Décryptage

Les réactions chimiques à l’origine de la vie (peut-être)

Posté le 27 avril 2015
par La rédaction
dans Chimie et Biotech

3,8 milliards d'années après la naissance du vivant, les chercheurs tentent encore de percer le secret de la naissance du vivant. À quel moment et dans quelles conditions, certaines réactions chimiques ont-elles pu contribuer à la complexification des cellules, jusqu'à créer des structures pérennes à l'origine des premiers organismes vivants ?

Aujourd’hui, au travers de récentes découvertes, quelques hypothèses permettent peut-être de comprendre l’apparition de la vie. En voici deux : de la goutte d’eau agissant comme un accélérateur de réactions aux molécules venues de l’espace qui pourraient être à l’origine des briques du vivant.

La goutte d’eau, le terreau de la vie ?

Des chercheurs du laboratoire de l’université de Strasbourg, experts en microfluidique, « la science et la technologie des systèmes qui manipulent des petits volumes de fluides », se sont aperçus lors d’une étude sur la production de molécules qu’une goutte d’eau agissait comme un accélérateur de réactions chimiques, quelles qu’elles soient.

Dans le cas présent, l’équipe menée par le professeur Andrew Griffiths a introduit deux micro-molécules dans des micro-gouttes : de l’amine ainsi que de l’aldéhyde, connues pour leur réaction fluorescente. Ce qui s’est produit ensuite a beaucoup étonné les chercheurs. En effet, les gouttelettes se sont mises à briller intensément, et de façon anormale, montrant que l’expérience était un succès et allait même au-delà de toutes espérances. Des imines fluorescentes, des composés organiques, ont ainsi été obtenu… En quantité 45 fois plus importante que ne laissait l’entendre les pronostics.

C’est en cherchant à découvrir pourquoi une telle réaction avait eu lieu, que les scientifiques ont considéré plus sérieusement l’architecture de la goutte d’eau ainsi que les phénomènes ayant cours à l’intérieur. Il s’est révélé que les molécules se sont retrouvées collées à la paroi des gouttes d’eau sous l’action de la tension superficielle, « un phénomène d’augmentation de l’énergie à la surface d’un fluide et qui en augmente localement la cohésion », engendrant une coalescence. Les molécules n’ont pu réagir comme elles le font en temps normal. Leurs déplacements en ont été limités, favorisant les interactions.

Comme l’explique Jean-Christophe Baret, l’un des membres de l’équipe de recherche, «dans une goutte, les molécules sont naturellement attirées vers les parois et vont momentanément s’y accrocher ». La gouttelette s’est donc révélé être un terreau propice aux réactions chimiques, agissant comme un site de Dating, c’est-à-dire en facilitant la mise en relation des molécules; ou plutôt, en augmentant les chances pour que celles-ci « se retrouvent dans la même pièce » et établissent des liaisons.

Les chercheurs ont conclu que la goutte d’eau favorisait la complexification des molécules. Et, bien que cette étude ne suffise pas à donner une explication à l’émergence des premières molécules organiques complexes, elle offre tout de même une hypothèse séduisante sur l’origine du vivant. Les exobiologistes ont décroché peut-être la timbale.

Les briques du vivant viendraient-elles d’ailleurs ?

Des chercheurs de l’Institut d’astrophysique spatiale (IAS) de l’université Paris Sud en collaboration avec l’Institut de chimie de Nice de l’université de Nice-Sophia Antipolis ont voulu savoir ce qui arrivait lorsque l’on soumettait de la glace présente dans un nuage de gaz interstellaire aux UV émis par les étoiles environnantes (même lointaines). Ils ont ainsi refroidi un mélange d’eau, de méthanol et d’ammoniaque, trois composants dont on a déjà trouvé des traces au sein de ces nuages de gaz, puis ils l’ont astreint à un rayonnement UV pendant une période allant d’une semaine à un mois.

Les échantillons de glace exposés sont ensuite passés par le laboratoire de Nice pour y être analysés par l’équipe de Uwe Meierhenrich. Là, deux petites molécules organiques ont été détecté : le glycolaldéhyde et le glycéraldéhyde; des sucres élémentaires, composés d’atomes de carbone. Or, ces deux molécules sont des constituants de structures plus complexes telles que les acides nucléiques. On les retrouve dans l’acide ribonucléique (ARN), « une molécule biologique présente chez pratiquement tous les êtres vivants ».

L’expérience leur a donc permis de comprendre et de donner une explication plausible aux mécanismes chimiques à l’origine de la création de certaines molécules pouvant, par association, produire des «molécules organiques simples comme les acides aminés ». Dans le cas présent, du glycolaldéhyde et du glycéraldéhyde; des composants des briques du vivant.

Sachant que les astronomes ont déjà perçu du glycolaldéhyde dans l’espace, l’hypothèse est donc la suivante. Les molécules créées dans l’espace ont fort bien pu voyager à dos d’astéroïde jusqu’à la Terre, où elles se seraient multipliées, développées et complexifiées par différents processus chimiques jusqu’à devenir organiques et former les premières briques du vivant. Étant donné le nombre impressionnant de micro météorites qui bombardent chaque jour la Terre, et tenant compte du fait qu’il était 1 000 fois plus élevé il y a de ça 4 milliards d’année, celles-ci ont très bien pu servir de vaisseaux aux molécules responsables des briques du vivant.

Et cela pose bien sûr une autre question… Si à l’intérieur des nuages de gaz interstellaire peuvent se produire des réactions chimiques capables d’engendrer des molécules, y compris des acides aminés, pourquoi la vie ne se serait-elle pas développée sur une autre planète ? Une étude récente a d’ailleurs montré que le nombre de planète habitable, c’est-à-dire cumulant ces trois qualités : de l’eau, de l’atmosphère et du carbone, se comptait en milliards.

Ce n’est qu’un scénario mais cela laisse songeur.

Par Sébastien Tribot


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