Il est bien connu aujourd’hui que le pétrolier français Total et le russe Gazprom, partenaires du projet Shtokman destiné à exploiter un très grand champ gazier offshore situé en Mer de Barents, au large de Mourmansk, se posent des questions sur la rentabilité et la viabilité du projet.
Le projet en question devait initialement desservir le réseau de gazoduc russe prolongé vers l’Europe (vers l’Allemagne puis, plus-tard, au-delà, vers la Grande-Bretagne) par la branche NordStream passant sous la Mer Baltique (FIG.I) mais il devait aussi, grâce à une unité de liquéfaction du gaz, située sur la côte russe, livrer en GNL (gaz naturel liquéfié) les ports d’accueil des Etats-Unis.
La profusion de gaz de schistes découverts et exploités depuis sur le Continent Nord-Américain rend bien entendu, cette deuxième part du projet russe, faute de demande, complètement caduque. Devant les difficultés rencontrées, après le départ de Statoil, les autorités russes posent même publiquement la question de la pérennité de l’adhésion du pétrolier français Total à ce projet.
Situation du projet Shtokman dans le réseau de gazoduc russe et nord-européen
Mais je voudrais montrer ici que cet évènement énergétique majeur que constitue la découverte des gaz de schistes américains se répercute également sur le commerce russe de pétrole.
En effet, l’afflux de condensats légers de gaz de schistes américains vers les raffineries du Golfe du Mexique a fortement réduit durant ces derniers mois (FIG.II) les importations américaines en pétrole léger provenant d’Afrique du Nord (Algérie, Lybie) ou de l’Ouest (Nigeria, Angola, etc.).
Ces importations en 2013 qui s’élèvent autour des 700 mille barils par jour, ont été divisées par trois par rapport à celles qui prévalaient en 2006, 2007 et 2008.
Remarque : contrairement aux idées en vogue de soi-disant « indépendance énergétique », les Etats-Unis importent toujours la moitié du pétrole brut qui alimente leurs raffineries, en particulier en fractions lourdes de pétrole en provenance, entre-autres, des champs d’huiles lourdes de l’Orénoque ou des sables bitumineux canadiens. Ces produits sont indispensables aux raffineries américaines pour produire du bon gazole qu’elles exportent à bon prix (pour elles) vers l’Europe et le marché mondial.
Importations par les Etats-Unis de pétrole et autres produits pétroliers en provenance de l’Afrique du Nord et de l’Ouest
Ce pétrole léger africain, maintenant dédaigné par les Etats-Unis, doit être exporté vers d’autres contrées asiatiques (Chine, Inde) mais aussi vers l’Europe comme en attestent les statistiques des Douanes françaises.
Sous la rubrique 27090090, « huiles brutes de pétroles ou de produits bitumineux (à l’exclusion des condensats de gaz naturel) » les douanes nous indiquent que les importations françaises en provenance de l’Afrique sont passées respectivement entre 2012 et les douze derniers mois à Octobre 2013 de 19,9 millions de tonnes à 21,1 millions de tonnes (+5,7%) alors que celles en provenance de Russie ont fortement régressé de 24% avec passage durant les mêmes périodes de 8,2 millions de tonnes à 6,2 millions de tonnes, tout ceci à importations totales de la France légèrement décroissantes de 1,1% entre les deux périodes (56,9 millions de tonnes en 2012 et 56,3 millions de tonnes sur les 12 derniers mois).
Durant ces derniers mois, les baisses significatives des importations de pétrole et produits pétroliers en provenance de Russie ont assuré la légère décroissance des importations françaises et surtout l’embellie des importations en provenance d’Afrique.
Par un jeu à plusieurs bandes dans lequel il faudrait aussi impliquer, en toute rigueur, les produits raffinés tels que le gazole, il semblerait que la saturation en pétrole, issus des gaz de schistes, des raffineries du Golfe du Mexique entraîne une baisse des exportations de pétrole russe vers certains pays européens.
Rappelons que, pour en préciser les enjeux économiques, la France a importé sur les douze derniers mois à Octobre 2013 pour 35 milliards d’euros de pétrole brut, 17 milliards de produits raffinés du pétrole et 15 milliards de gaz naturel.
C’est un très bon client, constant dans ses consommations énergétiques, pour certains grands pays producteurs.
Il y a là de toute évidence un point de faiblesse majeur récurrent pour la santé économique de la France qui ne sait pas faire revenir tous les pétrodollars dépensés et ainsi équilibrer les échanges commerciaux par des ventes en retour de biens ou de services, ce dont les médias parlent peu.
Un des objectifs de cette rubrique est d’attirer l’attention de nos contemporains sur ce problème trivial qui altère la compétitivité de l’économie française qui consomme trop et ne produit pas assez.
C’est dans ce cadre objectif là qu’il faudrait, à tout prix, placer les débats sur les grands choix énergétiques de notre pays que sont le développement industriel des biocarburants, des biotechnologies ou l’exploration des gaz de schistes par exemple. L’objectivité du débat public afficherait alors sa primauté sur les passions, les peurs et autres arcanes politiques.
Par Raymond Bonnaterre
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