Le désert d’Atacama, situé en Amérique du Sud, est considéré comme l’une des régions les plus arides sur terre. Plusieurs variétés de plantes endémiques sont tout de même présentes sur place. Après avoir collecté plusieurs espèces poussant entre 2 400 et 4 500 mètres d’altitude, des scientifiques de l’INRAE, de l’université de Bordeaux et de l’université Pontificale Catholique de Santiago au Chili sont parvenus à identifier des marqueurs moléculaires communs permettant de comprendre les mécanismes de résilience de ces plantes face à un environnement extrême. Les chercheurs ont eu recours à une approche innovante faisant appel à l’intelligence artificielle. Les résultats de leurs travaux sont détaillés dans la revue New Phytologist.
« Nous avons utilisé une technique qui s’appelle la métabolomique prédictive, explique Pierre Pétriacq, enseignant-chercheur à l’université de Bordeaux et à l’INRAE. Elle consiste en l’étude du métabolome, c’est-à-dire de l’ensemble des petites molécules présentes dans un organisme vivant, comme les sucres, les acides aminés, les antioxydants. L’originalité de notre approche a ensuite consisté à coupler cette technique avec de l’intelligence artificielle. »
Concrètement, 24 espèces ont été analysées et ont permis d’étudier environ 5 000 signaux métaboliques différents. Grâce à l’utilisation du machine leaning, une approche statistique basée sur l’entraînement d’un algorithme d’apprentissage automatique, les scientifiques ont réussi à mettre en évidence 39 molécules communes à toutes ces espèces, permettant de prédire l’environnement dans lequel pousse la plante avec une précision de 79 %. Parmi ces 39 molécules, l’amidon a été identifié comme le meilleur composé chimique prédictif.
« Le taux de prédiction est très élevé, nous ne nous y attendions pas, analyse le chercheur. Avec des données phénotypiques et physiologiques comme la taille des plantes, le rendement ou la photosynthèse, il n’est pas possible d’atteindre une précision aussi importante. En plus, notre étude a été réalisée sur des plantes multi-espèces, alors que souvent les chercheurs s’intéressent à une seule espèce en particulier. » À partir de ce résultat, les chercheurs sont parvenus à faire le lien entre l’expression de ces 39 molécules avec différents facteurs de stress environnementaux tels que le stress hydrique, une très forte intensité lumineuse, une forte salinité dans le sol…
Réduire les délais de développement de nouvelles espèces végétales
Étant donné que ces 39 composés chimiques sont aussi présents dans des espèces végétales cultivées sous d’autres climats, comme le maïs, le pois, la tomate ou le tournesol, cette nouvelle approche pourrait aussi aider à mieux cibler les plantes dont le métabolisme est le plus susceptible de résister à des stress environnementaux. « Il s’agit d’une hypothèse de recherche qu’il va falloir tester, précise Pierre Pétriacq. L’idée serait par exemple de trouver plus rapidement des variétés dont le métabolisme est proche de celui observé dans les plantes du désert d’Atacama. On pourrait ainsi réduire le délai pour adapter les plantes cultivées aux contraintes du changement climatique. Aujourd’hui, il faut une dizaine d’années aux scientifiques et aux producteurs pour développer une nouvelle espèce végétale répondant à des critères environnementaux précis comme la résistance au gel. »
Autre piste d’application, cette fois-ci sur le plan agronomique. Grâce à l’utilisation de la métabolomique prédictive qui combine l’étude de la composition chimique et le recours à l’IA, les chercheurs envisagent d’essayer de prédire le comportement des plantes en fonction de différentes pratiques de culture. « On pourrait imaginer des scénarios où l’on fait pousser des plantes avec des pratiques plus ou moins vertueuses, comme la réduction de produits phytosanitaires, puis tenter par exemple d’identifier des associations d’espèces qui s’inscrivent dans une démarche agroécologique », complète le chercheur.
Enfin, un dernier axe de travail pourrait s’appliquer non pas à notre planète, mais à celle de mars. Le sol de l’Atacama est en effet celui qui ressemble le plus au sol martien. Les chercheurs de ce projet sont en contact avec des scientifiques de l’ESA et de la NASA et ont engagé une réflexion qui pourrait les mener à utiliser cette nouvelle approche pour identifier les plantes potentiellement susceptibles de pousser sur mars. Bien sûr, l’idée n’est pas d’essayer d’en cultiver sur cette planète, mais de mener un travail de recherche fondamentale.
Dans l'actualité
- L’ONF lance des projets label bas-carbone pour ses forêts
- L’agrivoltaïsme gagne ses galons et se structure
- Une technique d’inventaire de la biodiversité grâce à l’ADN environnemental
- Avec Hygo, Alvie aide les agriculteurs dans leurs pulvérisations
- Telaqua : l’irrigation connectée
- Les thèses du mois : Les sciences participatives ou comment impliquer les citoyens dans la recherche
- La cryomicroscopie repousse les frontières de la biologie
- Décryptage du mécanisme pour booster la photosynthèse des microalgues
- Toopi Organics lance le premier biostimulant au monde fabriqué à partir… d’urine
- L’Académie des technologies promeut le développement des nouveaux OGM