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Décryptage

Les réseaux sociaux pour scientifiques

Posté le par La rédaction dans Informatique et Numérique

[Blog] My ScienceWork

Les nouveaux médias et réseaux sociaux améliorent la connectivité des chercheurs, ingénieurs, doctorants, post-doctorants et étudiants. Plusieurs aujourd’hui offrent des solutions aux problèmes des chercheurs mais sont encore souvent considérés comme chronophages. Avez-vous besoin d’optimiser votre veille bibliographique, de partager ou d’obtenir des informations, de dialoguer avec un enseignant ou bien de renforcer votre réseau de contacts ? MyScienceWork vous présente ici un panel des nouveaux réseaux sociaux scientifiques dédiés à vos besoins.

[Cet article a été publié initialement sur le blog MyScienceWork]

Une nouvelle approche des outils numériques et de la veille bibliographique

La diffusion de l’information par internet nous a noyés dans un océan de connaissances. Afin d’éviter de braver seul ce flot chaotique, il est judicieux de s’entourer d’une communauté aux intérêts similaires. Nous avions récemment publié un aperçu des outils numériques à utiliser pour la recherche scientifique. Ce texte s’arrêtait à l’évocation des réseaux sociaux scientifiques, une catégorie nouvelle et à part entière qui reflète les nouvelles pratiques de recherche. Parmi les aspects pratiques des réseaux sociaux, on peut citer la mise en commun d’outils numériques pour le travail collaboratif au sein de communautés.

Le travail collaboratif est particulièrement pratique lors de veille bibliographique. La plupart des doctorants ont d’ailleurs commencé leur thèse en accumulant sur leur table tous les indispensables articles suggérés par chaque membre du groupe de recherche récemment intégré. Certains logiciels de gestion bibliographiques comme Mendeley et Zotero proposent d’étendre cette pratique à la Terre entière. Disponibles en ligne, ces sites permettent de générer automatiquement des bibliographies compatibles avec les autres gestionnaires de références (EndNote, BibTeX) ainsi que des éditeurs de texte (Microsoft Word, OpenOffice). Mais ces deux plateformes, Mendeley et Zotero, se distinguent des logiciels classiques (EndNote, JabRef, Papers) par leur aspect social. Elles offrent des fonctionnalités de partage de bibliographies et de documents. Elles permettent aussi l’annotation de textes et favorisent le post-reviewing, c’est-à-dire l’évaluation des articles après publication. Le regroupement des individus par thématiques donne lieu à une sélection des sujets pertinents aux membres de ces communautés. Ceci permet à chacun, étudiants comme chercheurs, de bénéficier de la sélection avisée d’articles de qualité par des spécialistes de tous les domaines (voir « Science et Curation : nouvelle pratique du Web 2.0 »). Des applications Iphone/Ipad sont disponibles et Zotero, développé en open source, est aussi disponible sur Androïd.

Ce partage de veille scientifique est une activité que l’on retrouve aussi sur certains réseaux sociaux généralistes, Facebook, LinkedIn, Viadéo et surtout Twitter (voir notre article Twittos scientificus). Ces pratiques favorisent les échanges interdisciplinaires et les pratiques collaboratives. Elles ouvrent aussi de nouvelles voies de communication pour les universités et les laboratoires.

Réseaux de collaborations scientifiques

Les médias sociaux classiques, Facebook et Twitter en premiers, sont de plus en plus utilisés par les universités. Leur usage est particulièrement fréquent dans les pays anglo-saxons mais il varie encore suivant les disciplines scientifiques.

Par ailleurs, depuis un peu plus de deux ans, des plateformes de réseaux sociaux se sont développées spécifiquement dans le but de répondre aux besoins des chercheurs en termes de visibilité, de collaborations et d’accès à l’information et à la connaissance. Elles centralisent les informations relatives aux personnes et aux centres de recherche grâce à des profils académiques détaillés : institutions, positions professionnelles, liste des publications scientifiques etc. Chaque plateforme s’utilise de façon spécifique et offre diverses fonctionnalités.

SciVal experts semble être la plateforme de collaboration scientifique la plus utilisée par les universités nord-américaines. Développée à l’origine par la société Collexis, elle a depuis 2010 été rachetée par la très controversée Elsevier. C’est une plateforme payante dont la version gratuite s’appelle BioMedExperts. Ces plateformes facilitent la recherche d’informations à propos de scientifiques. Ce sont des plateformes favorisant les collaborations scientifiques inter et intra-entités de recherche. A noter cependant qu’elles souffrent de certaines restrictions dues à la politique commerciale de la société Elsevier. Les universités américaines évoquent notamment le fait que leur contenu soit restreint aux bases de données d’Elsevier : Scopus et PubMed. Ce sont donc essentiellement les centres de recherche en médecine et en biologie qui peuvent intégrer cette solution.

VIVO est, par contraste, une application web développée en open source par les universités de Cornell et de Floride. Elle offre la possibilité aux institutions de mettre en place leur propre réseau social. Son contenu est particulièrement adapté au partage des publications multidisciplinaires et en en open access. Très flexible, elle accepte toutes sources de contenus libres de droit : bases de dépôts institutionnelles, revues en open access, sources gouvernementales, revues auxquelles les institutions sont abonnées, conférences, appels d’offres. VIVO est aujourd’hui utilisé dans une cinquantaine d’universités mais son installation est complexe et demande des efforts en terme de développement technique.

De nombreuses universités et fondations ont en parallèle tenté de développer leurs propres plateformes de communication comme par exemple LatticeGrid, proposée en open source par l’université de Northwestern. Mais leur isolement vis-à-vis des autres plateformes et le manque d’accès aux bases de données commerciales limitent leur utilisation. En France, l’université Paris Descartes est l’une des premières à s’être dotée d’un réseau social efficace nommé Carnets2.

Social science space, développé par le journal de sciences sociales SAGE, et SSRN offrent tous deux des espaces de débat et de discussion autour des sciences humaines et sociales, des politiques de financement, de la gouvernance de la recherche etc. Encore plus spécifique, e-sciencetalk est la communauté des systèmes de grilles de calculs partagées et de cloud computing.

Spécifique à la côte ouest des Etats-Unis, la plateforme Academia.edu regroupe environ un million d’utilisateurs académiques. Sa mission première est de permettre un échange rapide des publications scientifiques. Il est notamment utilisé par les étudiants universitaires.

Facebook pour les scientifiques ?

Malgré la dénomination « réseau social », aucune de ces plateformes professionnelles ne propose de fonctionnalités pour échanger et communiquer à l’image de LinkedIn ou Viadeo. Il n’est généralement pas possible d’y suivre l’activité d’autres membres mais seulement de consulter les informations contenues dans leurs profils. ResearchGate est le réseau le plus proche de ce que l’on pourrait appeler un « Facebook pour scientifique ». Ce site permet aux chercheurs de se créer manuellement un profil professionnel. Chacun peut ensuite ajouter des contacts, suivre les activités des utilisateurs partageant les mêmes centres d’intérêts etc. Les profils proposent un fil de discussion comme Facebook (récemment renommé « timeline »). Des groupes de discussion permettent de débattre de sujets précis, par exemple les mesures IRM ou l’analyse de données complexes.

Un article du blog @ccess présentait les réseaux sociaux scientifiques comme la continuité logique de l’émergence de l’accès libre aux publications scientifiques. Ceci est d’ailleurs l’axe principal du projet MyScienceWork, premier réseau social scientifique dédié à l’open access. Ce réseau est centré autour d’une bibliothèque en open access personnalisable couplée à un moteur de recherche sémantique. L’objectif de MyScienceWork est de permettre une recherche ciblée, spécifiquement calibrée pour répondre aux besoins de l’exploitation des articles scientifiques issus des revues en open access. En effet, le modèle économique de l’édition scientifique se trouve aujourd’hui à un tournant (voir « L’édition scientifique, son modèle, ses scandales »). Avec l’accès libre aux publications scientifiques (voir « L’open access : vers une nouvelle pratique de la communication scientifique »), la diffusion des contenus et leur évaluation doivent adopter de nouveaux modèles. C’est en fait le travail du chercheur dans son ensemble qui se voit modifié par les nouveaux outils numériques et par les nouveaux modèles de publication. Les réseaux sociaux scientifiques accompagnent l’ouverture actuelle de la science. Ils développent les outils de la science de demain, plus ouverte, plus internationale, plus multidisciplinaire.

Réseaux multidisciplinaires ou réseaux spécialisés ?

Parmi les exemples mentionnés ci-dessus, plusieurs plateformes sont réservées aux sciences du vivant et aux sciences médicales (SciVal, Biomed experts etc). L’avenir nous dira si les communautés scientifiques adopteront plus facilement les plateformes spécialisées ou bien les plateformes généralistes. Parmi les plus spécialisées, nous avons relevé la communauté MalariaWorld. Cette plateforme regroupe plus de 7 000 professionnels spécialistes de la malaria. Dans la région de Boston (USA), le réseau Epernicus propose quant à lui des réseaux sociaux pour les centres de recherches cliniques et médicales. Dans un genre différent, plusieurs communautés scientifiques se sont créées autour de l’open access, par exemple OAD (Open Access Directory). D’ailleurs, il faut probablement chercher l’origine des communautés de spécialistes en ligne du côté du développement informatique en open source. La communauté des utilisateurs de l’éditeur de texte LaTeX est d’ailleurs parmi les plus actives.

Des réseaux sociaux pour l’éducation supérieure

Les environnements numériques de travail (ENT) sont les extensions des intranets universitaires et autres plateformes d’échange de ressources pédagogiques numériques. Unisciel par exemple regroupe une trentaine d’établissements d’enseignement supérieur français. De nombreuses informations y sont disponibles à propos des formations mais aussi des métiers. Celui plus local, de l’université Paris Descartes est maintenant couplé au réseau social de l‘université. Grâce à ces plateformes de communication, les enseignants et enseignants-chercheurs disposent d’un lieu pour interagir avec leurs étudiants. Ils leur font parvenir des documents de cours mais peuvent aussi sonder l’état de compréhension des concepts abordés et recueillir, par une nouvelle voie, les interrogations des étudiants. Le fossé entre le corps enseignant et les étudiants dispose donc aujourd’hui d’une passerelle par laquelle les jeunes peuvent entrevoir le métier d’enseignants-chercheurs et aborder autrement leur éducation. La revue Nature propose aussi le réseau éducatif Scitable qui regroupe des blogs, des forums thématiques et des ebooks, introductions aux principaux sujets de recherche en biologie. Il met l’accent sur les opportunités de carrière pour jeunes diplômés. Les universités numériques et le e-learning sont aussi des tendances émergentes en termes d’éducation qui sont en train de modifier en profondeur les méthodes d’apprentissage.

Un peu à part, Synapse est une plateforme issue de la Commission Européenne. Elle regroupe de nombreuses communautés d’établissements d’enseignements, d’organismes de recherche et d’administrations publiques. C’est un lieu numérique favorisant les consultations et les débats entre les expertises et les pouvoirs de décision à l’échelle européenne.

Ils s’appellent Openwetware, biostar, UniPHY pour les physiciens, direct2experts et Harvard Catalyst Profiles pour les universités du Massachussets… Les réseaux sociaux pour scientifiques sont trop nombreux pour être tous cités. Certains comme LabMetting ont déjà disparu, d’autres n’ont soulevé qu’un intérêt limité. Pourquoi tant de réserve ? Pourquoi Facebook a-t-il trouvé sa place dans nos activités quotidiennes mais que la science n’adopte pas de nouveaux modèles de communication ?

Il semble qu’à l’image de l’open access les réseaux sociaux scientifiques soient en train d’expérimenter un domaine en évolution. La science se fait chaque jour plus internationale. Chaque sujet de thèse innovant abat une frontière interdisciplinaire. Les universités adaptent leurs cursus aux évolutions. Elles collaborent pour créer des filières multidisciplinaires. Les futurs scientifiques, issus de la génération Y, ont vécu les débuts de l’ère du numériques. Ils ont grandi dans une société profondément marquée par le partage d’information sur les réseaux. Ils arrivent dans la sphère professionnelle en période de crise. Ils voient leurs gouvernements s’engluer dans des problématiques trop récentes pour les pouvoirs actuellement en place. Ils sont les premiers à militer contre le contrôle d’internet et ne craignent pas de s’exposer en ligne. Ils sont conscients des dérives et maîtrisent leur image en ligne. Enfin, ils ont aiguisé leur sens critique grâce à internet. Il est plus que probable que nous verrons bientôt les réseaux sociaux remplacer les sites web classiques. Et nous verrons bien, au cours de cette passionnante évolution, le ou les réseau(x) sociau(x) qui répondront au mieux aux besoins des scientifiques.

Par Laurence Bianchini / Blog MyScienceWork

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