Décryptage

Les retardateurs de flammes, encore plus dangereux ?

Posté le 12 avril 2012
par La rédaction
dans Environnement

Certains retardateurs de flammes, ajoutés à divers matériaux pour réduire le risque qu'un produit ne prenne feu ou pour ralentir sa combustion, pourraient en fait augmenter la dangerosité en raison de l'émanation de gaz toxiques, première cause de décès lors d'un incendie.

Moquettes, revêtements de mobilier, produits plastiques, berceaux, matelas ou encore sièges automobiles ou d’avions : tous ces objets ont pour point commun d’être généralement traités avec un retardateur de flammes, une substance chimique ajoutée aux matériaux lors du processus de fabrication, dont le but est de réduire le risque que le produit fini ne s’enflamme, ou pour en ralentir la combustion. Ce terme a trait à la fonction et non à une classe de produits chimiques, englobant un large choix de combinaisons de substances qui répondent à la variété des matériaux à protéger, dont les propriétés mécaniques et les natures chimiques entrainent des comportements au feu très variés.

Retardateur de flammes halogénés

Pourtant, une étude menée par le professeur Anna A. Stec, de l’université de Central Lancashire, au Royaume-Uni, tendrait à prouver que certains retardateurs de flammes, loin d’atténuer les dangers, augmenteraient les risques de décès lors d’un incendie. En effet, ces retardateurs auraient tendance, en ralentissant la combustion d’un matériau, à dégager des gaz toxiques, première cause de décès lors d’un incendie. L’étude menée par le professeur Stec s’est concentrée sur la catégorie de retardateurs de flammes la plus largement utilisée à travers le monde, que les scientifiques ont nommé « retardateurs de flammes halogénés », car ils contiennent du brome, élément chimique de la famille des halogènes (dont le fluor, le chlore et l’iode font aussi partie).

« Les retardateurs de flammes halogénés sont efficaces pour réduire l’inflammabilité des matériaux [traités] », explique le professeur Stec. « Nous avons cependant découvert que ces retardateurs de flammes ont un effet secondaire indésirable, celui d’augmenter les quantités de monoxyde de carbone et de cyanure d’hydrogène libérées durant la combustion. Ces gaz, et non l’élévation de chaleur ou les flammes, sont la première cause des décès lors d’un incendie », ajoute-t-elle.

Toxicité du monoxyde de carbone et du cyanure d’hydrogène

L’émanation de monoxyde de carbone provient d’une combustion incomplète de composés carbonés et est accentuée par une mauvaise alimentation en air frais ou une mauvaise ventilation. La densité du monoxyde de carbone a une densité proche de celle de l’air, lui permettant de se mélanger à lui assez facilement. Les conséquences de son inhalation peuvent aller de simples vertiges à des troubles neurologiques plus graves, allant jusqu’au coma.

Le cyanure d’hydrogène est bien plus dangereux encore. Utilisé dans les camps d’extermination nazis sous le nom de « Zyklon B », une concentration de 300 parties par million (ppm) dans l’air étant suffisante pour tuer un homme en seulement quelques minutes.

Agents intumescents

Chaque année, près de 10 000 personnes vivant dans des pays industrialisés trouvent la mort dans des incendies. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’inhalation des gaz libérés par la combustion de matériaux est bien la première cause de décès et de blessures graves.

L’équipe du professeur Stec n’a pas uniquement conduit des tests sur les retardateurs de flammes halogénés, mais aussi sur certains retardateurs à base minérale, ainsi que sur les agents dits « intumescents » qui, en contact avec de la chaleur, gonflent et forment une barrière que les flammes ont le plus grand mal à pénétrer. Les retardateurs à base minérale auraient un effet, bien que minime, sur la toxicité, alors que les agents intumescents réduisent de manière plus significative la libération de ces gaz.

Polluant avéré

D’autre part, les retardateurs de flammes halogénés sont devenus un contaminant courant de l’environnement, sous forme de polybromodiphényléthers (PBDE), que l’on retrouverait dans tous les organismes animaux de filtreurs ou prédateurs de la planète, facteurs de délétion de la spermatogenèse et facteurs de débilité mentale à faible dose, selon un rapport de l’Union Européenne concernant l’évaluation des risques.

Le docteur Stec a présenté les conclusions de cette étude devant un parterre de scientifiques réunis lors du 243eCongrès de la très prestigieuse American Chemical Society, ayant eu lieu le 27 mars dernier à San Diego, en Californie. Plus d’une soixantaine d’interventions sur le thème « incendie et polymères » ont eu lieu lors de ce congrès annuel.

Par Moonzur Rahman

 

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