Alors que le bois mort constitue un stock de carbone, des chercheurs révèlent que les termites conservent une capacité à dégrader cette biomasse dans les zones chaudes et arides. Étant donné que ces surfaces vont s'étendre avec le réchauffement climatique, ces insectes pourraient influencer le cycle global du carbone.
Les forêts jouent un rôle majeur dans le cycle du carbone. Elles constituent le principal puits de carbone terrestre et 8 % de leur stock se trouve dans le bois mort. La décomposition de celui-ci a pour effet d’en rejeter une partie dans l’atmosphère. À l’échelle de la planète, les insectes sont à l’origine de près d’un tiers de cette décomposition. Une équipe internationale de plus de 100 scientifiques s’est penchée sur le comportement des termites face au changement climatique. Les résultats de ces travaux, publiés dans Science, mettent en évidence qu’ils vont jouer un rôle de plus en plus important dans le futur.
Grâce à des données collectées dans 133 sites à travers 6 continents, les chercheurs révèlent pour la première fois que les termites sont à la fois très sensibles aux variations de température, mais tolèrent des niveaux d’humidité faibles. Le taux de décomposition des termites augmente ainsi de plus de 6,8 fois à chaque hausse de 10 degrés des températures. En comparaison, celui des champignons, eux aussi responsables de la dégradation du bois, se limite à 2 fois, car dès que le bois contient moins de 20 à 22 % d’humidité, ils sont confrontés à des difficultés à dégrader la lignine et la cellulose.
« Dans les forêts tropicales humides, la compétition entre les champignons et les termites est moins élevée, car ils sont tous les deux capables de dégrader le bois, explique Jacques Beauchêne, xylologue au Cirad et co-auteur de l’étude. Alors que les forêts sèches, les savanes et les zones subdésertiques ne sont pas propices au développement des champignons, car ils ont besoin d’une humidité au moins supérieure à 20 % pour se déplacer. Une plus forte activité des termites est donc observée dans ces endroits, car leur compétition avec les champignons est moins forte. »
Or, en raison du réchauffement climatique, les zones chaudes et arides vont s’étendre à l’avenir dans le monde. Les chercheurs ont croisé leurs résultats avec des modèles de changement climatique. Ils ont découvert que peu importe la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre retenue, l’aire de répartition des termites risque d’augmenter à travers les régions tropicales et subtropicales d’ici à 2050. « Cette progression des termites nous a surpris, ajoute le chercheur. J’ai vécu plus de 30 ans en Guyane et j’étais persuadé que l’activité des termites était plus virulente en zone tropicale humide. En fait, grâce à notre étude, on se rend compte qu’ils sont plus virulents dans les climats tropicaux secs. »
Une capacité à maintenir un taux d’humidité élevé
L’explication de cette adaptabilité de cet insecte vient de son mode de vie. Les termites vivent en société très organisée et font preuve d’intelligence collective. Ils fonctionnent en colonies avec un système de castes, comme les fourmis ou les abeilles, où chaque type d’individu a un rôle bien déterminé. Une colonie peut être constituée de centaines de milliers voire des millions de termites. Ces derniers sont capables de bâtir des systèmes pour maintenir une humidité élevée grâce à la construction de réseaux de galeries permettant des connexions à la nappe phréatique, et ainsi maintenir une dégradation possible du bois. « En Afrique, on observe un système de climatisation avec la formation d’importantes cheminées pour faire circuler l’air et évacuer le CO2. Certains termites élèvent même des champignons qui vont dégrader la matière organique à leur place, puis vont manger ces champignons, à l’image des fourmis Atta en Amérique du Sud », précise Jacques Beauchêne.
L’augmentation de l’aire de répartition des termites pourrait avoir des implications majeures sur le cycle du carbone. Elle pourrait en effet entraîner une augmentation de la décomposition du bois mort, et donc avoir un impact global sur les émissions de CO2. Par contre, les scientifiques n’ont pas réussi à quantifier les retombées sur les stocks forestiers de carbone, faute de données suffisantes. L’estimation est par ailleurs complexe à réaliser puisque le carbone émis par le bois mort n’est pas entièrement libéré dans l’atmosphère, car une bonne partie est piégée dans les sols. Et pour évaluer l’impact global de ce processus sur le climat, il faudrait aussi tenir compte des émissions de méthane produit par les termites, un gaz à effet de serre nettement plus puissant que le CO2.
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