Rachid Saoui est cofondateur et analyste stratégique pour AME-IT (Afrique Méditerranée Europe Innovation et Technologies). L'organisation, aujourd'hui dénommée Creative-HINT, cherche à développer, au Maroc, une plateforme destinée à attirer les entrepreneurs et à faire de la région un hub continental en matière d’innovation et de business.
Ingénieur en informatique industrielle, spécialiste de Génie Logiciel mais également diplômé d’HEC Executive MBA, Rachid Saoui a aussi exercé en tant que consultant et business developement manager pour de grandes entreprises (Cogema/Areva, Thomson, Rational Software, IBM…).
Par la suite vice-président de HEC Digital, c’est à la suite d’un voyage au Maroc, en association avec plusieurs anciens camarades d’HEC, qu’il a décidé de créer un incubateur de startups au Maroc (dans la région Agadir/Grand-Sud), avec pour ambition d’étendre son activité à toute l’Afrique de l’Ouest à plus long terme. Avec une finalité : créer un réseau d’incubateurs dédiés à l’incubation de startups africaines et les associer avec des incubateurs français. Leur démarche est appuyée par la fédération France Entrepreneurs et son président Thierry Bégaud, l’un des fondateurs de cette initiative, avec d’autres anciens d’HEC, Alain Tassy et Jean-Christophe Long.
La structure française, initialement appelée AME-IT, a pris le nom de Creative-HINT(HINT pour Hub Innovation et Nouvelles Technologies). Leur partenaire local au Maroc est Univers Startup, un incubateur marocain de startups qui accompagne plus de 500 startups dans plus de 15 pays africains. Les projets couvrent des thématiques diverses comme le digital, le tourisme, les produits de la mer, la e-santé, l’IoT, les Telecoms…
Techniques de l’Ingénieur : Quelles sont aujourd’hui les modalités pour développer des activités technologiques innovantes sur le continent africain ?
Rachid Saoui : Pour démarrer en Afrique, il faut d’abord trois facteurs clés de départ :
- le soutien d’une institution (sponsorship institutionnel), en l’occurence le CRI (centre régional d’investissement) ;
- l’implication d’un partenaire local bien présent dans le secteur visé (implication financière réelle) ;
- l’implication de la société civile, a fortiori si l’on a des projets à impact social.
Ensuite, il est important de commencer par développer des projets à haute visibilité et à faible risque : réussir son premier projet est quelque chose de capital pour faciliter la suite.
Aussi, via le réseau France Entrepreneurs, nous avons la possibilité de mobiliser un réseau extrêmement étendu et diversifié en termes de compétences, ce qui est un atout important pour développer des projets compétitifs.
Pourquoi avoir choisi la région Agadir/Souss-Massa, au Maroc, pour développer cette initiative ?
Pour plusieurs raisons : géographiquement c’est le centre du Maroc et par décision royale, il est question d’en faire le centre économique et industriel du pays. Au-delà, l’objectif est de faire de cette région une plateforme d’innovation et d’incubation destinée à rayonner sur l’Afrique de l’Ouest. D’ailleurs, dans son pôle universitaire, cette région regroupe d’ors et déjà des représentants de 38 pays africains.
Quels sont les atouts du continent sur le terrain de l’innovation ?
Ils sont nombreux : une population jeune, une croissance qui fait rêver ailleurs, notamment dans le domaine technologique. L’Afrique n’a pas d’héritage ancien, elle doit faire avec du neuf. On y est passé directement au mobile et aux smartphones, sans étape filaire.
Aussi, certaines innovations africaines ont trouvé leurs applications en Europe et ailleurs, ce qui est assez nouveau. C’est le cas par exemple pour M-Pesa, une start-up kényane qui permet d’opérer des microfinancements et des transferts d’argent par téléphone mobile.
Le continent a donc les atouts pour développer un écosystème d’innovation qui lui est propre, et attirer les entreprises étrangères, tout en faisant émerger des start-up compétitives, notamment dans le secteurs des nouvelles technologies.
Quelles sont les contraintes à l’innovation qui subsistent encore ?
L’absence de législation adaptée au soutien et à l’encouragement de l’innovation technologique reste un frein important. L’immaturité du législateur dans ce domaine est encore aujourd’hui un obstacle majeur à ce niveau.
Un autre point est la substitution : quand un projet réussit, beaucoup ont tendance à le copier sur la forme mais par sur le fond. C’est particulièrement vrai en Afrique, où certains projets, à force de vouloir copier ce qui marche de manière trop superficielle, sont finalement des coquilles vides.
Quelle est l’évolution de la relation de l’Afrique avec les autres continents dont l’Europe sur les sujets liés à l’innovation ?
Il n’est plus question d’aborder l’Afrique de haut aujourd’hui. La technologie est plus accessible et le continent dispose de ressources compétentes dans ce domaine.
Prenons l’exemple des technologies logicielles. L’enjeu n’est plus de venir recruter des développeurs pour les emmener ailleurs, comme cela était fait auparavant. Via l’innovation technologique, nous devons être en mesure de proposer à l’Afrique une approche en co-développement et en co-localisation, avec un partage de la chaîne de la valeur entre toutes les entités impliquées dans la création de valeur. C’est l’objet même de Creative-HINT.
Aujourd’hui, nous sommes capables de proposer aux porteurs de projets, en France ou ailleurs, des équipes compétentes et efficaces travaillant selon les standards internationaux pour livrer des logiciels fiables en un temps record.
Propos recueillis par Pierre Thouverez
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