« Le numérique détruit et crée des emplois, mais surtout en transforme », estime France Stratégie, commissariat général à la stratégie et à la prospective, rattaché au Premier Ministre. Loin des scénarii les plus alarmistes, l’analyse suggère que l’automatisation engendre un besoin accru en « compétences sociales », de telle sorte que la machine devient complémentaire à l’homme dans le travail, mais ne le remplace pas totalement.
Les emplois sont de moins en moins automatisables
Une publication fortement médiatisée en 2013, a jeté un pavé dans la mare : dans 20 ans, près de la moitié des emplois aux Etats-Unis, en France, en Europe ou encore au Japon seraient automatisés. « Sauf que cette étude raisonne en termes de métiers et non de tâches », remarque France stratégie. Elle oublie de prendre en considération le travail en équipe, les interactions sociales nécessaires et autres facultés dont ne dispose pas le robot.
En adoptant une approche en termes de compétences, « la prévision tombe à 15 % », estime l’organisme. Soit 3,4 millions d’emplois. Ce chiffre monte à 25 % pour les emplois industriels automatisables et baisse à 13 % pour les métiers de services, plus fréquemment en relation avec le public. 40% des métiers (9,1 millions) apparaissent au contraire comme peu automatisables, car ils nécessitent de répondre immédiatement à une demande extérieure, avec un besoin d’adaptation.
Des métiers qui évoluent rapidement
Les emplois ont fortement évolué ces dernières années. « Le nombre des emplois peu automatisables a augmenté de plus de 30 % depuis 1998, une hausse imputable à la place croissante des services dans l’économie mais aussi, et surtout, à une transformation du contenu des métiers qui se recentre sur les tâches les moins automatisables », prévient France Stratégie. Ces tâches nécessitent des interactions sociales, de l’adaptabilité, de la flexibilité ou de la capacité à résoudre des problèmes.
Le recentrage des métiers sur les tâches les plus difficilement automatisables est un phénomène global. Il s’observe globalement au sein des métiers administratifs : secrétaires, employés des services comptables et administratifs, agents d’accueil et d’information… Dans le secteur bancaire, le développement des distributeurs de billets automatiques et des services de banque en ligne a également transformé les métiers. « 61% des employés déclarent occuper un emploi nécessitant une réponse immédiate à une demande extérieure et ne devant pas toujours appliquer des consignes strictes, contre 35 % en 2005 », relève France Stratégie.
Néanmoins, ce n’est pas parce qu’une technologie existe, qu’elle sera forcément déployée à large échelle. D’autres facteurs sont à prendre en compte, comme « le mode d’organisation du travail, l’acceptabilité sociale et la rentabilité économique », souligne l’organisme. Pour appuyer sa réflexion, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective donne des exemples concrets. « Malgré des développements technologiques importants et alors qu’ils sont techniquement automatisables, le nombre d’emplois de caissiers en France n’a diminué que d’environ 10 % en dix ans passant de 205 000 à 185 000 », détaille-t-il. Par ailleurs, si l’industrie allemande est l’une des plus robotisées au monde, elle employait encore plus de 800 000 salariés en 2015, soit autant qu’il y a dix ans et 100 000 de plus qu’il y a vingt ans. Preuve que ce n’est pas parce qu’une activité est robotisée, qu’elle peut se dispenser de salariés.
Quels métiers vont continuer à se développer?
Au cours des dernières décennies, l’économie française s’est transformée, donnant une part de plus en plus belle aux emplois qualifiés (ingénieurs, cadres, enseignants et chercheurs), mais aussi à certains métiers peu qualifiés de services (aides à domicile, assistantes maternelles…). « On compte aujourd’hui dans l’emploi deux fois plus de cadres et de professions intellectuelles qu’au milieu des années 1980 », relève France Stratégie, avant de souligner que « l’automatisation et robotisation sont propices à créer des emplois dans la R&D, la conception, la production, la commercialisation ou encore la maintenance d’automates ».
Dans une autre note, intitulée « 2017-2027, Quels leviers pour l’emploi ? », France Stratégie estime que d’ici à 2022, près d’un poste à pourvoir sur cinq pourrait concerner des métiers peu qualifiés (voir graphique). En parallèle, les métiers de cadres et professions intermédiaires augmenteront, notamment dans le secteur des services (plus de 42 % des emplois en 2022). Les ingénieurs informatiques et des télécoms ont également de beaux jours devant eux. L’organisme estime que le numérique et l’automatisation vont faire émerger de nouvelles activités économiques, en rendre d’autres obsolètes, mais surtout transformer radicalement les emplois, en valorisant les compétences non automatisables, comme les capacités d’abstraction ou d’interaction sociale.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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