Cette expérimentation s’est déroulée du 1er juin au 1er novembre 2014 avec plus de 10 000 salariés mobilisés dans 18 entreprises volontaires. Financée par l’ADEME et copilotée par la coordination interministérielle pour le développement de l’usage du vélo (CIDUV), elle a été réalisée par le bureau d’études Inddigo. En fin d’expérimentation, les adhérents au système déclarent des distances d’environ 5 km par trajet, soit plus que la moyenne nationale, évaluée à 3,4 km en 2008.
Les règles de l’expérience étaient simples : les cyclistes se voyaient octroyer une indemnité kilométrique de 25 centimes/km dans le cadre de leurs déplacements domicile-travail. Cette indemnité n’était pas cumulable avec le remboursement des abonnements de transports en commun sur le même trajet, sauf en cas de déplacement intermodal « vélo + transport en commun ». Les vélos devaient être la propriété des usagers, les systèmes de libre-service étant déjà remboursables à hauteur de 50 % au même titre que l’abonnement transports en commun. Enfin, la plupart des entreprises ont défini un plafond mensuel compris entre 30 € et 55 € par mois.
En raison de réponses incomplètes aux différents questionnaires, sur les 18 entreprises, seules les expériences de 14 entreprises, soit 8 210 salariés, ont été comptabilisées pour obtenir les résultats. En moyenne, 380 adhérents au système de l’indemnité kilométrique (IK) ont perçu une indemnité au moins une fois au cours des 6 mois de l’expérimentation. Mais 39 cyclistes supplémentaires ont également décidé de pas participer à l’expérience, certainement pour garder le remboursement mensuel de leur carte de transports.
Y a-t-il beaucoup plus de cyclistes ?
Au total, 419 salariés ont utilisé leur vélo à un moment donné de l’expérience, contre 200 auparavant. Leur nombre a donc été multiplié par deux. Néanmoins, la période ayant été propice à l’usage du vélo en raison de la période estivale et 13 % ayant décidé d’arrêté l’expérimentation au moins provisoirement, l’ADEME table sur une augmentation de la part modale (proportion des déplacements effectués en vélo par les salariés) du vélo de l’ordre de 50 %. Ainsi, projetés sur l’année, cette part est passée de 2 % avant l’expérimentation à 3 % après. La part modale du vélo reste malgré tout relativement faible, comparée à observée dans d’autres pays tels que les Pays-Bas ou encore la Belgique. Le seul levier de l’indemnité kilométrique ne semble donc pas suffisant pour booster l’usage du vélo en France.
Le rapport note 3 grands types d’usagers, avec des niveaux de pratiques différents. Ainsi, les cyclistes déjà réguliers avant l’expérience, mais ayant adhéré à l’IK utilisent leur vélo pour leur trajet domicile-travail environ 18 jours par mois. Les cyclistes déjà réguliers, mais n’ayant pas adhéré à l’IK, continuent d’avoir une pratique régulière, avec une moyenne de 16 jours de vélo par mois. Enfin, les nouveaux cyclistes propulsés par l’expérience pratiquent moins que les autres : environ 11 jours de vélo par mois, mais sur des distances plus longues.
Malgré tout, l’IK semble avoir un effet bénéfique, plus largement, sur la pratique du vélo au quotidien. En effet, 30 % des nouveaux cyclistes et 15 % des anciens déclarent avoir augmenté leur pratique du vélo pour leurs autres motifs de déplacement.
Qui a décidé de prendre son vélo ?
Les expérimentateurs étaient principalement des hommes (60 %), âgés entre 35 et 55 ans. 54 % des nouveaux cyclistes utilisaient auparavant les transports collectifs. Ce bilan dépend néanmoins fortement du maillage et de l’attractivité du réseau de transports collectif dans la zone considérée. Le report modal est faible là où les réseaux sont les plus attractifs, comme en Ile-de-France (5 %).
19 % des nouveaux cyclistes se déplaçaient avant en voiture, principalement en covoiturage et 9 % en 2 roues motorisées. Seulement 5 % de usagers qui prenaient seuls leur voiture ont décidé de la laisser au garage. L’expérience aurait donc un faible effet pour diminuer le nombre d’automobiles en circulation, contrairement à ce qui était espéré. La courte durée d’expérimentation et l’intérêt financier insuffisant sont les deux principales raisons avancées par le rapport pour l’expliquer.
Des dispositions à améliorer pour pérenniser le système
La possibilité pour les employeurs d’instaurer une IK est une disposition inscrite au projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Votée en première lecture à l’Assemblée nationale en octobre dernier, la commission des finances du Sénat a voté le 21 janvier un amendement pour supprimer cette disposition. Mais le Gouvernement reste favorable à sa mise en place et, ce sera à l’Assemblée Nationale d’avoir le dernier mot.
Les entreprises volontaires demandent une exonération des cotisations sociales et fiscales et un versement au même titre que pour le soutien à l’abonnement transport. Car de 25 centimes / km, la dépense pour l’entreprise atteint 40 à 43 centimes/km en intégrant les charges. Le décret d’application, si le projet est maintenu, devra trancher sur la question de l’exonération des charges et sur le montant de l’indemnité à proposer aux salariés.
- Aller plus loin
Synthèse de l’expérimentation « Indemnité kilométrique vélo »
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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