Évidemment, on y songe pour ainsi dire jamais, à ce risque qui plane au-dessus de nos têtes, ce risque que le ciel nous tombe sur la tête – pour reprendre la fameuse citation des Gaulois. Bien sûr, il est normal que cela ne rentre pas dans nos préoccupations quotidiennes car il y a vraisemblablement peu de chances qu’une chute d’astéroïdes se produise, sans crier gare, sans que les astronomes s’en aperçoivent. La Nasa surveillerait plus d’un millier de gros astéroïdes (ceux de plus de 1 kilomètre de diamètre seraient en grande partie recensés).
La plupart du temps, les géocroiseurs, ces astéroïdes ou météorites qui frôlent l’orbite terrestre, ne sont pas dangereux. Heureusement car les astronomes en dénombrent environ 9 000. S’ils ne dépassent pas les 20 mètres de diamètre, ils se désagrègent généralement dans l’atmosphère en une flopée d’étoiles filantes. Mais parfois, il arrive tout de même qu’ils parviennent jusqu’à la Terre comme ce fut le cas en février 2013. Des fragments de météorite avaient atteint la région de Tcheliabinsk en Russie et avaient fait un millier de blessés, résultat des vibrations liées aux explosions dans les basses couches de l’atmosphère.
À peu près à la même période, la Nasa surveillait au grain le passage de l’astéroïde Apophis tout près de la Terre (à environ 30 000 kilomètres). Il faut dire que son gabarit donne des raisons de s’inquiéter puisque ses 325 mètres de diamètre pèsent environ 50 millions de tonnes. Sa chute pourrait avoir des conséquences désastreuses et engendrer une hécatombe : de 5 à 100 millions de morts. Il est censé revenir en avril de l’année 2029 ainsi qu’en 2036 mais selon toute probabilité, il n’entrera pas en collision avec la Terre à ce moment-là. Ce qui nous est profitable, la chute libérerait 25 000 fois plus d’énergie que la bombe lancée à Hiroshima le 6 août 1945.
Le rythme des impacts est discutable. D’après la fondation américaine B612, composée d’anciens astronautes, la météorite TCB (Tunguska Cosmic Body) qui ravagea les forêts de Sibérie en 1908 est un incident susceptible de se produire une fois tous les cent ans. Une donnée dont nous ne pouvons pas être certain. L’intervalle entre les impacts variant selon les spécialistes. Rusty Schweickart, qui est également un ancien astronaute, estime plutôt que « ce type d’impact se produit une fois tous les 250 ou 300 ans ». Quoi qu’il en soit, le risque existe et c’est la raison pour laquelle, la fondation B612 cherche 450 millions de dollars; afin de construire un télescope pour détecter tous les astéroïdes potentiellement dangereux. En fonction de la taille du rocher, c’est une région, un pays, un continent qui pourrait être transformé.
Cela ne veut pas dire que les petits astéroïdes ne sont pas menaçants, au contraire, ils le sont également car ils sont très peu visibles, même pour les télescopes modernes. Or, plus les chercheurs parviennent à les détecter tôt, plus ils ont de chances d’agir en conséquence. Pour rappel, entre 2000 et 2013, 26 météorites d’une puissance de plus d’une kilotonne de TNT ont explosé dans l’atmosphère.
Comment s’y prendre pour détourner un astéroïde ?
Parmi les scénarios qui ont été imaginé, l’emploi d’une bombe nucléaire n’est pas celui qui est retenu. Trop aléatoire, cette méthode pourrait faire plus de mal que de bien. Si les charges étaient mal réparties, ou mal calibrées, l’astéroïde pourrait se transformer en de nombreux débris spatiaux très dangereux. En ultime recours, une charge pourrait être positionnée à une distance idoine de l’astéroïde dans l’espoir de dévier sa trajectoire sous l’effet du souffle occasionné par l’explosion.
La solution la plus couramment envisagée est celle consistant à le dévier en propulsant un projectile appelé « impacteur cinétique » près de son centre. Toutefois, si l’opération apparaît commode sur le papier, c’est une autre paire de manches en pratique. Déjà, il est nécessaire de repérer longtemps à l’avance l’astéroïde menaçant. « Plusieurs années sont nécessaires pour dévier un astéroïde de sa trajectoire ». Si tel est le cas, un satellite mis en orbite doit l’examiner afin « de déterminer le point d’impact, avec une précision de l’ordre d’un mètre ». La difficulté réside dans la précision de cette collision car l’astéroïde et l’impacteur cinétique (10 km/s) ont tous deux des vitesses élevées et ils se révéleront de fait compliqués à guider. De plus, il faudrait attendre les derniers instants pour connaître avec exactitude l’emplacement de la cible d’impact, ce qui rajoute une complexité supplémentaire.
Une autre possibilité, un peu farfelue (un peu seulement), serait d’attirer l’astéroïde à l’aide d’un « tracteur gravitationnelle » dans le but de le détourner de sa route. En l’occurrence, un satellite massif pourrait jouer ce rôle. Cependant, même un satellite assez lourd n’aurait qu’une faible incidence. Cette action ne peut donc être utile que sur le long terme, à condition d’avoir pris le problème suffisamment tôt. Le centre Carl Sagan de Palo Alto (Californie), en collaboration avec le projet européen NEOShield étudierait cette idée.
Enfin, trois autres solutions très étranges, ont jailli d’on ne sait où. L’une d’elles consiste à repeindre en blanc ou en noir l’astéroïde. En changeant sa surface, l’idée est de modifier sa manière de réfléchir la lumière solaire et ainsi d’influer sur sa vitesse. Mais cela reste très marginal. La seconde solution, quant à elle, serait de construire une voile immense capable d’utiliser le vent solaire (minime) et de la fixer aux bords de l’astéroïde. Devrait-on l’appeler bateau spatial si ce concept devait être mis en application ? La dernière est aussi la plus digne de figurer dans un film de science-fiction. Des ingénieurs britanniques ont pensé à bombarder de rayons laser l’astéroïde pour changer son état, de solide à gazeux, le faisant « maigrir ». Cela aurait pour effet de modifier sa trajectoire.
Capturer un astéroïde, oui, mais pourquoi ?
La Nasa compte développer un nouveau projet de capture d’astéroïde et de le financer à hauteur de 105 millions de dollars. Il consiste à repérer un astéroïde de 7 à 10 mètres de long, puis de le « remorquer » jusque dans l’orbite de la Lune afin de s’en servir ultérieurement pour aller sur Mars. L’idée aurait été soufflée par le président Barack Obama lui-même.
Le projet comporte différents challenges : il « combine l’exploitation minière d’un astéroïde, le développement de techniques pour en détourner un, ainsi que la fourniture d’un lieu pour développer les possibilités d’aller sur Mars ».
Les astéroïdes sont des terres fertiles en métaux précieux, car leurs petites tailles les ont en principe préservé de la différenciation planétaire. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas subi de réorganisation de couches en fonction des densités sous l’effet d’une très forte chaleur (les matériaux les plus denses s’agglutinent au centre pour former le noyau, les moins denses constituent la croûte). C’est pour cela que l’exploitation minière d’un astéroïde présente tant d’intérêt et pour cette raison qu’un kilomètre cube d’astéroïde aurait une valeur marchande de 5 000 milliards d’euros.
Par Sébastien Tribot
Cet article se trouve dans le dossier :
Conquête spatiale : les projets fous
- La NASA expérimente un potager dans l'espace
- Atteindrons-nous les étoiles ?
- Les scénarios à l'étude pour capturer ou dévier un astéroïde
- Le tourisme spatial, c'est maintenant !