L’industrie française est prête à réaliser les investissements nécessaires pour développer l’hydrogène décarboné sur le territoire. Tous les grands acteurs de la filière sont au rendez-vous pour cette étude prospective. On retrouve notamment EDF, Engie, Total, Air liquide, Alstom, Michelin, SNCF, Hyundai, Toyota, le CEA et l’Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à Combustible (AFHYPAC). Objectif : contribuer à établir la feuille de route française de l’hydrogène demandée par le Ministre de la Transition écologique et solidaire.
L’hydrogène, allié de la transition énergétique française
Selon leurs calculs, « en 2050, l’hydrogène pourrait représenter 20 % de la demande d’énergie en France, alimenter 18 % du parc de véhicules et ainsi contribuer à réduire les émissions de CO2 de 55 millions de tonnes ». Cette réduction comblerait près d’un tiers de l’écart qui existe entre les émissions correspondant au scénario technologique de référence de l’UE (qui n’intègre que les politiques actuelles) et le niveau requis par les engagements pris par la France dans le cadre de l’Accord de Paris et son Plan Climat.
L’hydrogène pourrait par ailleurs représenter près de 12 % de la demande de chauffage et d’électricité des ménages et environ 10 % de la demande de chaleur et d’électricité de l’industrie. Combiné à des émissions de CO2 préalablement captées, il permettrait enfin de produire plus de 2 millions de tonnes de méthanol, d’oléfines et autres produits pour l’industrie chimique. En 2050, cette industrie représenterait un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros et plus de 150.000 emplois.
Un fort potentiel, mais un cadre à définir
Pour parvenir à développer l’hydrogène d’ici 2030, la France doit investir dès aujourd’hui. Dans le but de mettre en oeuvre cette vision, les auteurs proposent un investissement de 800 millions d’euros par an d’ici 2028. Il permettrait de développer les équipements, l’infrastructure, la mise à l’échelle des moyens de production et la R&D. En 2030, cela permettrait des opportunités à l’exportation d’environ 6,5 milliards d’euros en 2030 et 15 milliards en 2050. Pour mener à bien ces investissements, les industriels demandent un « cadre réglementaire stable, équitable et incitatif ». En contrepartie, ils se disent prêts à porter les investissements à 1,5 milliards d’euros en 2028, contre seulement un tiers de ce montant avec le cadre actuel.
Les industriels demandent par ailleurs le lancement de projets de grande échelle pour réduire les coûts des principales technologies. En effet, ils avancent qu’il serait possible de réduire les coûts à hauteur de 60 % « que ce soit pour la production/transport/distribution de l’hydrogène, les infrastructures ou encore les piles à combustible, sous réserve d’augmenter significativement les volumes de production ». Ils demandent enfin des incitations aux investissements privés de long terme pour y parvenir.
L’industrie française a le potentiel nécessaire pour devenir l’un des plus grands fournisseurs mondiaux de technologies de l’hydrogène. La France compte notamment dans sa filière automobile de solides fournisseurs de matériaux et de composants pour les systèmes de pile à combustible. Elle est particulièrement bien positionnée dans le domaine du développement et de la fabrication d’équipements pour la production, la distribution, le stockage et l’acheminement de l’hydrogène.
Coup de projecteur sur les transports et le chauffage
Dans le secteur des transports, il serait possible de passer de 20 stations actuellement à environ 400 stations à hydrogène d’ici 2028. Grâce à un déploiement progressif et simultanée, elles alimenteraient près de 10.000 véhicules électriques à pile à combustible en 2023 et 200.000 en 2028. Le déploiement accéléré par rapport aux voitures particulières se ferait dans les transports publics et les flottes captives. « Sur les segments des flottes captives tels que celui des taxis ou des véhicules utilitaires, une voiture sur 50 vendues en 2023 et une sur 10 en 2028, pourrait être un FCEV [véhicule électriques à pile à combustible] », note le rapport. Les autobus, les trains et le transport maritime constitueront aussi des segments phares à développer. Des trains, des ferries et autres navires à hydrogène sont d’ores et déjà en cours de développement.
De l’hydrogène décarboné ?
Sous le terme d’hydrogène décarboné, les professionnels avancent plusieurs technologies. La plus ambitieuse est l’électrolyse de l’eau à partir d’électricité d’origine renouvelable ou décarbonée, incluant le nucléaire. Il peut également s’agir de vaporéformage de biométhane ou de gaz naturel associé à une technologie de captage et séquestration du CO2.
Selon la vision de ces industriels, la production de l’hydrogène doit être rapidement décarbonée. « En 2030, l’hydrogène destiné aux transports, aux bâtiments et à l’industrie serait produit à 90 à partir de sources sans carbone, que ce soit par électrolyse centralisée ou distribuée ou par vaporéformage du biométhane ou du gaz naturel allié au captage du carbone », projettent-ils.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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