« Les prévisions actuelles de l’utilisation de biomasse dépassent de 50 à 100 % les capacités qui seront disponibles, prévient Per Klevnäs, associé chez Material Economics. Nous devons définir correctement nos priorités pour l’utilisation des matières premières dont nous disposons ». Dans un nouveau rapport, le cabinet de conseil propose en effet de définir de nouveaux usages prioritaires pour la biomasse, très différents des plans actuels. « Les chefs d’entreprise et les décideurs politiques devront s’adapter », ajoute Per Klevnäs.
Les plans actuels de l’Union européenne supposent un doublement de la demande de biomasse au sein des États membres. Entre 2000 et 2019, l’utilisation de la biomasse pour la production énergétique a déjà augmenté de 150 %. Mais ces prévisions sont mises à mal par ce nouveau rapport. Les politiques concernant l’utilisation de la biomasse reposent sur des « connaissances obsolètes datant d’il y a 10 à 15 ans », prévient Material Economics. Face aux nouvelles technologies et aux effets du changement climatique, le cabinet invite à faire évoluer rapidement les priorités.
Des sources de biomasse largement surestimées
Material Economics met en garde contre la surestimation de l’offre de biomasse potentiellement disponible. En effet, les forêts, principales fournisseuses de biomasse, sont d’ores et déjà sous une pression importante à cause de la crise climatique. Signe de cet impact concret du changement climatique, mardi, le Haut Conseil pour le climat s’inquiétait du fait que les forêts françaises « n’ont capté que les trois quarts du carbone anticipé » entre 2015 et 2019 à cause de « la diminution de la capacité de stockage de la forêt ».
Pour éviter d’accentuer la pression sur les forêts et les conflits concernant l’utilisation des terres, Material Economics propose de réserver la biomasse à la construction et à certaines utilisations énergétiques à forte valeur ajoutée. Le rapport cite l’exemple du chauffage industriel, de l’aviation et du transport maritime. « D’un point de vue purement économique, la biomasse ne devrait être utilisée pour la production d’énergie que là où une forte valeur ajoutée peut être créée, analyse Sten Nilsson, PDG de Forest Sector Insights. La plus grande valeur ajoutée pour les biocarburants liquides provient des sous-produits de l’industrie de la pâte à papier ». Les experts proposent en échange de répondre aux besoins énergétiques en développant l’énergie éolienne et solaire.
Un tel scénario à valeur élevée réduirait les coûts de 36 milliards d’euros par an, calcule Material Economics. Il éviterait l’émission de 144 millions de tonnes de CO2 par an. Et il éviterait de convertir en cultures énergétiques entre 30 et 40 millions d’hectares de terres. Ce scénario, bénéfique tant d’un point de vue économique qu’environnemental, contribuerait en plus à l’agenda de restauration de la biodiversité des systèmes naturels européens, conclut le cabinet.
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