Les produits agricoles sont souvent les premiers mis en cause dans la déforestation. Une nouvelle étude dévoile que les causes liées à la dégradation des forêts sont toutefois bien plus diverses et que le commerce international joue un rôle important.
L’Union européenne s’est récemment dotée d’une nouvelle réglementation pour lutter contre la déforestation importée. Elle impose à tous « les opérateurs et commerçants qui ne sont pas des PME » important des produits en Europe de se doter d’un système de vigilance qui exclut les produits issus de la déforestation de leur chaîne d’approvisionnement. Plusieurs produits agricoles et dérivés entrent dans le champ d’application du règlement, notamment le bétail, le bois, le soja, l’huile de palme, le cacao, le café et le caoutchouc. Mais selon une étude parue dans la revue One Earth ce 20 janvier, d’autres secteurs participent activement à la dégradation des forêts.
S’intéresser aux paysages forestiers intacts
L’étude rappelle à quel point les paysages forestiers intacts (PFI) constituent d’importants régulateurs du climat et des refuges de biodiversité. Elle définit les PFI comme « des étendues continues de forêts et d’écosystèmes associés ne présentant aucune trace d’interférence humaine et disposant d’un espace suffisant pour maintenir la biodiversité indigène, d’une taille minimale de 500 km² ».
Ces zones forestières ne sont donc ni artificiellement morcelées ni dégradées. Alors que les études se focalisent le plus souvent sur la déforestation qui entraîne la suppression complète du couvert forestier, le fait de se concentrer sur les paysages forestiers intacts permet de mettre en lumière la dégradation et la fragmentation provoquées par différentes industries.
Ces PFI abritent des espèces plus diversifiées, sont plus résistantes aux perturbations naturelles telles que les incendies de forêt. En Afrique et en Amérique du Sud, ils peuvent stocker plus de trois fois la quantité de carbone par hectare que les forêts perturbées ou mal gérées. Toutefois, « même l’élimination de petites étendues de forêts peut affecter la structure et la composition globale de la forêt », rappellent les auteurs, dirigés par Bin Chen, chercheur postdoctoral à l’Université de Fudan (Chine).
Au-delà des seuls produits agricoles
L’étude estime ainsi que pour l’économie mondiale de 2014, la perte totale de PFI s’est élevée à 5,58 millions d’hectares. L’exploitation forestière industrielle, par exemple pour la production de bois, de papiers et de cartons, est la première responsable de la dégradation des paysages forestiers intacts. Elle est ainsi responsable de 47 % de cette perte. Les produits agricoles arrivent en deuxième position des responsables, devant l’exploitation minière et énergétique (15 %).
Vu la diversité des facteurs en jeu, les auteurs appellent à davantage d’implication des gouvernements. « Il est largement pensé que la production de viande bovine contrôle la déforestation en Amazonie, mais il est difficile pour les consommateurs de se rendre compte que la production d’équipements hautement transformés peut impliquer du bois et des métaux produits aux dépens des paysages forestiers intacts et que les services fournis par les secteurs tertiaires peuvent être soutenus par l’électricité produite à partir du pétrole et du gaz associés à cette perte », soulignent les auteurs.
Le commerce international comme moteur
Le changement régional d’affectation des sols est aujourd’hui largement influencé par les marchés internationaux. Les auteurs soulignent donc l’importance de tenir compte des marchés internationaux lors de la conception des stratégies nationales de conservation.
Pour l’économie de 2014, 37 % de la perte de PFI était due à l’export international, en provenance majoritairement de Russie, du Canada et des régions tropicales, vers la Chine l’Europe et les États-Unis. Sur les pertes de PFI associées à l’exportation, les chaînes d’approvisionnement mondiales en produits forestiers, énergétiques et miniers ont respectivement compté pour 51 % et 26 % des pertes, calcule l’étude.
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