Les chercheurs ont encore de nombreux obstacles à surmonter avant de pouvoir industrialiser la filière prometteuse des pérovskites. Le principal défi à relever est d’atteindre une meilleure stabilité des matériaux pérovskites et des cellules associées. « Pour obtenir les rendements les plus élevés, l’architecture des pérovskites est basée sur l’oxyde de titane comme contact électrique : dans ce cas, il y a des problèmes assez connus d’hystérésis électrique. Mais il y a aussi souvent des problèmes de stabilité de la cellule dues à des dégradations irréversibles provenant d’une mauvaise qualité de la cellule ou des contacts. Le problème le plus grave est la stabilité sous rayonnement », prévient Jacky Even, professeur à l’INSA Rennes et co-auteur de l’étude. A cause de ces problèmes de stabilité, la dégradation est très rapide : lorsque la cellule photovoltaïque est exposée au soleil, le rendement photovoltaïque chute en quelques minutes.
Les cellules utilisées dans le cadre de cette étude ont été fabriquées au laboratoire de Los Salamos. « La pérovskite n’est pas un matériau monocristallin ; elle est composée de grains cristallins accolés les uns aux autres. Les grains font habituellement quelques dizaines de nanomètres. Dans les cellules fabriquées à Los Salamos, les grains sont de quelques centaines de micromètres. Comme les défauts chimiques sont probablement liés à l’interface entre les grains, cela permet de les diminuer et on obtient des cellules de très très bonne qualité. Par ailleurs le contact électrique est du PBCM, plutôt que du TiO2 », expose Jacky Even. Ainsi, les chercheurs ont pu s’affranchir des problèmes d’hystérésis et de stabilité de base et se focaliser uniquement sur la stabilité sous rayonnement. La dégradation est plus lente, mais s’observe tout de même au bout d’une heure. Mais « dès que l’on met la cellule dans le noir, pendant à peu près une minute, on retrouve le rendement initial », se félicite le chercheur.
S’affranchir des dégradations?
Contrairement aux dégradations chimiques très rapides et irréversibles observées dans le cas de matériaux de mauvaise qualité, celles étudiées dans cet article sont réversibles. Les chercheurs veulent les expliquer par un processus physique. « Une petite fraction des électrons créés par le rayonnement lumineux se trouve piégée localement dans le réseau atomique. Ces électrons empiétrés dans le réseau sont appelés polarons et ont une mobilité réduite. Arrivés aux électrodes, les polarons vont s’accumuler et empêcher les autres électrons de passer, ce qui fait chuter le rendement. Mais lorsque l’on plonge la cellule dans le noir en coupant le faisceau du simulateur solaire, ils vont s’évaporer, et on retrouve le rendement initial », explique Jacky Even. Par ailleurs, cette baisse de rendement n’est pas observée en descendant la température de la cellule à 0°C. « Cette forte dépendance à la température est caractéristique des polarons », souligne le chercheur.
« Ce travail est une étape.Il montre qu’on ne va pas forcément être limité par les processus chimiques de dégradations et qu’il est possible de s’en affranchir. C’est l’étape indispensable avant commercialisation éventuelle », note Jacky Even. Le chercheur annonce la parution prochaine d’un article dans un journal à haut facteur d’impact. « Dans ce papier, il n’y a plus du tout de dégradation ! », se réjouit-il. Une fois affranchis des dégradations, il restera néanmoins une autre problématique capitale : passer de cellules de laboratoire de quelques millimètres à des cellules de grande taille.
Les premières recherches portant sur les pérovskites dans le domaine du photovoltaïque datent de 2012. Les rendements augmentent vite : de 10 % en 2012, les records atteignent 22 % en 2016 pour les cellules de laboratoire. Ce rendement n’est plus très loin des records obtenus en laboratoire pour le silicum : 22,6 %. Les pérovskites devienennt ainsi une alternative de plus en plus crédible aux cellules en silicium.
Matthieu Combe
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