Contrairement à une idée, il n’y a pas un internet, mais un ensemble de réseaux qui sont connectés entre eux comme des tuyaux, ce qui empêche tout risque de saturation comme des médias l’avaient évoqué, à tort, durant le premier confinement.
Mais, la structure de la connectivité internet diffère considérablement selon les régions du monde. Telle est la conclusion d’une vaste étude (75 pays) menée par des informaticiens de l’université de Californie à San Diego (UCSD).
Pour établir cette topologie de l’internet, ils se sont appuyés sur les données du protocole Border Gateway. Il permet de suivre les échanges d’informations de routage et d’accessibilité entre les systèmes autonomes de l’internet. Plus simplement, il indique le parcours pour atteindre l’adresse IP d’un site.
Même si ces données ne permettent pas d’avoir une vision exhaustive de la situation, elles montrent que la planète est divisée en deux gros blocs. D’un côté, la majorité des pays développés où se font concurrence plusieurs fournisseurs d’accès à internet (FAI).
Le second bloc regroupe les régions d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique et d’Océanie. Dans les pays du Sud, la plupart des utilisateurs dépendent d’une poignée de fournisseurs pour accéder à l’internet. Et dans la majorité des cas, un FAI dessert une écrasante majorité d’utilisateurs.
« Il y a en effet de nombreux pays qui ont peu de connexion, à la fois en nombre de câbles de télécommunications sous-marins et en nombre de FAI. Cette situation s’explique pour des raisons financières, car un câble coûte très cher, mais aussi par une volonté de contrôle de certains pays. Il y a aussi des raisons géopolitiques. Ainsi, l’Algérie n’a des liaisons qu’avec des pays de l’Europe, mais pas avec le Maroc ou la Tunisie », explique Stéphane Bortzmeyer, spécialiste en réseaux.
« À l’inverse, il y a des pays où l’internet a grossi de manière organique avec de nombreux FAI et connexions. C’est le cas de la France, mais aussi de la Russie où, contrairement à ce que prétend Vladimir Poutine, il est très difficile de contrôler l’internet », complète Stéphane Bortzmeyer.
Plus de décentralisation et de peer-to-peer
« De plus, ces fournisseurs s’appuient sur un nombre limité de sociétés appelées systèmes autonomes de transit pour accéder à l’internet mondial et au trafic provenant d’autres pays. Les chercheurs ont découvert que ces fournisseurs de systèmes autonomes de transit sont souvent détenus par l’État », notent les auteurs de ce rapport.
« Dans le pire des cas, un seul système autonome de transit dessert tous les utilisateurs. Cuba et la Sierra Leone sont proches de cet état de fait. En revanche, le Bangladesh est passé de seulement deux à plus de 30 fournisseurs de systèmes, après que le gouvernement a ouvert ce secteur de l’économie à l’entreprise privée », lit-on dans cette étude.
Autre constat, « une grande partie de l’internet ne fonctionne pas avec des accords de peering pour la connectivité des réseaux », a souligné Alexander Gamero-Garrido, un des chercheurs de cette équipe.
Le peering (échange direct de trafic entre opérateurs, FAI, hébergeurs…) est généralement gratuit entre gros opérateurs, car il en va de l’intérêt général. Par contre, un petit opérateur qui n’a pas une empreinte mondiale doit payer en se connectant à un super FAI comme NTT.
Cette situation rend l’infrastructure internet de certains pays particulièrement vulnérable aux cyberattaques, aux sabotages ou à une panne du principal FAI. Par exemple, en Colombie, il n’y a aucune connexion entre les opérateurs locaux. Donc toutes les communications des Colombiens passent par les États-Unis.
Une situation ubuesque et risquée : délais de connexion élevés, risques de coupure ou de cybersurveillance. Pour limiter ces risques, la Bolivie est l’un des rares pays à avoir légiféré en faveur du peering local ; les communications entre deux FAI de ce pays restent forcément en Bolivie.
« La solution consiste à avoir plus de diversité ; plus de câbles, plus de connexions peer-to-peer comme PeerTube et pas YouTube, plus de décentralisation et de serveurs », indique Stéphane Bortzmeyer.
L’équipe californienne a annoncé qu’elle allait compléter son étude en examinant comment les installations critiques, telles que les hôpitaux, sont connectées à l’internet afin de déterminer leur degré de vulnérabilité.
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