Une série d’images du cerveau impressionnantes. Le CEA a dévoilé les premiers clichés de son scanner IRM baptisé Iseult, le plus puissant du monde. Il est capable d’imager le cerveau humain à un niveau de résolution jamais atteint afin de découvrir de nouveaux détails sur son anatomie, ses connexions et son activité. Pour un temps d’acquisition de seulement 4 minutes, l’appareil donne des images d’une précision de 0,2 mm (millimètre) dans le plan et de 1 mm en profondeur, ce qui représente un volume équivalent à quelques milliers de neurones seulement. Les images ont fait le tour du monde et marquent la concrétisation de plus de 20 années de recherche et développement.
Ce scanner utilise le principe de l’imagerie par résonance magnétique. Les images des tissus mous du cerveau sont réalisées à partir des propriétés magnétiques (spin) des noyaux d’hydrogène présents dans les molécules des tissus biologiques. Elles sont obtenues grâce à l’utilisation d’un aimant qui génère un champ magnétique et une antenne qui émet des ondes radio de fréquences variées, sous la forme d’impulsions très brèves, pour modifier l’orientation du spin. À la fin de chaque impulsion, le spin retourne à sa position initiale en émettant une onde réceptionnée par l’antenne. La mesure de cette onde et notamment sa durée renseigne sur la nature des tissus et des molécules auxquels les noyaux d’hydrogène sont liés.
Installée à Paris-Saclay, dans un centre de recherche du CEA appelé NeuroSpin, la machine est dotée d’un champ magnétique de 11,7 teslas, soit 223 000 fois le champ magnétique terrestre. « La majorité des IRM utilisées en hôpitaux ont un champ magnétique compris entre 1,5 et 3 teslas, déclare Alexandre Vigneau, directeur de recherche au CEA. Atteindre cette qualité d’image à ces niveaux de champs magnétiques, en termes de résolution et de clarté, exigeait des temps d’acquisition beaucoup trop longs, supérieurs à 2 heures, ce qui est incompatible avec la pratique, puisque dans les faits, il ne faut pas bouger pendant l’acquisition pour obtenir des images de cette qualité. »
Pour atteindre cette intensité du champ magnétique, un aimant hors norme a été fabriqué, pesant 132 tonnes et mesurant 5 mètres de long et 5 mètres de diamètre extérieur. À l’intérieur, une cavité d’un diamètre de 90 cm permet le passage d’un corps humain entier. L’aimant est alimenté par un courant de 1 500 ampères et constitué de 182 km de fils supraconducteurs en alliage de niobium-titane qui sont en permanence refroidis grâce à 7 500 litres d’hélium liquide à -271,35 degrés. L’appareil nécessite 5 heures pour une montée en courant.
Améliorer la prise en charge des maladies neurodégénératives
Cet aimant a été fabriqué par une équipe du CEA qui avait déjà à son actif la conception d’aimants de Tokamak développés dans le cadre du projet ITER de fusion nucléaire et des aimants des détecteurs du CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire) ayant permis la découverte du boson de Higgs. Sa fabrication a débuté en 2010 et aura demandé de nombreuses années de travaux d’installation et de réglage minutieux pour atteindre l’homogénéité de champ magnétique requise pour arriver à sa mise en service opérationnelle. « L’obtention de ces images exceptionnelles a été rendue possible grâce aux compétences de nos chercheurs sur l’acquisition du signal IRM développé à 7 teslas et transposé sur notre aimant à 11,7 teslas », souligne Anne-Isabelle Etienvre, directrice de recherche fondamentale au CEA.
Au total, ce projet a fédéré près de 200 personnes issues du CEA, de l’université de Freiburg en Allemagne pour le développement de nouvelles technologies et méthodes pour l’IRM à ultra haut champ et de partenaires industriels. Alstom, devenu GE (General Electric), a été associé à ce projet pour la fabrication de l’aimant, Siemens Healthcare pour l’installation des composants complémentaires du système d’imagerie par résonance magnétique, ainsi que Guerbet, fabricant d’agents de contraste, qui a utilisé la plateforme d’IRM à très haut champ du CEA pour évaluer et sélectionner des molécules à fort potentiel d’application chez l’homme.
Le scanner Iseult sera utilisé pour faire de la recherche fondamentale et devrait permettre d’accéder à des informations sur les neurones jusqu’ici inatteignables et de comprendre comment notre cerveau encode nos représentations mentales, nos apprentissages ou encore de découvrir quelles sont les signatures neuronales de l’état de conscience. Des applications en recherche médicale sont attendues et devraient participer à établir un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge des maladies neurodégénératives telles que les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson. Par exemple, ce nouvel équipement devrait faciliter la détection de signaux faibles, peu exploités, tels que celui du lithium, un médicament utilisé pour traiter les troubles bipolaires. Il sera ainsi possible d’évaluer précisément sa distribution dans le cerveau et de mieux comprendre son efficacité.
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