Face à la hausse des prix de l’électricité et du gaz, les entreprises adaptent leur fonctionnement pour moins consommer. Alors que le temps de l’énergie peu chère est révolu, diminuer les coûts de production sur le long terme, investir dans des appareils plus économes et rester compétitifs face à la concurrence est une question de survie. Pour voir l’ampleur du défi, l’étude annuelle de l’Insee « Les entreprises en France », parue en décembre 2023, est riche d’enseignements.
Si les établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie ont réussi à diminuer leur consommation énergétique de 5 % en 2022 (- 9 % pour le gaz et – 3 % pour l’électricité), leur facture énergétique a augmenté de 54 % entre 2021 et 2022, indique l’Insee. Cette envolée survient suite à une hausse de 40 % en 2021. Si la sobriété n’a pas pénalisé la production dans son ensemble – en hausse de 1 % au niveau national –, elle a eu des effets importants sur les industriels les plus énergivores.
Les grands consommateurs d’énergie les plus touchés
Davantage affectées par la hausse des prix, les industries les plus énergivores sont celles qui ont dû faire le plus d’efforts pour réduire leur consommation (- 7 %). Cette situation s’explique notamment en raison du type de contrats d’énergie de ces entreprises, partage l’Insee. Si les plus petits établissements ont souvent des contrats à prix fixes entre un et trois ans, les établissements les plus consommateurs ont plus fréquemment un contrat indexé sur le prix de marché. C’est le cas de 37 % des établissements gros consommateurs pour l’électricité, contre 8 % pour les petits consommateurs, et 51 % pour le gaz, contre 13 % des petits consommateurs.
Entre 2019 et 2022, le prix moyen du gaz acheté par les entreprises a ainsi doublé, mais il a quadruplé pour les entreprises les plus consommatrices, celles consommant plus de 278 gigawattheures (GWh) par an. « Alors que ce n’était pas le cas auparavant [jusqu’en 2020, NDLR], les entreprises consommant beaucoup de gaz le paient désormais plus cher à l’unité que les entreprises peu consommatrices », souligne l’Insee.
Entre 2019 et 2022, le prix de l’électricité a progressé de 38 %. « Le prix de l’électricité reste en revanche plus élevé pour les petits consommateurs, mais l’écart entre petits et grands consommateurs se réduit fortement », précise l’Insee. En effet, si le prix payé par les entreprises les plus consommatrices (90,2 €/MWh) reste nettement plus faible que celui payé par les moins consommatrices (161,8 €/MWh), le rapport n’est plus que de 1,8, contre 2,8 en 2019.
Une production en baisse pour les plus énergivores
Pour arriver à de telles baisses de consommation, les industries les plus énergivores ont dû diminuer leur production. Au second semestre 2022 par rapport au second semestre 2021, la production a chuté de 17 % dans la fabrication de produits chimiques de base et de 16 % dans la sidérurgie. La consommation a également reculé de 11 % pour la fabrication de pâte à papier, de papier et de carton et de 8 % pour les autres métaux non ferreux.
Cette baisse s’est poursuivie au premier semestre 2023, souligne l’Insee. En particulier, la production a baissé de 28 % pour la sidérurgie, de 24 % pour la fabrication de pâte à papier, de papier et de carton. La fabrication de verre et d’articles en verre, qui n’avait jusqu’alors pas été touchée par la baisse de production, a enregistré sur le premier semestre 2023 une baisse de près de 7 % de sa production.
Des stratégies complémentaires
Face à ces hausses des prix de l’énergie, 52 % des établissements industriels ont augmenté leurs prix. En parallèle, 45 % ont comprimé leurs marges et 30 % ont prélevé sur leur trésorerie. En outre, 29 % ont investi pour réduire et optimiser leur consommation énergétique à moyen terme.
Cette tendance a pour effet bénéfique de toucher les entreprises les moins engagées dans leur transition énergétique. « Au cours du second semestre 2022, les entreprises qui ont le plus amélioré leur efficience énergétique seraient souvent celles qui avaient fait le moins preuve de sobriété entre 2018 et 2021 », souligne l’Insee.
L’institut relève d’autres stratégies d’adaptation. En particulier, certains établissements substituent partiellement le gaz par du fioul, dont le prix augmente moins. Pour d’autres, la stratégie a été « la fermeture pour quelques semaines, voire quelques mois ». Mais pas sûr que ces solutions d’urgence puissent avoir de l’avenir à long terme.
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