Début décembre, Softbank Robotics –autrefois Aldebaran, fleuron de la robotique française rachetée par le groupe Japonais SoftBank en 2012- a annoncé l’ouverture du café Pepper Parlor à Tokyo. Une information qui serait passée inaperçue si le personnel n’était pas composé en partie d’êtres inorganiques. Dix robots Pepper prennent en effet les commandes derrière le comptoir ou divertissent les clients à table, rêvant peut-être à des pourboires électroniques. Nao, l’autre égérie du fabricant, fait davantage dans la bagatelle en exécutant quelques pas de danse.
La cuisine et le service à table demeurent quant à eux l’affaire exclusive des êtres humains… et probablement pour un bon bout de temps encore. Cette complémentarité vaut dans la restauration comme dans d’autres secteurs d’activité : malgré ses progrès constants, la robotique de service –en particulier à vocation sociale, agissant au contact des humains- est loin d’être assez polyvalente et perfectionnée pour se substituer pleinement au travail humain. Au mieux, elle collabore.
La crainte qu’une «invasion» robotique provoque un chômage massif ponctue l’actualité technologique de façon régulière, cependant. En 2013, les chercheurs Carl Frey et Michael Osborne, de l’Université d’Oxford, avaient estimé que près de la moitié des emplois américains seraient menacés par l’automatisation d’ici à vingt ans. Mais le rapport d’information du Sénat consacré à la robotisation, daté du 28 novembre dernier, mentionne des travaux scientifiques plus récents, et moins alarmistes.
14% des emplois bientôt automatisés ?
En fait, l’ascension des robots et de l’IA causerait la disparition de 9% des emplois dans les pays membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Cette prévision plus optimiste tient compte de l’hétérogénéité des tâches accomplies par les employés, certaines étant peu automatisables. D’après la dernière étude de l’OCDE elle-même, nommée «L’avenir du travail», 14% des emplois existants – ce qui est loin de la moitié – présentent un risque de complète automatisation. Néanmoins, près d’un tiers devront se transformer. Illustration dans le café Pepper Parlor : les employés reçoivent une formation pour utiliser les robots.
Comme on l’observe depuis plusieurs décennies, l’industrie est plus exposée à la robotisation, car de nombreuses tâches y sont répétitives. Quant aux activités de services, soit trois quarts des emplois en France, cette notion est très diverse. Le rapport 2019 de la Fédération internationale de la robotique témoigne de ventes en forte croissance dans l’univers professionnel (+61% en 2018 pour atteindre 271 000 unités dans le monde) et aussi d’une grande disparité : véhicules guidés autonomes (41% des ventes) dans la logistique, robots d’inspection ou de maintenance, robots chirurgicaux ou agricoles…
Robot social cherche emploi stable
Les métiers de l’accueil, du commerce, de l’hôtellerie ou de l’aide à la personne ne sont pas évoqués. Un signe que Pepper et ses compères humanoïdes ou non restent marginaux. Ou que la place est déjà occupée par un automatisme, tel qu’un standard vocal ou un distributeur de boissons. En France, Pepper se déploie petit à petit, à la gare de Lyon Part-Dieu récemment. Son cousin Nao participe à des projets de recherche médicale ou égaye une maison de retraite à Issy-les-Moulineaux. Les ventes de Softbank Robotics stagnent, selon toute apparence, mais la trésorerie du groupe japonais permet de faire le dos rond.
Une chance que n’ont pas les concurrents positionnés sur ce créneau du robot social. Par manque de fonds, l’entreprise limougeaude Cybedroïd, à l’origine du robot Leenby, a mis la clé sous la porte voici quelques mois. Le robot «émotionnel» Buddy, du parisien Blue Frog, a pris du retard et ne devrait pas arriver avant septembre 2020, après une autre campagne de financement… L’époque semble difficile pour des robots qui tardent à prouver leur réelle utilité, et donc à justifier des investissements.
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