« Si les tendances actuelles se poursuivent, l’Occident (l’Europe notamment) pourrait d’ici 10 à 20 ans perdre son leadership scientifique et technologique au bénéfice de l’Asie, qui deviendrait la principale base pour l’innovation et la R&D. Pour la France, le déficit d’innovation se traduit depuis 2003 par un déficit commercial qui s’est élevé à 50 milliards d’euros par an en moyenne sur les quatre dernières années. La part de marché du made in France au sein des pays de l’OCDE déjà divisée par deux entre 1998 et 2004 régresse. Faute d’innovation suffisante, la balance commerciale restera structurellement déficitaire et pèsera sur la croissance, l’emploi et en définitif le bien-être de nos concitoyens ».
C’est par ces mots, qui décrivent une situation de l’économie française très préoccupante et constate un déficit d’innovation de la France, que commence le livre que nous propose le Think Tank Innovation de l’Association des Centraliens. Mais point de pessimisme dans ces 211 pages, le titre de cette ouvrage publié chez l’éditeur Armand Colin, 8 priorités pour dynamiser l’innovation en France, résumant parfaitement l’état d’esprit et la démarche enthousiaste de la dizaine de membres de ce Think Tank Innovation dont le travail s’est appuyé sur l’expérience de terrain de quelques 1 142 ingénieurs centraliens, dont 20 % travaillent à l’étranger.
Force est de constater en effet que si durant les années 1960 et 1970, la France avait réussi à se positionner en leader au plus haut niveau mondial dans de grands secteurs industriels tels que l’énergie, en particulier le nucléaire, l’aéronautique, notamment avec Airbus, la gestion de l’eau, le BTP, l’automobile, mais aussi dans les domaines du luxe, de l’hôtellerie ou encore de la banque, depuis la situation a beaucoup changé, et en particulier parce que la France innove beaucoup moins depuis plus d’une décennie. Rappelons qu’en termes d’innovation, la France occupe aujourd’hui la 10e place du tableau de bord de la Commission Européenne !
Qui plus est, on note l’absence des entreprises françaises dans le classement des 50 entreprises les plus innovantes du monde. « Nous n’avons pas la place que nous méritons », déclare Guy Delcroix qui a participé aux travaux de ce Think Tank Innovation. Autres constats préoccupants, la faible implication des PMI/PME, pourtant très nombreuses, en termes d’innovation et la relative timidité des entreprises françaises dans les projets européens de R&D. Qui plus est, l’enseignement supérieur français reste, en moyenne, relativement éloigné des meilleurs dans les classements mondiaux.
Dans ce contexte, c’est donc tout naturellement que l’Association des Centraliens a décidé de lancer une réflexion autour de l’innovation dans le cadre d’un Think Tank animé par Olivier Ferrary. Une démarche d’autant plus légitime que les ingénieurs de l’École Centrale ont une tradition de l’innovation. Quelques-uns de ses « grands anciens » en sont la preuve : Gustave Eiffel, Louis Blériot, Pierre-Georges Latécoère, Jules Peugeot et, plus récemment, Francis Bouygues. « Et puis il y a tous ces anonymes, ces 35 % d’ingénieurs centraliens qui sont ou ont été dans la R&D et contribuent par leurs activités à l’innovation », souligne Olivier Ferrary.
L’innovation est donc une problématique centralienne, pour laquelle les Centraliens se passionnent. D’où la question à laquelle ils ont tenté d’apporter une réponse à travers cet ouvrage, fruit d’un an de travail : Que faut-il faire pour dynamiser l’innovation en France ? Après avoir posé un diagnostic réaliste et sans concession et constaté que si beaucoup avait été fait en France depuis plus d’une dizaine d’années pour soutenir l’innovation, inciter la recherche et l’industrie à travailler ensemble, financer cette innovation, notamment via le crédit impôt recherche, Oseo et l’ANR (Agence Nationale de la Recherche), ils ont observé aussi qu’il existait encore beaucoup de freins à cette innovation. Un frein culturel pour commencer.
« Manifestement, nous n’avons plus cette culture de l’innovation », regrette Guy Delcroix. À cela, il faut ajouter une certaine faiblesse de la recherche, des problèmes de financement, des lourdeurs administratives qui subsistent, le coût de l’innovation qui reste élevé et le management de l’innovation au sein de l’entreprise qui semble déficient.
« Il y a donc une multiplicité de causes concernant le déficit de la France en termes d’innovation », explique l’animateur du Think Tank Innovation. Partant de ce constat, celui-ci propose donc 8 priorités, présentées dans l’ouvrage sous la forme d’un arbre où chaque branche correspond à une priorité, elle-même étant ensuite déclinée en recommandations – les feuilles des branches – qui font l’objet de propositions concrètes développées dans le corps du rapport.
Parmi ces 8 priorités, on retiendra tout particulièrement la première recommandant de « créer en France une culture et une fierté de l’innovation », et la huitième et dernière intitulée « innover au service d’une vision : définir et mettre en oeuvre une politique d’innovation industrielle adaptée aux enjeux de l’économie mondiale du XXIe siècle ». Deux priorités emblématiques du travail qu’il est urgent d’entreprendre. Un travail titanesque, à n’en pas douter, mais que la France va devoir mettre en chantier si elle ne veut pas sombrer dans la profondeur des classements mondiaux de l’innovation.
Pour en savoir plus : Association des Centraliens
(Source : http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/68383.htm)
Pour aller plus loin :
Découvez les fiches pratiques Techniques de l’Ingénieur :