Pour la première fois depuis sa création en 1995, Amazon.com dégageait un bénéfice net de 5 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 1,1 milliard au quatrième trimestre 2001. Dix-sept ans plus tard, son chiffre d’affaires pour l’année 2019 frôle les 280 milliards et son résultat net atteint 14,54 milliards.
Le succès phénoménal du champion du commerce électronique grand public montre à quel point le paysage de l’internet a été chamboulé en deux décennies. Les GAFAM sont devenus incontournables dans de nombreux secteurs et pas uniquement grand public.
Toujours à propos d’Amazon, sa filiale spécialisée dans le cloud (Amazon Web Service – 15,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018) domine très largement ce secteur en forte croissance avec environ 48 % de part de marché.
Amende de 4,34 milliards d’euros
Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et autres plateformes en ligne ont apporté des avantages considérables aux consommateurs et à l’innovation, ainsi que des gains d’efficacité pour les entreprises. La pandémie de Covid-19 a révélé tout l’intérêt de disposer d’une infrastructure informatique plus souple et reposant sur le cloud et de s’appuyer sur des solutions aussi pratiques que les visioconférences et les outils de travail collaboratif.
Mais les géants du numérique ont acquis une puissance phénoménale. Cette position dominante a déjà été condamnée par Bruxelles qui a infligé en 2018 sa plus grosse amende à Google : 4,34 milliards d’euros pour avoir abusé de la position dominante d’Android afin d’asseoir la suprématie de son moteur de recherche.
Si ces nouveaux services, technologies et modèles commerciaux ont apporté de nombreuses opportunités dans la vie quotidienne des citoyens européens, ils ont également créé de nouveaux risques pour les citoyens et la société en général, en particulier les fake news et les contenus haineux…
La Commission européenne a donc décidé de moderniser le paysage réglementaire relatif aux plateformes numériques. Un vaste chantier qui concerne aussi bien la responsabilité des plateformes que la lutte contre la diffusion de contenus illicites et la désinformation ou la publicité en ligne.
« L’Europe a compris qu’elle ne pouvait plus se permettre d’être naïve. Nous devons réguler cet espace informationnel qui est encore une zone de non-droit », a insisté Thierry Breton sur France Inter. Pour le commissaire européen au marché intérieur, « l’internet ne peut rester un Far West ». Certains évoquent l’idée d’un démantèlement des GAFAM.
La puissance des BATX
Cette volonté de recadrer les activités des géants du web ne concerne pas uniquement le vieux continent. Aux États-Unis, les autorités antitrust ont ouvert des enquêtes contre Google, Facebook, Apple et Amazon. Mais les géants chinois, regroupés sous l’acronyme BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), sont également visés par le projet européen.
Après une consultation publique menée entre juin et septembre dernier, la Commission européenne doit présenter son ambitieux projet de législation baptisé « Digital Service Act ». Il devrait moderniser le cadre juridique actuel des services numériques au moyen de deux piliers principaux :
- « Premièrement, la Commission proposerait des règles claires définissant les responsabilités des services numériques pour faire face aux risques encourus par leurs utilisateurs et protéger leurs droits. Les obligations légales assureraient un système moderne de coopération pour la supervision des plateformes et garantiraient une application efficace ».
- « Deuxièmement, il proposerait des règles ex ante couvrant les grandes plateformes en ligne agissant comme des gardiens, qui fixent désormais les règles du jeu pour leurs utilisateurs et leurs concurrents. L’initiative devrait garantir que ces plateformes se comportent de manière équitable et puissent être contestées par les nouveaux entrants et les concurrents existants, afin que les consommateurs disposent du choix le plus large et que le marché unique reste concurrentiel et ouvert aux innovations ».
Peu de géants européens
Les grandes plateformes devront « fournir plus d’informations sur le fonctionnement de leurs algorithmes », a expliqué Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission. Elles « devront nous dire comment elles décident des informations et produits qu’elles nous recommandent, et de ceux qu’elles cachent, et nous donner la possibilité d’influencer ces décisions. Elles devront nous dire qui paye pour les publicités que nous voyons et pourquoi nous avons été ciblés ».
« L’enjeu, c’est l’Europe contre le reste du monde. Dans la guerre sur les données entre les États-Unis et la Chine, soit l’Europe regarde passer les missiles, soit elle décide de s’équiper pour résister », explique Étienne Drouard, avocat en protection des données et cybersécurité au cabinet Hogan Lovells.
Or pour l’instant, il n’existe pas vraiment l’équivalent des GAFAM ou des BATX sur le vieux continent. L’Europe ne compte que trois entreprises technologiques dans le classement Fortune Global 500, contre douze aux États-Unis, cinq en Chine et six à Taïwan et au Japon. En 2019, les entreprises technologiques européennes ont reçu 34,8 milliards de dollars d’investissements en capital, contre 62,5 milliards de dollars investis dans des entreprises asiatiques et 116,7 milliards de dollars dans des entreprises américaines.
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