Présenté fin 2011 à la communauté internationale dans un article de Science publié par le laboratoire de matière molle et chimie de l’ESPCI Paris/CNRS, les vitrimères avaient déjà fait sensation à l’époque (Best chemistry 2011 par l’hebdomadaire Chemical & Engineering News de l’American Chemical Society puis prix de l’inventeur européen de l’office européen des brevets en 2015 à Ludwik Leibler, directeur du laboratoire).
Mais au fait, c’est quoi déjà un vitrimère ?
Les vitrimères sont une nouvelle catégorie de matériaux organiques légers et résistants qui une fois durcis peuvent être refondus et remoulés comme le verre tout en présentant des propriétés mécaniques supérieures au verre. Ils allient donc les qualités des composés thermoplastiques (famille de plastiques qui peuvent être refondus et remoulés donc recyclés) aux composés thermodurcissables qui présentent de bonnes propriétés mécaniques, chimiques et thermiques mais ne peuvent pas être réutilisés (si on les chauffe de nouveau, ils brûlent mais ne fondent pas).
Le vitrimère présenté en 2011 était fabriqué à base d’epoxy. Il a aussitôt intéressé les secteurs du bâtiment, de l’aéronautique, de l’automobile ou de l’électronique qui s’en sont servis pour créer de nouveaux matériaux composites.
Une nouvelle réaction de métathèse
Mais que manquaient-ils aux vitrimères pour être parfaits ? La possibilité de les produire avec les mêmes ingrédients que les plastiques actuels et la possibilité de les produire avec les outils industriels existants et aux mêmes cadences de production énonce le CNRS dans son communiqué. Et c’est justement ce que viennent de rendre possible les chercheurs du laboratoire de matière molle et chimie de l’ESPCI Paris/CNRS. Leurs travaux ont été publiés dans un article de Science du 7 avril 2017. En s’appuyant sur la métathèse (c’est-à-dire une réaction d’échange d’atomes entre molécules) de dioxaborolanes, ils ont réussi à fabriquer des vitrimères à partir de polymères courants et très différents tels que le poly(méthacrylate de méthyle) – autrement dit le PMMA qui correspond au bien connu Plexiglas®, le polystyrène ou le polyéthylène haute densité (PE-HD). Cette réaction est rapide, efficace et les composés obtenus montrent des propriétés chimiques, mécaniques et thermiques supérieures aux composés de départ. Elle est applicable à tous les polymères dont le squelette est carboné avec des liaisons carbone-carbone simples, c’est-à-dire à 75% des plastiques. En outre, “la réaction ne nécessite pas de catalyseur, ce qui constitue un réel avantage économique et écologique”, précise le communiqué. Cette découverte a fait l’objet de plusieurs brevets déposés par l’ESPCI.
Le beurre et l’argent du beurre
Ces nouveaux vitrimères se présentent comme des matériaux hautes performances. A titre d’exemple, les chercheurs illustrent cette qualité par une expérience simple: Plongé dans de l’eau savonneuse, un échantillon de polyéthylène se craquèle en 30h contre 350h pour le vitrimère de polyéthylène. Sachant qu’un quart des craquelures et ruptures de plastiques et composites sont dus au contact avec un liquide, l’utilisation des vitrimères seraient alors une alternative très intéressante pour différentes applications allant des canalisations à des dispositifs médicaux ou des pièces automobiles.
Par ailleurs, les chercheurs se sont aperçus que la réaction de métathèse pouvait aussi avoir lieu entre deux vitrimères de plastiques à l’origine incompatibles. Formant alors des alliages dont les propriétés peuvent s’avérer encore meilleures que les composants d’origine en matière d’imperméabilité, de résistance aux chocs ou de rigidité. Cela ouvre tout un nouveau pan de recherche en chimie des matériaux.
Mais cerise sur le gâteau, cette propriété de pouvoir faire des alliages permet aussi de s’affranchir d’une autre contrainte des plastiques actuels: le tri sélectif selon la nature du plastique. En effet, jusqu’alors pour recycler un plastique il faut les trier selon leur nature. Avec les vitrimères, ce tri devient inutile puisqu’on peut les marier entre eux. Dès lors le recyclage des plastiques pourrait devenir plus rentable et bien plus facile à mettre en oeuvre.
Sophie Hoguin
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