En orbite à 850 km ou à 36 000 km de la surface de la Terre, les capteurs des satellites peuvent saisir des détails avec une précision de pixel qui descend à quelques mètres. Les satellites ont déjà révolutionné la météorologie grâce aux mesures de paramètres de l’atmosphère : température, pression, vitesse des vents, etc. Ils sont à présent en phase de révolutionner l’agriculture pour l’amener à devenir une agriculture de précision.
Les satellites peuvent désormais suivre l’évolution des cultures à des stades clés de leur croissance en mesurant des paramètres qui traduisent la densité et l’état de la végétation sur une parcelle, comme la température, la teneur en chlorophylle et l’indice foliaire.
Par exemple, la température de surface d’une parcelle augmente et c’est peut-être un stress hydrique qui est en cours de détection !
Il est ainsi possible d’optimiser les intrants en déterminant la période idéale pour irriguer, épandre des pesticides ou des engrais ou tout simplement pour récolter. Surtout, les satellites permettent d’optimiser les traitements à l’intérieur d’une même parcelle, les besoins n’y étant pas forcément les mêmes.
À l’échelle mondiale, le Programme de suivi de l’agriculture mondial par satellite GEO-GLAM (Group on Earth Observations- Global Agriculture Monitoring) permet d’anticiper les volumes des grandes productions agricoles mondiales, de prévoir une surproduction ou, à l’inverse, une pénurie.
Ce programme a été décidé en 2011 par le G20 agricole et est porté par des institutions de 12 pays (Allemagne, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, France, Inde, Italie, Japon, Russie, USA) et par l’Union européenne, en étroite coordination avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation météorologique internationale (OMI).
Concrètement, quel est son intérêt ?
L’objectif du programme GEO-GLAM est de lutter contre la « volatilité » des prix agricoles en renforçant l’information et la transparence sur les marchés agricoles. L’idée est de donner à la communauté internationale la capacité de produire et de diffuser rapidement une information pertinente et fiable sur les perspectives de production agricole aux échelles nationales, régionales et globale.
Cela est particulièrement intéressant pour les nations qui ont besoin d’assurer leur sécurité alimentaire et les gros acteurs économiques du secteur. Car oui, lors de la crise alimentaire de 2008, plusieurs pays ont été pris de cours.
Rappelons, par exemple, que le Vietnam est un gros pays producteur et exportateur de riz. Durant cette crise de 2008, son gouvernement a annoncé des restrictions à l’export pour assurer la sécurité alimentaire de sa population et éviter des spéculations trop importantes. Il y a donc un intérêt incontestable à connaître à l’avance les volumes de production pour les gouvernements et les opérateurs économiques qui veulent une information fiable et complète. Ils pourront placer leurs ordres de vente ou d’achat en conséquence.
Les satellites permettent ainsi plus facilement de connaître les surfaces mises en culture, celles-ci pouvant varier d’une année sur l’autre, notamment dans les pays en développement et l’information étant difficile à obtenir sur le terrain. Les satellites permettent d’ores et déjà d’identifier les grandes cultures de céréales comme le riz, le maïs et le soja, mais aussi le tournesol. Cela reste toutefois encore compliqué pour les cultures vivrières.
Grâce à quelques satellites en fonctionnement depuis une dizaine d’années, il est possible de comparer le développement des cultures de l’année en cours à la moyenne passée. Cela permet la prédiction d’anomalies ou de stress. Dès lors, il est possible de prévoir les rendements. « Là, on oscille entre des dires d’experts ou des modèles statistiques », explique Pascal Kosuth, chercheur Irstea, travaillant sur le projet.
« En 2011, on a vu de très fortes sécheresses à la fois sur la Corn Belt aux Etats-Unis et sur le croissant Ukraine – Russie – Kazahstan et l’on a su qu’il y aurait une chute de production agricole mondiale », précise-t-il.
Le programme vise à mettre à disposition l’imagerie satellitaire aux acteurs qui le demandent, à développer les méthodes pour identifier de nouvelles cultures et mieux les analyser, à soutenir quelques programmes faisant du suivi global, à développer les compétences des pays qui veulent améliorer leur propre suivi et à suivre les zones à risque. « Toutes les informations qui sortiront de Geo-glam seront publiques et gratuites », affirme le chercheur.
Plus largement, les satellites permettent de quantifier les gaz dans l’atmosphère (dioxyde de carbone, ozone, etc.), la hauteur des arbres, la déforestation, l’épaisseur des glaces sur les océans et le niveau des océans. Des chercheurs travaillent sur la mesure des isotopes et de la vitesse de surface des océans. « On pourra très probablement dans 10, 15 ou 20 ans estimer les débits des fleuves partout à la surface du globe », prévoit Pascal Kosuth. Les satellites n’ont donc pas fini de nous impressionner.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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