Imaginer de nouveaux algorithmes, leur donner la capacité d'apprendre et résoudre quelques mystères... un superordinateur fait pour la première fois en France la part belle à l'intelligence artificielle pour sortir "des temps anciens".
Inaugurée vendredi, la machine, à pleine puissance, offre une capacité de calcul équivalente à celle de 40.000 ordinateurs personnels (16 pétaflops – 16 millions de milliards d’opérations par seconde), doublant la puissance de calcul de la France.
« Les GAFA se sont dotés très tôt de grands supercalculateurs (dédiés à l’IA), rapidement imités par les Etats-Unis », explique à l’AFP Jamal Atif, chercheur au CNRS.
Si l’entreprise britannique DeepMind a pu concevoir AlphaGo, dont la victoire contre le champion du monde du jeu de Go avait fait grand bruit en 2016, c’est parce qu’elle disposait de la puissance de calcul de Google.
Mais en France, « il n’y avait rien. Et sans calcul, nous restions dans des temps anciens », avoue le chercheur du Laboratoire d’analyse et modélisation de systèmes pour l’aide à la décision.
« La compétition est terrible dans ce domaine là, et les chercheurs français s’estimaient très désavantagés par rapport à leurs compétiteurs », raconte Denis Girou, ancien directeur de l’Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (Idris) du CNRS.
– « au bout d’une semaine! » –
L’un des défis de l’intelligence artificielle consiste à donner aux ordinateurs la capacité d’apprendre à partir de données, le « machine learning » ou apprentissage profond.
Mais pour apprendre à réaliser une tâche spécifique (reconnaître une image, traduire un texte, jouer au Go …), un algorithme a besoin d’ingérer des milliards d’exemples.
« Traiter cette grande masse de données nécessite beaucoup de calculs », détaille le chercheur du Laboratoire d’analyse et modélisation de systèmes pour l’aide à la décision. Pareil pour tester ces algorithmes ou en concevoir des nouveaux.
Dans une grande salle toute blanche, une quarantaine d’énormes armoires noires renferment processeurs et disques de stockage. Rien de spectaculaire si ce n’est le bruit assourdissant.
Installé au centre de calcul Idris du CNRS sur le plateau de Saclay en région parisienne, Jean Zay, ce nouveau bijou technologique, d’un coût de 25 millions d’euros, dispose de processeurs particuliers (des GPU). « Ces accélérateurs sont absolument cruciaux pour les chercheurs en IA », explique Denis Girou.
« Beaucoup de choses sont attendues de ma communauté », reconnaît Jamal Atif, citant « la promesse de la voiture autonome », les assistants intelligents, la justice prédictive, l’aide automatique au diagnostic…
Mais avant tout cela, quelques mystères restent à éclaircir, notamment le problème de « l’explicabilité »: les opérations réalisés par les algorithmes sont tellement complexes qu’il est difficile d’expliquer comment l’algorithme est arrivé à telle ou telle décision.
Aux Etats-Unis, le logiciel COMPAS est utilisé pour prédire la récidive. « Mais nous ne savons pas sur quoi il se base exactement… », explique Jamal Atif.
Autre limite de l’apprentissage profond: il reste vulnérable aux attaques. Un minime changement sur une image, même imperceptible à l’oeil nu, peut tromper un algorithme, l’empêcher de reconnaître un panneau stop ou lui faire prendre un autobus scolaire pour une autruche.
Un problème de taille si l’on veut déployer des algorithmes de deep learning dans des véhicules autonomes ou des avions. « On comprend beaucoup de choses mais beaucoup de choses nous échappent », résume le chercheur.
Jean Zay sera également utilisé dans d’autres domaines également très gourmands en temps de calcul comme la climatologie, l’astrophysique, la dynamique moléculaire ou la génomique…
Notamment pour simuler l’évolution du climat, recréer l’environnement solaire ou visualiser le comportement de virus de la grippe selon différentes températures.
« Au lieu d’attendre des résultats un mois, nous les aurons au bout d’une semaine! », se réjouit Marc Baden, directeur du laboratoire de biochimie théorique du CNRS.
lc/ial/or
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