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Loi AGEC : cinq ans après son adoption, Citeo dresse un bilan en demi-teinte

Posté le par Benoît CRÉPIN dans Environnement

Le 10 février dernier, la loi AGEC soufflait sa cinquième bougie. L’occasion pour Citeo – responsable de la filière REP papiers et emballages ménagers – de faire le point sur les avancées réalisées depuis l’adoption du texte, mais aussi sur ce qui reste à accomplir en matière de réduction, réemploi et recyclage des déchets.

« Une nouvelle ambition en matière d’économie circulaire. » Voilà, selon Valentin Fournel, ce qu’a permis d’insuffler la fameuse loi « AGEC » – loi anti-gaspillage pour une économie circulaire – promulguée il y a cinq ans presque jour pour jour, le 10 février 2020. Directeur Éco-conception et Réemploi chez Citeo[1], l’expert pointe en effet l’une des avancées majeures apportées par le texte, et plus particulièrement son décret d’application : la mise en place d’une stratégie dite « 3R », pour « Réduction, Réemploi et Recyclage ». « Cette loi est véritablement venue consacrer ce terme des “3R”, qui était encore relativement peu usité, l’accent étant alors principalement mis sur le recyclage, au détriment de la réduction et de réemploi », retrace-t-il dans le cadre d’un point presse organisé le 5 février dernier[2].

Précurseur, le texte a également contribué à faire de la France le leader européen de l’économie circulaire. « On constate d’ailleurs que le règlement européen sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR) [adopté le 16 décembre dernier, n.d.l.r.] s’inspire assez largement de ce qui a été fait en France avec la loi AGEC », note le directeur Éco-conception et Réemploi chez Citeo. Valentin Fournel met finalement en avant une dernière illustration des vertus de ce texte, et pas des moindres : les moyens financiers qu’il a permis de conférer – notamment via les éco-organismes – aux acteurs du secteur, pour leur permettre d’agir en faveur de ces fameux « 3R ».

Si les fondations qu’il a permis d’établir semblent donc solides, force est toutefois de constater que la construction de l’édifice « 3R » est encore loin d’être achevée. « Si l’on observe les résultats atteints pour l’heure, on est, factuellement, encore loin des objectifs fixés par la loi », constate en effet M. Fournel, qui dresse ainsi un bilan mitigé à l’heure où s’achève la première étape de réalisation des objectifs du texte.

Accroître la réduction… Un défi qui reste à relever

Emballages plastiques
Les emballages plastiques à usage unique devront disparaître d’ici à 2040.

Sur le premier des 3R – la réduction –, la loi AGEC a par exemple fixé un objectif de réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique d’ici à fin 2025, et même leur disparition pure et simple à l’horizon 2040. Or, dans les faits, les données disponibles pour l’heure ne semblent pas augurer d’une tendance à la baisse… Un bilan d’étape réalisé en 2023 par l’ADEME montre en effet, au contraire, une augmentation d’un peu plus de 3 % des volumes d’emballages plastiques à usage unique en France entre 2018 et 2021. « Cette tendance à la hausse ne suit donc pas la trajectoire de réduction de 20 % en tonnage fixée pour 2025 et ne va pas dans le sens de l’objectif de fin de mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique en 2040, prévu par la loi Agec », notent ainsi les rapporteurs d’une mission d’évaluation de l’Assemblée nationale visant, justement, à dresser un état des lieux des conséquences environnementales, économiques, sociales, juridiques et financières, mais aussi des éventuelles difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de la loi AGEC.

« Ces chiffres montrent que l’on n’a pas encore réussi à découpler évolution du gisement d’emballages et consommation des Français », souligne à son tour l’expert de Citeo. « Or, c’est l’objectif que nous visons : parvenir à découpler la quantité d’emballages mis sur le marché et la quantité de produits achetés par les consommateurs », ajoute-t-il. Une perspective qui ne pourra se concrétiser, selon l’expert, sans inciter – et sans accompagner – les metteurs sur le marché à repenser la fonctionnalité des emballages – en faveur notamment de plus de frugalité[3] – mais aussi en actionnant le deuxième levier des « 3R » : le réemploi.

Le réemploi encore loin du compte

Côté réemploi, c’est un tableau tout aussi mitigé que nous dresse Valentin Fournel : alors qu’un décret fixe des objectifs annuels de mise sur le marché d’emballages réemployés visant à atteindre une part de 10 % d’ici à 2027, l’Observatoire du réemploi estime à 2 % environ le taux de réemploi atteint en 2023, tous emballages confondus, et même à 1,1 % seulement pour les seuls emballages ménagers… « La loi AGEC a malgré tout permis la mise en place de conditions qui devraient permettre le passage à l’action – et à l’échelle – en matière de réemploi », commente M. Fournel. Le texte dispose en effet, notamment, que 5 % des contributions financières perçues par les éco-organismes soient consacrés au réemploi, au travers du lancement d’appels à projets. « Cela nous a ainsi amenés à lancer, en 2023, un vaste appel à projets – “EncoRE plus de réemploi” – qui nous a permis de financer et d’accompagner plus de 140 projets visant à expérimenter diverses solutions », se félicite M. Fournel, qui espère d’ailleurs franchir le seuil des 200, voire des 250 projets pour l’édition 2024 de l’appel à projets, clôturé le 31 décembre dernier.

Contenants verre réemploi
À partir de mai prochain, 30 millions de contenants réutilisables en verre seront mis sur le marché dans quatre premières régions françaises. © Citeo We are the good children

Au-delà de l’expérimentation, la question du passage à l’échelle des solutions de réemploi figure elle aussi au rang des priorités de Citeo. En témoigne notamment le lancement en 2023 par l’entreprise à mission du dispositif ReUse, visant, en substance, à faire des emballages réemployables, une solution compétitive face aux emballages à usage unique. « Nous avons pour cela commencé par travailler avec une quinzaine d’entreprises pionnières – industriels et distributeurs – accompagnées du Réseau Vrac & Réemploi, avant de passer à une cinquantaine d’acteurs puis à l’ensemble de l’écosystème, lors des ReUse Days, qui ont permis de réunir au total plus d’un millier d’acteurs », retrace Valentin Fournel.

Ces étapes désormais franchies, Citeo s’apprête à lancer la phase « d’activation » du dispositif. Prévue pour mai prochain, cette mise à feu va se traduire par la mise sur le marché, dans quatre régions françaises[4], de pas moins de 30 millions d’emballages – bouteilles et pots – standardisés et accessibles en open source aux industriels : les « R-Cœur »[5]. « Nous allons également équiper les magasins en dispositifs de récupération, mais aussi financer et accompagner l’émergence d’un fournisseur de services chargé de gérer cette boucle de réemploi », souligne M. Fournel, qui met également en avant le lancement d’une grande campagne d’information destinée à sensibiliser les consommateurs à ce sujet du réemploi, autre levier majeur à actionner selon l’expert pour faire décoller la pratique. Prévue pour s’étaler sur 18 mois, cette phase d’activation du dispositif ReUse pourrait ainsi aboutir, à terme, à un déploiement à l’échelle nationale. Mais avant d’en arriver là, c’est aussi, en parallèle, le dernier levier de cette stratégie « 3R » qu’il convient de continuer à actionner : le recyclage.

Recyclage : de bons élèves, et d’autres qui doivent mieux faire

Comme les deux autres de ces fameux « 3R », le recyclage présente, en effet, lui aussi, un bilan plutôt mitigé. « La loi AGEC, et la PPWR, ont permis de fixer des objectifs de recyclage par matériaux, ce qui n’était pas le cas auparavant, où un simple objectif mutualisé de 75 % était fixé pour l’ensemble des emballages ménagers », note tout d’abord Valentin Fournel. Des objectifs individualisés, donc, qui se révèlent déjà atteints pour certains matériaux, tels que le verre et l’acier, mais pas pour d’autres, loin s’en faut… « Pour le verre, le taux de recyclage dépasse d’ores et déjà les 85 %, pour un objectif en 2030 de 75 %. Idem pour l’acier, dont le taux de recyclage se situe lui aussi autour de 85 %, et qui dépasse ainsi largement l’objectif de 80 %. Papiers et cartons présentent en revanche, quant à eux, un taux de recyclage certes relativement élevé, de l’ordre de 69 %, mais encore loin de l’objectif de 85 %. Enfin, avec un taux de recyclage de seulement 27 % pour un objectif de 55 % dans cinq ans, les plastiques font figure de mauvais élèves, au même titre que l’aluminium, qui n’est pour l’heure recyclé qu’à hauteur de 37 %, contre un objectif de 60 % en 2030 », énumère M. Fournel, qui met toutefois en avant les conditions globalement favorables au recyclage créées depuis le lancement, en 2012, de l’extension des consignes de tri.

Tri plastiques
Les filières de recyclage continuent de s’étoffer. © Benoît Crépin

Une simplification du geste de tri à laquelle s’est ajoutée une nouvelle organisation du tri à l’échelle hexagonale, au travers, notamment, de la création de centres de surtri. « Suite à cela, nous avons également lancé des appels d’offres à destination des recycleurs, afin de construire de nouvelles filières de recyclage », conclut Valentin Fournel. « Ces filières sont en train de se mettre en place », ajoute-t-il, citant notamment l’exemple du polystyrène et des fameux pots de yaourt qui en sont généralement constitués, mais aussi des films souples en polypropylène, ou encore des barquettes et autres emballages rigides en PET hors bouteilles. Un développement de nouvelles filières de recyclage qui doit toutefois se faire à l’aune de la nécessaire montée en puissance du réemploi et de la réduction évoqués plus haut… Un paradoxe ? Pas pour Valentin Fournel, qui voit en effet dans ces approches des solutions parfaitement compatibles et complémentaires : « Avec l’objectif de réemploi de 10 % fixé pour 2027, les emballages à usage unique ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Ces différentes modalités vont donc coexister : ce qui ne sera pas réemployé devra de toute façon être recyclé, et même ce qui peut être réemployé devra également être recyclé un jour ». L’expert de Citeo qui compte également, finalement, sur l’implication du consommateur lui-même : « Nous espérons qu’en 2030, la recyclabilité de tous les emballages soit devenue un acquis, et que cela amène le consommateur à se saisir davantage des deux autres de ces “3R” : réduction et réemploi ». Insufflée il y a un peu plus de cinq ans maintenant, l’ambition de la loi AGEC semble ainsi, aujourd’hui encore, plus que jamais d’actualité.


[1] Entreprise à mission née en 2017 de la fusion des éco-organismes Eco-Emballages et Ecofolio.

[2] Voir également 5 ans de la loi AGEC : des avancées et des défis.

[3] Citeo a notamment déployé à ce sujet un dispositif de signalement des emballages excessifs.

[4] Pays de la Loire, Bretagne, Normandie et Hauts-de-France.

[5]  Citeo a d’ailleurs annoncé ce 10 février, aux côtés du spécialiste de la distribution de boissons et autres produits consignés à domicile « Le Fourgon », la commercialisation de la première bouteille de lait en verre consignée pour réemploi « R-Cœur ».

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Posté le par Benoît CRÉPIN


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