L’utilisation de peintures anti-encrassement contenant des biocides est une source de pollution marine importante pour les régions où le trafic maritime est dense, notamment la mer baltique, puisque 40 % de la pollution au cuivre de cette région leur est directement imputable !
L’encrassement biologique des coques de bateaux pose de multiples problèmes
L’encrassement biologique (biofouling en anglais) est un phénomène de colonisation des structures artificielles par un panel extrêmement large d’organismes : mollusques, algues, bactéries, plancton, etc.
En milieu marin, ce phénomène naturel concerne à peu près toutes les surfaces immergées et touche la quasi-totalité des coques de navires. Selon la société de biotechnologie suédoise I-Tech AB, plus de 40 % des coques de navires présenteraient même un niveau d’encrassement qualifié d’inacceptable[1].
Pourquoi est-ce inacceptable ? Parce que le niveau d’encrassement a un impact direct sur le profil hydrodynamique de la coque et donc sur l’efficacité énergétique du navire. Le biofouling a ainsi d’importantes conséquences économiques et environnementales : plusieurs milliards de dollars de carburant seraient ainsi gaspillés chaque année, entraînant par ailleurs l’émission de dizaines de millions de tonnes de CO2 inutiles !
Les solutions actuelles : pas si efficaces et très polluantes
La lutte contre ce phénomène est donc un enjeu de première importance, à condition que les solutions choisies n’aient pas des conséquences néfastes. C’est justement le problème rencontré avec les solutions de type peinture. Actuellement, le marché des peintures antifouling est totalement dominé par les peintures à base de cuivre, un métal aux propriétés biocides bien connues et dont l’impact (à long terme et court terme) sur la biodiversité est évident.
Pour la mer baltique, dont les eaux mettent 25 à 30 ans à se renouveler, l’accumulation de cuivre est ainsi d’autant plus critique que le trafic maritime y est dense ! D’autres solutions beaucoup moins polluantes existent néanmoins. Malheureusement, leur utilisation est loin d’être systématique, car l’industrie de la construction navale et le secteur de la navigation de plaisance ont un point commun : ils se méfient de l’efficacité de ces produits « alternatifs ».
Les peintures antifouling respectueuses de l’environnement, ça fonctionne !
Au cours de la dernière décennie, de nouvelles formulations sans biocides[2], à base de silicone, sont entrées sur le marché des peintures antifouling.
Leur mode d’action est totalement différent de celui des peintures au cuivre : au lieu de relarguer une substance biocide (le cuivre) en continu, ces peintures créent une surface antiadhérente qui empêche l’accumulation des organismes.
Afin de démontrer l’efficacité de ces solutions, une équipe de chercheurs suédois[3] a ainsi réalisé une étude comparative, en conditions réelles, dans trois régions de la mer baltique, sur une durée de 12 mois.
Les conclusions de l’étude parue dans Marine Pollution Bulletin (open access) sont plutôt claires : sur une année, l’efficacité des peintures à base de silicone est équivalente aux solutions à base de cuivre.
Dans un communiqué de presse, Maria Lagerström, première auteure de l’étude, va même plus loin : « Nous avons laissé nos échantillons sur l’un des sites d’essai. Ils sont maintenant sous la surface depuis plus de deux ans. Nous pouvons constater que la peinture au silicone fonctionne toujours bien et, surtout, qu’elle fonctionne mieux que la peinture au cuivre ».
[2] Si les peintures au silicone sont significativement moins toxiques pour l’environnement, certaines formulations du marché contiendraient néanmoins des PFAS. Ces formulations, non étudiées ici, sont à éviter !
[3] Composée de : University of Gothenburg, Swedish Environmental Research Institute IVL, Chalmers
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