Si le point d’achoppement entre le Sénat et l’Assemblée nationale réside dans une demande sénatoriale – un dispositif destiné à développer une offre de mobilité, alternative à la voiture individuelle, sur les territoires qui en sont aujourd’hui dépourvus -, le texte va bien au-delà de ce sujet en matière d’énergie.
A l’occasion d’une rencontre avec des journalistes de l’AJDE, Nathalie Sarles, députée de la cinquième circonscription de la Loire et rapporteur du projet de Loi-Energie Climat, et Jean-Luc Fugit, député de la 11ème circonscription du Rhône, rapporteur du projet de Loi d’Orientations des Mobilités (LOM), ont rappelé les enjeux de ce texte qui vise à réorganiser les transports afin « d’améliorer concrètement les déplacements au quotidien pour tous les citoyens et dans tous les territoires grâce à des transports plus faciles, moins coûteux et plus propres », comme le signale le gouvernement dans son texte de présentation.
Jean-Luc Fugit, rappelle d’abord que ce texte fait suite aux Assises de la mobilité lancées dans la foulée de l’élection présidentielle.
Du droit du transport à celui de la mobilité
Le texte tend à combler l’absence de loi depuis 1982 sur le sujet, explique le rapporteur. Il s’organise autour de quatre grands enjeux : mettre en œuvre des autorités organisatrices de la mobilité (au niveau communal, intercommunal, ou, par subsidiarité régional), la LOM passant de la notion de droit aux transports à celui de droit à la mobilité. En outre, il s’agit d’adapter la législation à la nouvelle donne (mise à disposition de données, mobilité autonome, par exemple). L’objectif est également de mettre en place les infrastructures, en donnant les outils afin de faciliter la décision d’investissement. Enfin, il faut aussi répondre à l’ambition de neutralité carbone inscrite dans la loi énergie-climat récemment votée, en allant vers une mobilité plus propre et plus active.
J-L. Fugit rappelle en effet que, côté énergie, l’objectif général de la LOM s’inscrit dans la perspective de la loi énergie-climat récente, qui vise à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Une ambition qui repose sur plusieurs leviers, insiste le rapporteur de la LOM. D’abord, une consommation d’énergie qui se réduit, ensuite, plus de sobriété, enfin des puits de carbone. Autant de sujet qui impliquent une organisation d’une démarche de société vers cet objectif. Et, en résumé, il s’agit de « fixer tout le CO2 émis par les activités anthropiques et de les remettre dans le cycle », en s’appuyant sur le fait que « moins il y en a à stocker (du CO2), plus c’est facile de le stocker ».
Un objectif de lutte contre la pollution aussi
Le transport, c’est environ 30% des émissions de CO2 anthropiques. Néanmoins, la LOM vise à deux objectifs concomitants : réduire les émissions de CO2 en volume, d’une part, et lutter contre la pollution de proximité, qui a un impact direct sur les populations (notamment en ville), d’autre part. Il s’agit donc bien « en même temps de travailler sur moins de CO2 et moins de polluants de proximité, comme les oxydes d’azote (les NOx) », insiste le rapporteur.
On retrouve ainsi, dans les grandes orientations de la loi, différents aspects. D’abord, une approche favorable à une mobilité plus active, en appuyant sur le sujet de la bicyclette, avec des pistes cyclables (en donnant les moyens aux collectivités locales de statuer) ou encore des stationnements dans les gares.
Ensuite, la recherche d’une avancée dans le domaine du véhicule. « Il s’agit d’un enjeu important au niveau européen », avec une directive sur le cycle de vie des véhicules, il était en effet nécessaire de « s’y mettre », insiste J-L. Fugit. En outre, c’est un bon moyen de favoriser la recherche française, explique le rapporteur, puisque, par exemple, 60% des recherches sur l’hydrogène sont publiées en Europe par des chercheurs français. Côté véhicule, c’est donc favoriser les véhicules électriques, mais aussi ceux au biogaz et les carburants alternatifs, dans la mesure où ils trouvent une place et où ils n’empiètent pas sur les surfaces agricoles.
En outre, il s’agit de mettre fin à la vente des véhicules utilisant du diesel et de l’essence d’ici à 2040, avec une proposition de trajectoire ad hoc. Il fallait en effet donner de la visibilité aux constructeurs afin d’atteindre la massification, qui permet de faire baisser les prix, donc le coût à l’achat. Ce qui n’était pas possible dans le temps prévu par la loi de 2015. « Il faut que le texte soit socialement acceptable, économiquement soutenable et environnementalement durable » insiste le rapporteur.
Destinée à être « une loi pour les trois prochaines décennies », ajoute-il, la LOM prévoit en outre une évaluation par l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) tous les cinq ans (donc en 2024 et ainsi de suite). Ce qui permet, indique J-L. Fugit, par exemple de se dire que l’on pourra prendre une décision dans 10 ans sur le choix de l’hydrogène ou du biogaz, ou autre.
En revanche, sur la question des polluants, il était nécessaire de mettre en place des obligations, en excluant les véhicules émetteurs de ces polluants. Un dispositif qui repose sur la prime à la conversion, mais aussi sur le maintien de la notion de vignette Crit’Air.
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