Alors que l’IEEE avance dans sa dernière étude en date que 75 % des voitures qui circuleront aux Etats-Unis en 2040 seront des voitures autonomes, le géant Google estime à travers son cofondateur Sergey Brin que le grand public devrait y avoir accès… d’ici cinq ans, avant que la technologie ne se démocratise.
Il fait peu de doute que tôt ou tard (probablement plus tôt qu’on ne l’imagine), les voitures autonomes tiendront le haut du pavé, dévorant l’asphalte en bandes – très – organisées. La convergence des annonces, provenant aussi bien des constructeurs automobiles que d’experts en la matière, n’est évidemment pas un hasard. Pourtant de nombreux problèmes se posent à l’idée de laisser une part toujours plus grande du trafic aux voitures autonomes, et de réduire petit à petit à la portion congrue l’implication de l’humain, éminemment faillible, dans le processus de conduite d’un véhicule. Jusqu’à ne plus l’impliquer du tout.
En tête de ces problèmes figurent la question légale de la responsabilité en cas d’accident impliquant un ou plusieurs véhicules autonomes, la gestion d’une avarie technique, la nécessité – ou non – de posséder un permis de conduire. Et puis réussira-t-on à lâcher prise totalement, et finir par céder les rênes de nos véhicules à un ordinateur de bord ?
Petit tour d’horizon des récentes annonces en la matière.
« 75 % des voitures en circulation aux Etats-Unis en 2040 seront des voitures autonomes »
L’IEEE (« Institute of Electrical and Electronics Engineers »), association professionnelle des ingénieurs basée à New-York, est formelle : d’ici à 2040, 75 % des voitures circulant sur le territoire des Etats-Unis seront des véhicules autonomes. L’IEEE va même plus loin, l’organisme ayant prévu comment les infrastructures, la société et même les comportements pourraient évoluer lorsque les voitures sans conducteur deviendront la norme sur nos routes.
La prévision de l’IEEE englobe la future disparition des panneaux de signalisation et des feux tricolores, inutiles pour les voitures autonomes puisqu’elles possèderont ou que leur seront communiquées en temps réel toutes les informations nécessaires (limitations de vitesse, sens de circulation…).
Disparition du permis de conduire ?
L’IEEE évoque aussi la probable disparition du permis de conduire. « Les passagers se trouvant dans un train ou dans un bus n’ont nullement besoin d’un permis de conduire », rappelle le directeur du centre dédié à la recherche au sein de l’IEEE, Azim Eskandarian. « Dans le cas où le véhicule serait totalement autonome, et qu’aucune intervention du conducteur ne soit autorisée, c’est bien le véhicule qui sera seul aux commandes. ». En clair : nul besoin de qualifications ou de connaissances particulières. Donc plus besoin de permis de conduire, sésame qui deviendrait complètement inutile – aussi insensé que cela puisse paraitre. Autre conséquence : l’arrivée des véhicules autonomes devrait permettre l’accès à un véhicule particulier aux personnes à mobilité réduite ou présentant un handicap plus ou moins important.
La Google Car, déjà une réalité
Pas loin de 500 000 kilomètres cumulés aux compteurs, et ce déjà en aout dernier… l’armada de Toyata Prius et de Lexus entièrement autonomes estampillées Google continue de faire ses preuves, à son rythme. Et lorsqu’on pense aux réalisations du géant américain, on se dit que cela pourrait bien aller très vite, comme le confirme l’un des cofondateurs de Google, Sergey Brin. Bien que prudent sur le calendrier prévisionnel, il estime que « le grand public devrait avoir accès [aux voitures autonomes] d’ici cinq ans, et que la technologie se démocratisera ensuite ». D’ici là, les employés de la firme américaine vont continuer à tester la flottille de véhicules.
General Motors, Audi, Volvo, Toyota… personne n’est en reste, chacun y travaille et y va de sa petite annonce, annonçant l’avènement de la voiture autonome pour 2015, ou pour la fin de la décade.
Le cofondateur de Google, lui, voudrait surtout réussir à relever l’un des plus gros challenges selon lui, « l’inattendu ». Faire face à une panne de l’ordinateur de bord, ou encore à une avarie matérielle majeure comme un pneu qui explose, sont des défis qui restent à relever.
Un besoin moindre en infrastructures
Alors que le principal obstacle à l’arrivée de la voiture autonome, ne semblent plus être d’ordre technique, mais concernerait plutôt la construction d’infrastructures adaptées, le professeur Alberto Broggi, membre de l’IEEE et professeur en génie informatique à l’université de Parme, en Italie, n’en croit pas un mot et s’appuie justement sur son expérience de la « Google Car ». En 2010, il parcourut les 13 000 kilomètres séparant la ville de Parme à Shanghai, « au volant » de deux voitures sans conducteur.
« Les Google Cars se basent sur des cartes très précises, et possèdent des capteurs utilisant la technologie LIDAR », explique-t-il dans une interview pour le magazine Wired, assurant que ces véhicules auront besoin de moins d’infrastructures, et non plus. LIDAR, acronyme de « LIght DetectionAndRanging », permet en quelque sorte de scanner l’environnement en utilisant les propriétés du laser une fois renvoyé vers son émetteur, comme le fait un radar avec les ondes radios.
Communications V2V et V2I
Deux nouvelles formes de communication sont ici en train de voir le jour : la communication de véhicule à véhicule (V2V – « vehicle to vehicle »), et la communication du véhicule vers l’infrastructure (V2I – « vehicle to infrastructure »). La communication V2V permet aux voitures de partager leur positionnement en temps réel et entre elles, afin d’éviter les collisions ou d’optimiser la conduite d’un groupe – restreint – de véhicules. La communication V2I permet cette fois aux véhicules de partager leur position, mais aussi la destination et jusqu’à l’itinéraire qu’ils souhaitent emprunter avec un poste central, dont le rôle serait de coordonner et de dispatcher l’information concernant le trafic, les itinéraires…
Les explications d’Alberto Broggi au magazine Wired permettent encore une fois d’éclairer ces notions : « Imaginons que toutes les voitures soient connectées et qu’un poste central puisse connaitre précisément leur position et leur destination. Le poste central peut envoyer des commandes d’ajustement de la vitesse aux véhicules qui abordent un croisement, de telle manière qu’ils n’entrent pas en collision et qu’ils franchissent le croisement chacun leur tour, optimisant leurs mouvements. Dans ce cas, les feux tricolores ne seront pas nécessaires, la coordination étant gérée à un niveau supérieur ».
Des tests seraient déjà en cours en Europe (notamment en Allemagne) et aux Etats-Unis, combinant les deux systèmes de communication V2V et V2I, un type de communication global baptisé V2X.
Le trou noir législatif
Enfin, de nombreuses questions se posent quant au cadre légal et au code de la route, totalement inadaptés à l’arrivée des voitures autonomes. Quid de la responsabilité légale lorsqu’un piéton se fait renverser par une voiture sans conducteur, ou tout autre type d’accident impliquant un ou plusieurs de ces véhicules autonomes ? Le « conducteur » sera-t-il tenu pour responsable, bien qu’il ne soit pas aux commandes ? Ou est-ce le constructeur qui endossera la responsabilité, voire le géant Google dans le cas de la « Google car » ? De fait, deux Etats américains ont déjà donné leur feu vert à la circulation des voitures sans conducteur, le Nevada et tout récemment la Californie, après un lobbying actif de la part de Google et malgré de nombreuses réticences.
Car le plus gros obstacle à l’adoption des voitures sans conducteur n’aura probablement rien à voir avec la technologie elle-même. Il se pourrait que ce soit tout simplement le manque d’adhésion du grand public, la peur (ir)raisonnée de ne plus être aux commandes. Et ce serait aussi oublier un peu vite le simple plaisir de la conduite.
Par Rahman Moonzur, journaliste scientifique
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