Russie.
Vladimir Poutine considère l’UE responsable de l’échec du projet de South Stream, abandonné suite à une décision de la Bulgarie. La Commission européenne avait incité le pays à mettre un terme au projet. Selon l’exécutif européen, celui-ci enfreignait certaines lois européennes.
« Nous avons été très clairs quant à la stratégie du secteur européen de l’énergie face au projet South Stream. Nous voulions que le projet soit suspendu et la dimension de la sécurité énergétique a conforté notre position », assure un représentant de l’UE.
Certains pays, comme la Bulgarie et la Serbie, ont exigé des compensations suite à la suspension du projet. L’exécutif européen a cependant coupé court à ces réclamations, soulignant qu’il s’agissait d’une affaire interne à l’UE, qui ne devait pas être discutée avec les représentants des États-Unis.
Le choix de la Turquie s’impose
L’abandon de South Stream devrait faire de la Turquie une plateforme gazière d’envergure. Moscou et Ankara ont en effet conclu un accord préliminaire sur le début de travaux liés à un gazoduc alternatif passant par la Turquie et qui se terminerait par une plateforme de distribution près de la frontière grecque.
Lors d’une conférence de presse, Vladimir Poutine a déclaré que cette plateforme pourrait alimenter l’UE, si ses membres le souhaitaient. 60 % environ du gaz naturel utilisé en Turquie vient de Russie.
« Nous allons sans aucun doute continuer à coopérer étroitement avec la Turquie », assure par ailleurs un représentant européen. « La Turquie peut permettre aux marchés européens de diversifier ses fournisseurs de gaz et les routes que celui-ci emprunte, ce qui est nécessaire au moyen et long terme. »
Le gaz et le pétrole provenant de la Méditerranée, de la mer Caspienne et d’Irak pourraient également transiter par la Turquie. « En ce qui concerne l’acheminement, la Turquie est un acteur essentiel », souligne un représentant européen, qui ajoute qu’une stratégie pour l’énergie intégrant la Turquie sera élaborée dans le courant du mois de décembre.
L’union énergétique
Plus tôt dans la semaine, l’Agence internationale de l’énergie a publié un rapport sur la politique énergétique de l’UE. Selon ce rapport, l’Europe restera dépendant du gaz russe pendant encore un certain temps.
Cette analyse est jugée intéressante par l’exécutif européen, qui souligne néanmoins que la responsabilité d’élaborer de nouvelles politiques et mesures lui revenait.
« Il existe incontestablement une volonté politique d’agir en ce qui concerne la sécurité énergétique à la Commission européenne et à l’UE. La sécurité énergétique sera probablement la première priorité de l’union énergétique, étant donné qu’il s’agit d’une sorte de précondition », rappelle un représentant de l’exécutif.
Des mesures ad hoc devraient également permettre à l’Union d’accélérer certains processus, comme dans le cadre de l’inversion des flux en Slovaquie, qui a permis à l’UE de vendre du gaz russe à l’Ukraine.
« L’Europe restera dépendante, si vous voulez utiliser ce terme, du gaz russe tant qu’il est l’option la moins chère. Ça n’est pas un problème. Ce qui est important, c’est de s’assurer que ça ne soit plus le cas le jour où il se pourrait que ce gaz ne soit plus livré. Nous devrons alors pouvoir nous fournir ailleurs », conclut le représentant.
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