La Commission européenne propose ses nouvelles règles pour lutter contre la déforestation importée via des produits de consommation agricoles. Les ONG saluent des avancées, mais invitent le Conseil et le Parlement à combler des lacunes importantes.
La Commission européenne a publié mercredi 17 novembre une proposition de loi pour lutter contre la déforestation importée. Entre 2005 et 2017, le soja, l’huile de palme et le bœuf ont été les produits de base responsables de la plus grande déforestation importée dans l’Union européenne (UE), suivis des produits du bois, du cacao et du café. La proposition de la Commission européenne s’attaque à l’importation de ces six produits en visant davantage de traçabilité, de transparence et un renforcement des obligations de responsabilité des entreprises.
L’UE au cœur de la déforestation
Cette proposition arrive au moment où la déforestation s’accélère en Amazonie brésilienne, avec une augmentation de 22 % en un an. Or, l’UE est le deuxième plus gros responsable de déforestation importée, derrière la Chine, selon le WWF. Elle est ainsi responsable de 16 % de la déforestation tropicale liée au commerce international.
Cette loi s’inscrit dans une tendance internationale de lutte contre la déforestation. À la COP26, plus de cent pays abritant 85 % des forêts mondiales se sont en effet engagés à enrayer la déforestation d’ici 2030.
Des avancées majeures à consolider
Le texte propose plusieurs avancées majeures. La proposition de loi prend notamment en compte une définition large de la déforestation. Les commodités et produits concernés mis sur le marché devront être exempts de déforestation, même si elle est légale dans le pays de production. Les entreprises devront en plus avoir une exigence de traçabilité jusqu’à la parcelle grâce à un devoir de vigilance incluant la géolocalisation des parcelles où les commodités ont été produites et un système de traçabilité rigoureux.
La Commission européenne demande la mise en place d’un système de devoir de vigilance obligatoire par les entreprises. Concrètement, les entreprises soumises à la loi devront vérifier, avant de mettre un produit sur le marché, qu’il n’est pas issu d’une terre qui a été déforestée et dans le cas contraire, renoncer à le commercialiser.
Des points manquants à considérer
Le WWF, l’association Canopée et Envol Vert saluent ces avancées mais pointent aussi plusieurs limites, faiblesses et lacunes du texte. En l’état, elles estiment que le périmètre de la proposition de loi reste notamment trop réduit. La loi ne se réfère explicitement qu’aux forêts. Elles appellent à étendre le périmètre aux écosystèmes comme les savanes, prairies et tourbières, eux aussi menacés par l’expansion agricole entraînée par nos importations.
« Alors que la communauté internationale s’émeut chaque année des feux en Amazonie, le Cerrado [la plus grande savane tropicale d’Amérique du Sud, NDLR] au Brésil a déjà disparu de moitié dans le plus grand silence. Cette loi doit permettre de protéger les forêts comme les savanes, les tourbières et les prairies et non pas déporter le problème », rappelle la chargée de campagne forêts tropicales de Canopée, Klervi Le Guenic.
Alors que la déforestation menace très souvent les peuples autochtones et les populations locales, la proposition de loi laisse aussi de côté la question des droits humains. Elle exige simplement que les commodités soient produites en conformité avec les lois du pays de production. Or, dans de nombreux pays, la législation nationale est insuffisante pour protéger les communautés locales et faire respecter leurs droits. Pour preuve, le jugement du siècle actuellement en cours au Brésil pourrait remettre en cause la démarcation des terres que le pays réserve aux peuples autochtones. « C’est une conformité avec les traités internationaux de droits humains qu’il faut exiger. La loi doit en particulier prévoir que les droits coutumiers et droits fonciers soient respectés, et qu’un consentement libre et éclairé ait été obtenu », défend Canopée.
D’autres oublis importants
Le mouvement demandant le désinvestissement des acteurs financiers des énergies fossiles se multiplie. Pour autant, la proposition de loi n’aborde pas la question du désinvestissement de la finance privée des activités et entreprises participant à la déforestation, regrettent Canopée et Envol Vert. Canopée souligne en plus l’importance d’inclure des objectifs de réduction de consommation des produits amplifiant la déforestation.
La proposition actuelle se limite à six commodités. Le WWF voudrait inclure en plus le caoutchouc, le maïs, le sucre et le poulet. L’association Envol Vert pointe également l’absence de « l’hévéa qui détruit les forêts tropicales pour la production du caoutchouc » et « la viande transformée ».
Les associations invitent le Conseil et le Parlement à corriger ces lacunes pour réellement mettre fin à la déforestation importée en Europe. « Nous comptons sur le Parlement et les États membres pour renforcer la proposition de la Commission et garantir que la législation inclut tous les produits concernés et protège tous les écosystèmes », défend Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France.
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