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Décryptage

« Les systèmes embarqués, une problématique importante pour l’industrie française »

Posté le par La rédaction dans Informatique et Numérique

Franck Barbier [ANR]

Resposable du secteur "Systèmes embarqués et grandes infrastructures" à l'Agence Nationale de la Recherche, Franck Barbier revient pour Techniques de l'Ingénieur sur les problématiques de recherche actuelles, notamment en ce qui concerne les coûts de revient. Interview.

Franck barbier a rejoint l’ANR en 2009. Spécialiste des systèmes embarqués, docteur en informatique spécialité génie logiciel, Franck Barbier a noué au cours de sa carrière des liens avec de grandes compagnies (Alcatel, Thales), ce qui lui permet aujourd’hui d’appréhender au mieux la nécessaire collaboration entre recherche publique et privée, surtout autour d’une thématique comme celle des systèmes embarqués.

Techniques de l’Ingénieur : Quand est-ce que l’ANR a-t-elle commencé à s’intéresser à la recherche sur les systèmes embarqués ?

Franck Barbier : Le thème « systèmes embarqués » a toujours été traité à l’ANR dès la création de l’agence. Il s’agit d’un héritage de ce que l’on appelait avant les réseaux technologiques. La recherche sur les systèmes embarqués a toujours été soutenue de manière importante car c’est une problématique très importante pour l’industrie française : en effet, les secteurs automobiles, ferroviaires et aéronautiques français, en particulier, reconnus pour leur compétence, étaient très demandeurs et ont toujours suivi de très près toutes les recherches menées sur les systèmes embarqués.

Parlez-nous des applications des systèmes embarqués et des technologies mises en œuvre ?

Les applications sont nombreuses : la téléphonie par exemple, avec des périphériques grands publics comme les smart phones qui comportent des systèmes embarqués non critiques. Il faut bien faire la distinction entre système embarqué critique et non critique. Les systèmes embarqués critiques, impliqués dans le fonctionnement de systèmes comme le système de freinage d’une voiture (ABS), le guidage de missiles, le pilote automatiques dans les avions, font l’objet de tests très nombreux et coûteux, car des vies humaines sont souvent en jeu. Les systèmes non critiques, eux, sont plutôt destinés aux loisirs, à l’assistance à la personne…

Y a-t-il partage des technologies selon le domaine d’application ?

Sur les systèmes critiques, un partage des technologies est nécessaire. Par exemple, le pôle de compétitivité Aeropace Valley, qui s’intéresse à l’industrie aéronautique, abrite maintenant des acteurs impliqués dans le ferroviaire et l’automobile, et tous ces secteurs utilisent les mêmes technologies. Que ce soit pour la partie électronique ou la partie logicielle, les technologies ayant pour but d’améliorer le niveau de robustesse de ces dispositifs sont les mêmes. Après, en termes de technologies, les grosses différences se font sur les systèmes embarqués d’agréments, non critiques, destinés à faciliter la vie des gens.

Un exemple ?

Si  on prend le cas des smart phones, les plates-formes d’exécution logicielle subissent des tests, mais qui ne vont pas être aussi poussés et nombreux que ceux effectués sur des systèmes critiques. Il s’agit là d’un problème de coût, puisque le seul moyen de s’assurer du bon fonctionnement de ces systèmes est faire un nombre de tests très important, qui se répercutent directement sur le prix de revient (les tests représentent parfois 60 % du prix de revient = phase de tests, de vérification et de certification).

Aujourd’hui, il semble que la problématique des coûts de revient intéresse beaucoup le recherche…

Prenons un exemple : aujourd’hui, du côté des logiciels, on a un langage de programmation comme Java, qui a été plutôt construit pour le monde de l’Internet. Il existe des versions de Java pour les systèmes embarqués, notamment les non critiques. Il existe aussi des versions Java pour les systèmes embarqués critiques. Ce langage là avait jusqu’à présent des mécanismes qui empêchaient de pouvoir certifier les programmes sur leur comportement. On a maintenant des normes de certification qui laissent la possibilité de l’utiliser. Pour revenir à l’aspect coût, ce langage là a une qualité : en effet, les programmeurs sont beaucoup plus productifs en utilisant Java.  Aujourd’hui, le fait que les normes de certification sur les problèmes d’allocation dynamique de mémoire, dans le domaine de l’aviation ou de l’automobile, soient plus souples, fait que le langage Java commence à gagner des parts de marché et on y gagne aussi sur les aspects coût puisqu’on fabrique la partie logiciel plus rapidement.

L’augmentation des puissances de calcul des systèmes embarqués est-elle également un enjeu pour la recherche ?

La puissance de calcul suit l’évolution des ordinateurs qu’on utilise au quotidien. Pour piloter des systèmes de plus en plus complexes, sophistiqués, on a besoin d’une puissance de calcul de plus en plus importante. On commence à parler des architectures matérielles multi cœurs, c’est-à-dire contenant plusieurs calculateurs travaillant sur la puce de base en parallèle. On retombe sur les problèmes de prix. Si on intègre plus de calculateurs sur une automobile, son prix de revient devient moins concurrentiel. Il faut arriver, en termes de services, à convaincre le client de payer pour ces systèmes. Le problème de cette puissance de calcul, c’est qu’on reste encore aujourd’hui dans une logique forte de système complet matériel ou logiciel qui coûte le moins cher possible. Etant donné que ces composants vont être vendus à des milliers d’exemplaires, le coût de revient doit être minimisé à tout prix

Quels sont actuellement les freins majeurs aujourd’hui pour la recherche ?

Aujourd’hui, le coût de revient de ces systèmes est le vrai problème si parallèlement ils montent en sophistication. Le coût de mise au point est souvent pharaonique. Le moindre système embarqué supplémentaire dans une voiture accroît le coût de celle-ci de manière significative. Aujourd’hui, sur une Volvo par exemple, on trouve une cinquantaine de calculateurs sur les voitures de milieu de gamme. Le problème devient alors de faire alors interopérer tous ces calculateurs dans une architecture matérielle/logicielle la plus standardisée possible pour maîtriser et les coûts et la qualité globale (sécurité absolue des dispositifs de la voiture).

C’est -à-dire ?

Les systèmes embarqués doivent pouvoir communiquer entre eux de manière rationnelle via des infrastructures idoines (intergiciels). L’interconnexion est une de nos problématiques actuelles. L’industrie française est en pointe dans ce domaine. Nous avons historiquement une grande compétence sur le sujet. L’ANR a vocation à faire perdurer cet avantage technologique.

Quel est le rôle principal de l’ANR sur la thématique « systèmes embarqués » ?

Sur les systèmes embarqués, la vocation de l’ANR est de faire collaborer public et privé. Sur la période 2005/2007, nous avons eu 21 projets sur les systèmes embarqués, avec une aide globale de 23,8 millions d’euros. Mais nous soutenons d’autres projets qui apportent une contribution indirecte à la recherche sur les systèmes embarqués, comme les recherches sur la sûreté de fonctionnement en général, qu’elle soit matérielle ou logicielle, la sécurité des systèmes d’information…

Y a-t-il une collaboration public/privé en termes de recherche sur les systèmes embarqués ?

La recherche publique/privée sur les systèmes embarqués fonctionne très bien aujourd’hui. Nous avons traité le sujet de la bonne façon, il y a très longtemps. C’est une thématique pour laquelle la R et D privée a toujours investi de façon conséquente. Il y a eu une mise en relation rapide entre les laboratoires publics et la recherche privée, sous l’initiative de l’Etat. Deux grands laboratoires français en sont le parfait exemple : le LAAS à Toulouse, qui collabore beaucoup avec l’industrie de l’aéronautique et de l’espace. Verimag à Grenoble, qui a obtenu l’équivalent du prix Nobel, dans le domaine des systèmes embarqués.

Est-ce que l’économie d’énergie est un axe de recherche prépondérant sur cette thématique ?

La tendance est à l’économie d’énergie : les TIC sont de gros consommateurs d’énergie. Les systèmes embarqués sont également un moyen d’optimiser la consommation d’énergie. Il y a donc cette contradiction à gérer, sachant que plus la puissance de calcul des systèmes augmente plus la consommation d’énergie est importante.

Parlez-nous du programme ARPEGE ?

C’est un programme qui a commencé en 2008, avec trois appels à projets annuels. Le dernier a eu lieu en 2010. ARPEGE a poursuivi toutes les initiatives de programmation de L’ANR qui avaient eu lieu de 2005 à 2007. La vraie vocation d’ARPEGE était de progresser au niveau de l’interconnexion de ces systèmes embarqués pour des grandes infrastructures de calcul (internet des objets en particulier).

Posté le par La rédaction


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