Face à la concurrence chinoise qui inonde le marché européen de panneaux solaires à bas prix depuis quelques mois, les acteurs européens appellent à des mesures d’urgence.
La crise touche de nouveau la filière européenne du photovoltaïque en construction. Alors que l’Europe réfléchit à ouvrir une enquête sur les subventions de la Chine à ses panneaux solaires, le Conseil européen de l’industrie solaire (ESMC) demande à la Commission européenne des mesures d’urgence.
Cette organisation professionnelle, qui représente les fabricants européens de panneaux solaires, met en garde contre les risques de délocalisation à l’étranger et de faillite de ses membres dans les deux prochains mois. « Nous avons besoin d’un soutien politique et financier actif dès maintenant », avertit Johan Lindahl, secrétaire général de l’ESMC. « Sans mesures d’urgence, nous sommes sur le point de perdre plus de 50 % des capacités modernes de production de modules solaires photovoltaïques de l’UE au cours des deux prochains mois », alerte Žygimantas Vaičiūnas, directeur politique à l’ESMC.
Des surplus de panneaux solaires à écouler
La Chine détient actuellement près de 80 % de la production mondiale d’énergie solaire. L’ESMC estime qu’il y a un stock de modules photovoltaïques importés de Chine, dans les ports et entrepôts européens, qui attend d’inonder le marché européen à bas prix. Compris entre 140 et 170 millions de modules, ce stock représenterait une capacité de 70 à 85 gigawatts (GW).
À titre de comparaison, l’UE a installé environ 56 GW de nouvelles capacités solaires, en 2023. Selon l’ESMC, la capacité de production des modules photovoltaïques au niveau européen s’élève à 11 GW sur le papier. Mais « on estime que seulement la moitié environ de cette capacité est opérationnelle » et « environ 2 GW seulement de modules ont été produits par les fabricants européens de modules photovoltaïques en 2023 en raison de la faiblesse des prix des modules », calcule l’ESMC.
L’offre excédentaire a en effet conduit à un effondrement de ces prix. « Les coûts des panneaux solaires bas de gamme sur le marché de gros sont autour de 9 centimes par watt-crête fin janvier 2024, en baisse de 52,6 % par rapport à fin janvier 2023 », partage David Gréau, secrétaire général d’Enerplan, syndicat français des professionnels de l’énergie solaire. Cela a entraîné une baisse similaire de 53,3 % sur les panneaux « mainstream » et de 42,5 % sur les panneaux « haute efficacité », partage-t-il, évoquant les chiffres de pvXchange. Cet effondrement laisse les fabricants européens avec d’importants stocks d’invendus. Selon Žygimantas Vaičiūnas, ce stock représenterait environ 0,8 GW de capacités solaires.
Défendre la production européenne
La Commission européenne projette pourtant de produire 40 % des panneaux solaires installés en Europe en 2030. Et ce, alors que l’Europe entend tripler sa capacité solaire à cet horizon, la faisant passer de 260 GW à 750 GW. Mais la situation actuelle compromet grandement cette vision et les annonces de fermetures de sites de production s’enchaînent. L’Europe pourrait ainsi devenir complètement dépendante des importations de modules solaires photovoltaïques.
Dans les faits, l’ESMC appelle à établir un mécanisme de rachat de leurs stocks accumulés dans l’UE et à financer les projets utilisant des modules solaires photovoltaïques produits par l’UE. Le Conseil européen de l’industrie solaire demande aussi de créer un cadre temporaire pour les deux à trois ans à venir, avant l’entrée en vigueur des mesures prévues dans le cadre du règlement pour une industrie « zéro net » et du Règlement sur l’interdiction sur le marché de l’Union des produits issus du travail forcé. Ce cadre vise notamment à réserver 30 % des appels d’offres d’énergies renouvelables européens (ou 6 GW) aux produits fabriqués en Europe. Il doit être validé par le Parlement en avril prochain et sera effectif 18 mois après l’entrée en vigueur du règlement.
Mais il serait aussi dangereux de fermer complètement les frontières aux panneaux photovoltaïques chinois, car illusoire actuellement de penser atteindre les objectifs européens sans ces premiers. « Étant donné que nous dépendons actuellement de façon très importante des importations pour atteindre les objectifs de déploiement de l’énergie solaire de l’UE, toute mesure potentielle doit être mise en perspective avec les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de transition énergétique », a déclaré Mairead McGuinness, commissaire européenne chargée des services financiers, lors de la session plénière du Parlement européen le 5 février.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE