Créée il y a près de trente ans – brevetée au milieu des années 80 – l’impression tridimensionnelle (3D) ne cesse de fasciner.
Les médias s’enflamment, se questionnant sur la probable révolution qu’engendre ce procédé. Simple évolution ou révolution, science-fiction ou nouvelle réalité ?
Souvenez-vous dans Tintin et le Lac aux requins, le professeur Tournesol inventait une photocopieuse d’objets. C’était en 1972. Aujourd’hui la technique s’est perfectionnée grâce au talent des chercheurs.
Retour sur un principe assez simple. Pour qu’il y ait impression 3D, quelques ingrédients clés sont nécessaires.
Tout d’abord un fichier informatique de l’objet que l’on souhaite produire, mais aussi, évidemment, une imprimante tridimensionnelle.
Ensuite, il existe deux méthodes.
La plus courante est celle qui consiste à superposer des couches de matières les unes sur les autres, généralement du plastique, puis de les coller afin de les solidifier. On parle de processus additif. Il en résulte l’objet en relief. Finalement, le principe n’est pas si éloigné de celui de l’imprimante 2D.
L’autre méthode nécessite une imprimante spéciale : l’imprimante 3D eMotion Tech inspirée par la technologie RepRap, la première imprimante 3D à faible coût et auto-réplicable. Elle fonctionne par la juxtaposition de filaments plastiques, portés à très haute température, en plusieurs points précis.
Ces couches successives forment petit à petit l’objet, une fois les filaments refroidis. Il s’agit du principe d’extrusion. Toute une gamme de filaments est disponible à des diamètres plus ou moins importants.
L’impression 3d s’illustre dans de nombreux domaines, parfois improbables :
Dans la santé
Cette technologie est clairement la source de nombreux espoirs pour certains malades.
Récemment, l’histoire d’un homme atteint d’un cancer, et à qui l’on avait greffé un nouveau visage avait ému. Cet homme, après l’ablation d’une tumeur à la tête qui lui avait fait perdre une grande partie de son visage, s’était fait poser une prothèse créée par impression 3D.
Suite à l’intervention, sa vie avait changé. L’homme a pu retrouver quelques-unes de ses capacités qui lui permettent aujourd’hui de revivre.
Dans le même domaine, des scientifiques britanniques ont créé des matériaux synthétiques se rapprochant de tissus vivants. L’objectif visé, que ces matériaux puissent reprendre les fonctions de ces tissus au sein du corps humain.
Malheureusement ces matériaux sont composés de milliers de gouttelettes d’eau d’un diamètre d’un millième de millimètre reliées les unes aux autres par un mince film de graisse. Ce qui signifie qu’à l’heure actuelle, ils sont encore trop volumineux pour être exploités.
C’est au tour de la chirurgie réparatrice d’employer l’impression 3D. Dernièrement, une équipe de scientifiques new-yorkais s’est distinguée en concevant une oreille humaine artificielle biocompatible.
À partir d’une photographie en 3D d’une oreille, ils ont fabriqué un moule creux dans lequel ils ont placé un gel constitué de collagène et de cellules d’oreille de vache.
Par la suite, l’oreille est mise en culture quelques jours afin que le cartilage se constitue et le tour est joué. D’ici quelques années, les scientifiques espèrent pouvoir utiliser ce procédé pour greffer des oreilles humaines aux patients atteints de microtie (malformation congénitale) ainsi qu’à ceux ayant perdu leur oreille interne.
Pour le moment ce pan de la médecine reste à explorer plus profondément et bien qu’il offre de bons espoirs dans la recréation du corps humain, peut-on parler de nouvelle ère ?
Dans la mode
En mars, la pin-up Dita Von Teese, dévoilait l’une des premières robes imprimées en 3D, taillée sur mesure pour elle.
La robe, fruit du travail commun des créateurs Michael Schmidt et Francis Bitonti s’affirme comme la dernière innovation textile marquante.
Pour la réaliser, il a fallu assembler 17 pièces et gérer plus de 3 000 articulations. Iris Van Herpen, une créatrice Néerlandaise a également affiché son ambition de se tourner vers cette technologie dans le cadre de son travail.
Et dans le même registre, le studio américain Continuum Fashion confectionne des sous-vêtements, maillots et chaussures par ce procédé. Néanmoins le coût devrait en décourager certains. Comptez 900 euros pour une paire de chaussures.
En cuisine
L’impression 3D n’a aucune limite semble-t-il. Elle se tourne à présent vers un registre que l’on n’aurait même pas soupçonné : la cuisine.
Différentes machines existent pour imprimer des aliments comestibles. Les plus connues sont probablement la ChocEdge et l’Imagine, des imprimantes 3D spécialisées dans le chocolat.
La ChocEdge permet de réaliser des dessins, des sculptures en chocolat par le biais d’une fine seringue. Son coût est la aussi dissuasif, puisqu’il faut débourser 3 000 euros pour son acquisition.
Par ailleurs, Hod Lipson, Evan Malone et Dan Périard, trois professeurs au Cornell University’s Computational Synthesis Lab, ont travaillé sur le projet « Fab@home » une imprimante permettant de fabriquer n’importe quelle nourriture.
Cependant, bien que les aliments ainsi crées ne présentent aucun danger pour la santé, le goût ne serait pas encore concluant.
Parallèlement, le chercheur au MIT Marcelo Coelho, met au point une imprimante 3D destinée à la préparation de plats cuisinés. La « Digital Fabricator » qui n’est encore qu’un projet prendrait en compte différents paramètres tels que la température, le nombre de calories et la forme des plats.
Plus fou encore, la start-up américaine Modern Meadow cherche à imprimer de la viande ! Pour ce faire, il suffirait de remplacer les cartouches d’encre par des cellules souches d’animal, obtenues par biopsie.
Dans l’industrie
L’impression 3D est exploitée depuis bien longtemps par le secteur industriel. Surtout dans l’aéronautique et l’automobile. Des pièces finies voient le jour.
Le constructeur Dassault a ainsi mis au point une cinquantaine de drones de combat. Le Neuron – le petit nom du prototype – fonctionne et vole convenablement.
Le groupe industriel européen EADS développe également des drones, des armures et des ailes pour les systèmes aériens et de défense.
Quelques années auparavant, EADS entendait même prouver les capacités de l’impression 3D en concevant entièrement un vélo par ce biais.
L’industrie automobile s’était faîte remarquer par le projet de voiture imprimée « Urbee ». Stratasys, la société numéro 1 dans l’impression 3D, avait conçu en 2010 la première voiture imprimée.
Depuis, Stratasys en association avec Kor Ecologic développe sa petite soeur « Urbee 2 » selon le processus additif. Une méthode bénéfique à tous points de vue, que ce soit écologique ou productif. Car en plus d’utiliser un carburant mélange d’essence et de bioéthanol, le temps de fabrication « d’Urbee 2 » passe de 85 jours (pour un modèle classique) à 36 jours.
Il en va de même pour le coût de fabrication qui est réduit de 25%, diminuant de 99 000 dollars à 75 000. Le premier essai en conditions réelles doit avoir lieu d’ici deux ans.
En outre, il existe tout un tas d’objets fabriqués par ce procédé : jouets, instruments, coques pour iPhone, bouteilles de parfum et même des sex toys !
Les projets fous
Construire une station spatiale grâce à une imprimante. Voilà qui a de quoi faire glousser ou tout au moins de rendre sceptique.
Pourtant l’Agence Spatiale européenne (ESA) songe vraisemblablement établir sa prochaine base lunaire par ce moyen. Cela permettrait de répondre à la problématique d’acheminement des matériaux ou de modules prévus à l’installation de bases. Car il s’agit de tonnes et de tonnes de matériaux, à priori impossibles à transporter en un seul voyage.
Et quand on sait qu’en envoyer un kilo sur la Lune nécessite 15 000 euros… Pour l’heure, ce projet est en étude. L’ESA en partenariat avec le cabinet d’architecture Foster + Partners examine la faisabilité d’une base constituée de sable lunaire et d’oxyde de magnésium.
La Nasa plancherait elle aussi sur le sujet. Tout aussi fou, le projet de construction d’une maison à l’aide d’une imprimante 3D. L’architecte néerlandais Janjapp Ruijssenaars du cabinet Universe Architecture d’Amsterdam envisage sérieusement la construction d’une maison de 1 100 mètres carrés.
Le défi architectural n’est pas des moindres puisqu’il souhaite que le bâtiment se fonde dans l’environnement dans lequel il se trouvera et que l’on ne puisse en discerner ni le début ni la fin.
Les dérives de l’impression 3D
Cody Wilson, un américain de 25 ans est parvenu par le biais de l’impression 3D à créer un fusil d’assaut, d’une capacité d’accueil de trente balles.
Le jeune homme a en effet reproduit l’AR-15, l’arme dont s’est servi le tueur lors des attentats de l’école Sandy Hook. Forcément, avec un tel usage, cette innovation conduit à un questionnement éthique.
Aux États-Unis, elle relance même le vieux débat concernant la détention d’armes à feu.
L’association « Defense Distributed », dont fait partie Cody Wilson, souhaite utiliser ce procédé à des fins de distributions à grande échelle. Le jeune homme se dédouane en affirmant que l’usage qu’en auront les détenteurs n’est pas de sa responsabilité.
L’imprimante 3D en passe de se répandre chez les particuliers ?
Créer un objet chez soi avec l’aide de son imprimante, une idée insolite si l’on retourne quelques années en arrière.
Et pourtant voilà qui est désormais faisable et à un prix d’entrée de gamme raisonnable, entre 400 et 2 000 euros selon l’utilisation et le type de matériau à imprimer.
Cependant, avant que l’objet ne se démocratise dans nos foyers et ne fasse partie de notre quotidien, il y a de la marge.
Enfin, cette innovation a de quoi bouleverser bien des aspects de nos habitudes de vie. D’une part, notre consommation d’objets.
À l’avenir, va-t-on se détourner des grandes surfaces et autres boutiques pour fabriquer des objets personnalisés ? Et qu’en sera-t-il de notre rapport aux objets ? Serons-nous plus impliqués qu’auparavant avec la possibilité d’entrer dans le processus de création de ces objets et leur possible partage avec les autres ?
D’autant qu’il n’est plus nécessaire de déposer un brevet pour son invention. L’imprimante 3D est donc avant tout un formidable outil pour les concepteurs.
Par Sébastien Tribot, journaliste scientifique
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