Le Royaume-Uni veut minimiser le pouvoir de l'UE sur les mesures nationales contre le changement climatique. Au grand dam des eurodéputés et des défenseurs de l'environnement.
En octobre, les États européens ont accepté de réduire leurs émissions de carbone de 40 % d’ici 2030. Depuis, le Royaume-Uni et la République tchèque ont cependant rédigé une proposition selon laquelle les réductions des émissions des États ne devraient être suivies que de loin par une Union au rôle diminué.
Ce document, qui n’a pas été publié, place la compétitivité des entreprises au même niveau de priorité que la réduction des gaz à effet de serre. Il préconise également de donner le même statut au nucléaire et aux techniques expérimentales de captage et stockage du dioxyde de carbone qu’aux énergies renouvelables, comme les énergies éolienne ou solaire.
« Il est très inquiétant que le gouvernement britannique s’efforce de mettre en place une réglementation européenne peu contraignante pour les objectifs pour 2030, estime l’eurodéputé Seb Dance dans un entretien accordé au Guardian. Dans le passé, le Royaume-Uni a été au premier rang de l’abandon du charbon dans le secteur énergétique, mais cela ne suffit pas, il faut combiner ces mesures au développement des énergies renouvelables et à des alternatives plus vertes. Ce document est une preuve supplémentaire, s’il en fallait, que le gouvernement conservateur a complètement abandonné l’idée de devenir le ‘gouvernement le plus vert de l’histoire’. »
La proposition de Londres implique un transfert des compétences en matière de climat. Celles-ci relèvent actuellement de l’UE, qui peut poursuivre les États en justice s’ils ne remplissent pas leurs engagements. Le Royaume-Uni voudrait donc que ces compétences reviennent aux États, qui décideraient ainsi de la manière de mettre en œuvre les politiques générales européennes.
« Le point de départ de notre réflexion est que le système de gouvernance devrait aider l’UE à coordonner les efforts déployés dans le but d’atteindre ses objectifs énergétiques et climatiques, tout en respectant la souveraineté des États membres », a déclaré un porte-parole du ministère de l’énergie et du changement climatique.
Si cette proposition était mise en place, l’UE perdrait la possibilité de réagir en cas de non-application des politiques climatiques par les États. La Commission rendrait compte des progrès de l’ensemble du bloc devant les dirigeants européens tous les trois ans environ. Le Parlement européen serait quant à lui simplement exclu de l’équation.
Une proposition contre-productive
En pratique, les pays disposeraient d’un veto au Conseil, ce qui leur permettrait de se débarrasser de leurs obligations, craignent les défenseurs des objectifs climatiques.
« La lutte contre le changement climatique est un énorme défi. Nous devons y répondre en régulant plus, pas moins, assène Brook Riley, porte-parole de l’organisation Les Amis de la Terre Europe. Le Royaume-Uni déclare d’un côté qu’une action urgente doit être mise en place pour lutter contre le changement climatique, mais d’un autre côté, le pays s’oppose aux politiques européennes communes nécessaires à cette action. C’est tout à fait hypocrite, surtout que le Royaume-Uni lui-même condamnera cette attitude de rejet de l’UE lors de la conférence de Paris fin 2015. »
Lors de cette conférence, l’Europe promettra une réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Au mois d’octobre prochain, le Royaume-Uni est parvenu à empêcher toute mesure contraignante en ce qui concerne les objectifs en matière d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique. L’absence de telles mesures, la façon dont cette réduction sera accomplie n’est pas claire.
Le document rédigé par le Royaume-Uni et la République tchèque propose également que l’UE soutienne les pays qui voudraient utiliser l’énergie nucléaire ou le captage et le stockage du dioxyde de carbone (CSC). Il appelle aussi la Commission à « présenter une nouvelle stratégie de CSC pour l’Europe le plus tôt possible » en 2015.
Le CSC, une méthode potentiellement rentable
Des entreprises comme Shell soutiennent largement le développement du CSC. Ces méthodes impliquent le captage du dioxyde de carbone et son acheminement dans des canalisations vers des fissures souterraines. À l’heure actuelle, elles contribuent à l’extraction de combustibles fossiles et leur permettront de continuer d’exister pendant longtemps dans le 21e siècle.
Selon une étude de l’université de Durham, la récupération assistée du pétrole, réalisée grâce au CSC permettrait d’extraire l’équivalent d’environ 190 milliards d’euros de pétrole de la mer du Nord. Sans le CSC, ce pétrole n’aurait pas pu être extrait.
Pour le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU, le CSC pourrait contribuer à hauteur de 22 % à la réduction des émissions au niveau mondial d’ici 2050. Toutefois, les plus grands spécialistes de l’énergie estiment que ces méthodes ne seront pas commercialement viables avant le milieu ou la fin des années 2020. Impossible donc de miser sur le CSC pour réduire les émissions de carbone d’ici là.
« Derrière la position du Royaume-Uni, on devine évidemment la présence d’entreprises comme BP, Shell, E.On et EDF, souligne l’eurodéputé vert Claude Turmes. Pourquoi laisserions-nous un gouvernement qui pourrait ne plus exister après le mois de mai nous dicter de mauvaises politiques énergétiques ? Quels sont leurs moyens de pression ? »
Pour lui, l’alliance de Londres avec un gouvernement tchèque considéré comme pro-charbon et anti-énergie renouvelable « montre bien que le gouvernement britannique n’a absolument aucun intérêt à mettre en place de meilleures politiques énergétiques, mais qu’il veut juste récupérer des compétences entre les mains de l’UE et détruire une stratégie [climatique] européenne forte ».
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