La présence d’un stop, un rond-point, un ralentisseur ou un feu de circulation impactent de manière directe le style de conduite des chauffeurs et donc automatiquement le niveau de pollution de leur véhicule. Dans un précédent article, nous vous présentions la façon dont l’IFPEN (Institut français du pétrole énergies nouvelles) était parvenu à développer un outil de modélisation capable de cartographier les émissions polluantes des véhicules en fonction de l’aménagement de la voirie. Celui-ci repose sur les données collectées par Geco Air, une application à télécharger gratuitement sur son smartphone. Dans le cadre d’un projet baptisé REVEAL, cet outil a été déployé grandeur nature sur la métropole de Lyon et tous les rapports de ce travail viennent d’être publiés par l’Ademe, partenaire de ce projet.
Il en ressort qu’il est à présent possible de chiffrer de manière exacte les émissions polluantes des véhicules avant et après tel aménagement de la voirie. Cas concret sur le cours Gambetta (entre les 3e et 7 arrondissements, NDLR), qui a vu son nombre de voies passer de trois à deux voies en 2018 avec la création d’un couloir de bus. L’outil numérique a permis de calculer que la pollution globale des véhicules (CO2, oxyde d’azote, particules…) avait diminué de 22 % suite à ce changement. « Ce chiffre s’explique par une grande règle de l’aménagement de la voirie selon laquelle la réduction du nombre de voies a pour effet de provoquer du report modal, c’est-à-dire que certains usagers préfèrent prendre d’autres modes de transport, explique Guillaume Sabiron, chef de projet solutions numériques pour la qualité de l’air à l’IFPEN. Ce phénomène entraîne une baisse du trafic automobile et donc de la pollution. »
L’outil numérique est également capable de quantifier les différents polluants émis par les véhicules. Exemple d’application, cette fois-ci au niveau du cours Lafayette, une autre voie de circulation à Lyon. Résultat : le passage de deux à une voie avec une limitation de la vitesse à 30 km/h a fait baisser les émissions d’oxyde d’azote de 25 %. Là encore, cette diminution s’explique par la baisse du trafic routier. Dans le détail, les émissions augmentent de 16 % par véhicule, car chacun d’entre eux met plus de temps à parcourir cette voie puisqu’elle est davantage congestionnée, mais en contrepartie, on observe une baisse du débit routier de 36 %.
La sécurité des usagers et le bruit sont également à prendre en compte
Ce projet met en évidence qu’il est difficile de tirer des conclusions en affirmant que tel ou tel aménagement est moins polluant qu’un autre. « Chaque cas est particulier et est à étudier en détail, analyse Guillaume Sabiron. Par exemple, la présence d’une route en pente va influencer les résultats, de même que la catégorie de véhicules qui y transitent, comme lorsqu’une route se trouve à proximité d’une sortie de chantier. » De plus, la pollution n’est pas l’unique critère à prendre en compte en matière d’aménagement de la voirie. D’autres sont aussi importants à retenir comme le bruit et la sécurité des usagers, et ont d’ailleurs été étudiés dans le cadre de ce projet. Par exemple, l’outil montre que la réduction de la vitesse maximale sur le périphérique lyonnais de 90 à 70 km/h n’a eu aucun impact au global sur les émissions polluantes, mais a permis d’améliorer la sécurité des usagers et de faire légèrement baisser le bruit de 2 %.
Certaines généralités peuvent malgré tout être énoncées pour réduire la pollution : face à une route non congestionnée, il est préférable d’installer un feu de circulation plutôt qu’un rond-point. En effet, lorsque le feu est au vert, les chauffeurs peuvent le traverser sans freiner, alors que la présence d’un rond-point les obligera systématiquement à freiner puis à réaccélérer. Dans ses conclusions, le rapport de synthèse mentionne plusieurs recommandations, comme celle d’ajouter un ralentisseur après un feu de circulation ou un rond-point afin de réduire les niveaux d’accélérations. Ou alors de limiter autant que possible l’ajout de feux de circulations et de ronds-points lorsque les vitesses limites sont supérieures à 50 km/h pour éviter les freinages suivis de fortes accélérations.
La mise en place de zones à faibles émissions dans les villes est également une bonne manière de réduire la pollution des véhicules. Les auteurs du rapport conseillent de commencer par restreindre l’accès aux véhicules catégorisés CRIT’air 4, 5 et non classés, puis d’augmenter progressivement les restrictions aux classes inférieures. « Néanmoins, s’agissant de l’oxyde d’azote, si l’on souhaite que le niveau d’émission de ce polluant chute brutalement à moins de 100 mg par km parcouru, on s’aperçoit qu’il faudrait uniquement autoriser à rouler les véhicules classés dans la catégorie CRIT’air 1 », note Guillaume Sabiron.
Après ce projet, l’IFPEN va poursuivre le développement de son outil de modélisation. L’institut souhaite augmenter le volume de données collectées, en plus de celles issues de Géco Air, en intégrant des données provenant d’autres applications, notamment Coyote.
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