Et si les industriels écartaient sciemment de leurs dossiers les études publiques portant sur les pesticides dont ils demandent la mise sur le marché ? C’est le doute posé par l’ONG Pesticides Action Network (PAN) et l’association française Générations futures. Elles viennent de publier un rapport sur la façon dont les autorisations de mise sur le marché tiennent compte de l’ensemble des travaux existant. D’après leur étude, il apparait que les évaluations européennes reposent majoritairement sur les données fournies par l’industriel lui-même.
Un conflit d’intérêt évident qui devait être limité par l’article 8 du règlement 1107/2009 du 21/10/09 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques précisant que « L’auteur de la demande joint au dossier la documentation scientifique accessible, […], validée par la communauté scientifique et publiée au cours des dix dernières années […], concernant les effets secondaires sur la santé, sur l’environnement et sur les espèces non visées de la substance active et de ses métabolites pertinents. ».
Depuis 5 ans, les travaux scientifiques ayant fait l’objet d’une publication récente doivent donc faire partie du dossier et participer à la décision. Pourtant, l’enquête pointe deux défaillances majeures du processus d’évaluation. Tout d’abord, l’obligation de joindre les publications publiques n’est pas systématiquement respectée par les industriels, sans que cela soit sanctionné ou même seulement corrigé. Concernant les 7 cas de pesticides ciblés par l’ONG et l’association, 434 études publiques sont accessibles via PubMed, le site de référence des publications scientifiques en ligne, mais seuls 23% d’entre elles ont effectivement été présentées dans les dossiers. Pire, aucune n’a été jugée pertinente. En effet, l’évaluation de la toxicité d’un pesticide hiérarchise la pertinence des données connues, il s’agit de la classification Klimish. Celle-ci attribue un coefficient compris entre 1 et 4 selon que l’étude est jugée fiable ou non.
Pour les auteurs du rapport il s’agit ni plus ni moins d’une façon habile d’écarter les résultats potentiellement gênants des études publiques. D’autant que pour les 7 cas étudiés, les seuils de toxicité recommandés dans ces publications sont inférieurs de 20 à 1500 fois ceux validés dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché.
Des résultats qui ont le mérite de poser la question de l’efficacité du protocole d’évaluation de toxicité des pesticides, des substances dont on sait aujourd’hui qu’une faible exposition chronique présente un danger pour la santé.
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