L’ONF cherche de nouveaux financements pour adapter les forêts françaises au changement climatique. Elle mise notamment sur le label bas-carbone pour financer de nouveaux projets complémentaires. Entretien.
Nicolas Philippe est chef du département production et services à l’ONF. Son rôle ? Proposer aux collectivités et aux entreprises les services et expertises de l’ONF. Depuis le début de l’année, il leur propose de labelliser des projets de compensation carbone pour aider à adapter les forêts françaises au changement climatique. Entretien.
Techniques de l’Ingénieur : L’ONF a lancé depuis le début de l’année une nouvelle offre de compensation carbone à travers le label bas-carbone. Quel est l’intérêt de cette nouvelle démarche ?
Nicolas Philippe : Aujourd’hui l’ONF gère 4,6 millions d’hectares de forêts publiques en France métropolitaine. Cela représente 25 % des forêts françaises. Nous avons 4 missions : valoriser la ressource en bois, protéger l’environnement et la biodiversité, prévenir les risques naturels – incendies, risques littoral et montagne – et accueillir le public en forêt tout en gérant la multifonctionnalité de ces espaces publics.
Sur les 4,6 millions d’hectares que nous gérons, le dérèglement climatique impacte directement environ 300 000 hectares. Sur ce total, 50 000 hectares sont déjà clairement identifiés, dont 20 000 hectares définitivement impactés pour lesquels nous devons mener des actions rapidement. Nous avons décidé de le faire dans le cadre du label bas-carbone.
Quelles sont les méthodes que vous utilisez pour reconstituer les forêts françaises impactées ?
Nous travaillons sur les trois méthodes forestières du label bas-carbone : le boisement sur terrain nu, la reconstitution de l’espace dégradé par des impacts qui peuvent être des incendies, des tempêtes, des crises sanitaires ou des dépérissements. Et la troisième méthode, c’est l’amélioration des rendements de taillis sous futaies. Sur les forêts impactées, nous allons principalement être sur de la reconstitution forestière.
Après la Seconde Guerre mondiale, la France a fait des plantations massives d’épicéas en plaine notamment dans le Grand Est sur les zones de guerre. À Verdun par exemple, nous avons planté 10 000 hectares d’épicéas. Aujourd’hui, le scolyte y dévaste tout. Bien évidemment la régénération naturelle ne pourra pas prendre puisque si on plante la même essence, elle sera de nouveau attaquée. En replantant d’autres essences, nous allons limiter l’impact du scolyte et permettre de séquestrer du carbone.
Dans cette perspective, pourquoi avoir opté pour le label national bas-carbone ?
Nous avons décidé de travailler avec le label bas-carbone car il demande un travail de fond. En 2021, nous avons notifié 1 500 hectares de projets sur toute la France au ministère de la transition écologique et solidaire pour une quarantaine de projets. Nous avons déposé aujourd’hui 160 hectares de dossiers validés par le ministère, soit à peu près 10 % de la surface notifiée.
Sur les dossiers déjà labellisés, des entreprises sont-elles déjà engagées ?
Nous avons une dizaine de financeurs sur des projets labellisés et une trentaine d’autres demandes sur les projets à venir. Les financeurs ont souvent un intérêt à mener une action de reconstitution forestière en proximité d’un site de production pour être dans une dynamique de responsabilité sociétale des entreprises et faire adhérer les collaborateurs à cette dynamique. Dès qu’un financeur est intéressé par un projet, nous le labellisons.
Quelle est la taille d’un projet et quelle quantité de CO2 stocke-t-il ?
Un projet, c’est en moyenne une dizaine d’hectares. À l’hectare, vous stockez entre 150 et 180 tonnes de CO2. Cela va dépendre de la zone géographique et des essences. En plaine par exemple, les arbres poussent plus vite qu’en montagne. Si vous plantez des résineux, vous avez une croissance plutôt rapide et avec des feuillus, une croissance plus lente. Pour autant, le peuplier est un feuillu, mais à croissance rapide. Sur les résineux, on trouve beaucoup de Douglas, une essence prisée par les marchés et à croissance rapide donc avec une capacité de stockage de carbone plus importante.
Concrètement, si vous faites de la monoculture de Douglas, vous allez stocker beaucoup plus de CO2, autour de 250-300 tonnes à l’hectare mais vous affichez un projet pauvre en co-bénéfices et biodiversité. À l’ONF, nous privilégions les plantations mixtes avec de forts co-bénéfices, car nous sommes convaincus de la résilience des forêts mosaïques face au changement climatique.
Chaque année, l’ONF plante 7 millions de plants, avec 49 % de résineux et 51 % de feuillus. Face à l’impact du changement climatique, nous devons planter bien plus qu’auparavant. Nous savons pertinemment que si nous ne nous inscrivons pas dans des logiques comme le label bas-carbone, il y a un certain nombre d’espaces que nous ne pourrons pas traiter.
Sur les crédits internationaux labellisés dans le cadre du marché du carbone, la tonne de CO2 compensée coûte entre 15 et 20 dollars. Sur le marché réglementaire européen, nous sommes entre 50 et 60 euros la tonne. Le label bas-carbone, qui est volontaire, se situe entre les deux. Les projets se situent entre 30 et 35 euros la tonne de CO2 compensée mais c’est un marché qui croît avec des prix à la tonne qui augmentent.
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