Décryptage

Les Pays-Bas sommés de lutter contre le réchauffement

Posté le 1 juillet 2015
par Matthieu Combe
dans Environnement

Voici une nouvelle inattendue qui pourrait changer la donne en vue de la COP21. Le 24 juin, le tribunal de La Haye a ordonné au gouvernement néerlandais de revoir ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre.

C’est une première mondiale. Alors que le gouvernement néerlandais a abaissé ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre, un recours collectif initié par la plateforme citoyenne Urgenda regroupant 886 plaignants, vient d’aboutir. Le collectif accusait directement le gouvernement : en ne respectant pas son engagement initial de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% en 2020 par rapport à 1990, il mettait en péril l’avenir de ses citoyens et violait les droits humains dans le monde entier. Les Pays-Bas sont en effet directement menacés par la montée du niveau des océans causée par le réchauffement climatique.

Le tribunal de La Haye a rendu son jugement. Le pays ne pourra pas se contenter de sa nouvelle trajectoire, visant une réduction située entre 14 % et 17 % en 2020, par rapport à 1990, mais devra atteindre une réduction de 25 %. Sa cible actuelle est insuffisante pour contenir les effets du réchauffement climatique. Les plaignants demandaient un objectif de réduction situé « entre 25 et 40% ».« L’État ne devrait pas se cacher derrière l’argument selon lequel la solution au problème global du climat ne dépend pas seulement des efforts néerlandais. Toute réduction des émissions contribue à la prévention et en tant que pays développé, les Pays-Bas devraient être des chefs de file sur cette question.» affirment les 3 juges en charge de l’affaire. Ces derniers ont estimé que les preuves scientifiques apportées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) établissaient la réalité du réchauffement climatique et que le gouvernement devait « faire plus pour contrer le danger imminent causé par le changement climatique, étant donné son devoir de protection de l’environnement ». Le contrôle des émissions incombe au gouvernement, estiment les juges, soulignant que les coûts de ces réductions ne seraient pas « inconcevablement élevés ».

Le gouvernement a 3 mois pour faire appel de cette décision de justice. Il n’a pour l’instant pas réagi officiellement à cette décision. « Ça va donner lieu à des débats très intéressants, vers des positions morales, expique Marjan Minnesma, directrice d’Urgenda, à Libération. Alors que la science est univoque et que tout le monde sait à quel point le changement climatique est un problème, est-ce qu’un groupe politique va être capable de dire « je veux faire appel, je ne veux pas prendre soin de mes concitoyens »? »

Le premier procès d’une longue série ?

Ce jugement constitue une première qui pourrait bien donner des idées à d’autres citoyens du monde. C’est d’ailleurs l’objectif d’un groupe international de juristes qui a publié en mars « les Principes d’Oslo », présentant « les obligations essentielles des Etats et des entreprises pour éviter le niveau critique de réchauffement climatique ». Ces principes constituent une série d’arguments juridiques utilisables devant un tribunal pour attaquer un gouvernement ou une entreprise qui s’engagerait insuffisamment dans la lutte contre le réchauffement climatique. 

Dans le cadre de la conférence de Paris de Décembre 2015 (COP21), qui a pour ambition d’aboutir à un accord mondial contraignant visant à limiter la hausse des températures à 2°C en 2100, les plaignants mettent en garde. « Cela doit être pris en compte dans les engagements de réduction à Paris, parce que si les États ne le font pas, ils peuvent s’attendre à subir des pressions de leurs tribunaux », a déclaré au Guardian Dennis van Berkel, un des avocats du groupe Urgenda. Une action similaire est d’ores et déjà en cours en Belgique et une autre est en train de s’organiser en Norvège.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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