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Les ONG analysent l’accord de la COP21

Posté le 14 décembre 2015
par Matthieu Combe
dans Environnement

Depuis la présentation et l'adoption de l'accord de Paris, les ONG font entendre leur voix pour partager leurs analyses. Si pour plusieurs, le texte constitue bien un tournant à saluer, leur message est clair : la mobilisation ne fait que commencer pour faire renforcer l'ambition de la lutte contre le changement climatique.

Une chose est sûre : la reproduction d’un échec semblable à celui de Copenhague a bien été évité ! Si les observateurs ne manqueront pas de souligner les manques du texte, il faut néanmoins souligner qu’il s’agit bien d’une avancée historique. En effet, il s’agit du premier accord mondial impliquant l’ensemble des pays des nations unies. Les pays ont réussi à dépasser leurs seuls intérêts et accepter des compromis pour un monde plus sobre. Le processus de négociations multilatéral qui souffrait depuis plusieurs COP est ainsi sauvé. Pour Greeenpeace, la formule du Guardian illustre parfaitement la situation : « En comparaison de que cela aurait pu être, cet accord est un miracle. En comparaison de ce qu’il aurait dû être, c’est un désastre ».

Néanmoins, il manque de nombreux points : l’accord ne comprend à peu près rien de contraignant, il n’y a pas de prix fixé au carbone, les droits humains et des peuples indigènes ne sont mentionnés qu’en préambule, les secteurs de l’aviation civile et du transport maritime ont à nouveau été exemptés de tout engagement… Maxime Combes, porte-parole d’Attac France sur les enjeux climatiques, est le plus virulent à l’égard de cet accord. « Un accord à n’importe quel prix n’était pas le mandat confié à la COP21, François Hollande et Laurent Fabius. Utiliser les termes « ambitieux », « juste » et « juridiquement contraignant » pour présenter l’accord de Paris est une escroquerie intellectuelle. Y accoler la référence à la « justice climatique », sans contenu, est méprisant envers toutes celles et ceux qui se mobilisent en ce sens depuis des années.» L’accord n’est effectivement guère contraignant : selon l’article 28, tout pays pourra choisir de se retirer de l’accord à tout moment après un délai de trois ans à partir de l’entrée en vigueur de l’accord, soit à partir de 2023. Aucune sanction n’est prévue dans ce cas.

Des moyens insuffisants pour limiter le réchauffement entre 1,5 et 2°C

Greenpeace propose deux grilles de lecture. D’un côté, le seuil mentionné de 1,5°C constitue une « bonne surprise » qui montre que « la question climatique s’installe durablement dans le paysage diplomatique ». Mais « dans l’absolu », « l’accord n’est pas à la hauteur ». Car malgré cet objectif, « d’ici à 2020, nous restons avec les mêmes INDC, qui nous placent sur une trajectoire d’environ 3°C supplémentaires d’ici la fin du siècle nous faisant perdre un temps précieux et peut-être irrattrapable ». Les INDC ne sont pas juridiquement contraignants : « libre à chaque État de proposer ce qu’il veut et de le réaliser s’il le veut ». Attac regrette également qu’aucun mécanisme de sanction ne soit mis en œuvre pour sanctionner les Etats qui prendraient des engagements insuffisants, qui ne les mèneraient pas à bien ou qui refuseraient de revoir à la hausse leur ambition.

La première révision  des objectifs de réduction des émissions de chaque pays n’est obligatoire que pour 2025, après un bilan de l’action collective en 2023. Mais pour les scientifiques et les ONG, cette date est bien trop éloigné, le pic mondial des émissions devant être atteint entre 2025 et 2030 pour espérer pouvoir limiter le réchauffement climatique à 2°C, selon le GIEC. François Hollande a proposé de créer une coalition de pays qui veulent aller plus vite pour qu’ils réactualisent leurs engagements avant 2020. Les 80 pays de la « coalition des pays ambitieux » pourrait y participer. Les ONG devront faire campagne pour qu’un maximum de pays rejoignent cette coalition : la Fondation Nicolas Hulot propose que le processus de révision commence dès 2018. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) doit d’ailleurs déterminer d’ici 2018 quel niveau d’émissions serait compatible avec un réchauffement limité à 1,5°C. Tasneem Essop, cheffe de la délégation WWF pour la COP21, propose même que les ambitions soient renforcées dès la COP22 au Maroc : «Grâce à l’accord de Paris, nous avons franchi une étape importante mais ce n’est pas suffisant. Nous devons, à présent, à travailler au renforcement des ambitions nationales amorcées par cet accord. […] Les pays doivent revenir l’an prochain avec la volonté d’appliquer et renforcer les engagements qu’ils ont fait ici à Paris.»

Des financements à consolider

Par ailleurs, les mécanismes de financements sont insuffisamments programmés. Pour le WWF, « le financement de l’adaptation, des pertes et dommages ainsi que l’amplification des réductions d’émissions devront être les chantiers prioritaires de l’après-Paris ».

Les 100 milliards de dollars promis aux pays en voie de développement à partir de 2020 seront entièrement à la charge des pays développés, bien que les modes de financement ne soient pas encore complètement clairs. Cette clause répond au principe tant défendu par les pays en développement de responsabilité différenciée et le fait que les pays développés doivent endosser leur responsabilité historique dans le changement climatique. Les autres pays peuvent néanmoins fournir un effort financier supplémentaire « à titre volontaire », mais n’ont aucune obligation. Les pays les plus vulnérables souhaitaient que l’accord alloue au moins  50 % des 100 milliards à l’adaptation et  50 % aux efforts de réduction des émissions, mais le texte  final ne précise aucun objectif de répartition. Les ONG saluent au moins un point : les 100 milliards sont bien un plancher qui devra être revu à la hausse en 2025.

Un texte flou qui laisse plusieurs portes ouvertes

Selon l’Article 4 de l’accord, les signataires s’efforceront d’atteindre « un plafonnement mondial des émissions mondiales de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais ». Ce plafonnement impose des réductions plus fortes des émissions des pays développés et prendra « davantage de temps pour les pays en développement ». Le texte ne fournit aucun engagement chiffré de réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre pour 2025, 2030 ou même 2050, seul à même d’assurer des résultats. Il ne fait référence qu’à un objectif de long terme visant à un équilibre entre les émissions humaines et les puits de gaz à effet de serre, soit une tendance vers « zéro émission nette » en matière de gaz à effet de serre d’ici à la fin du siècle. Il n’y a aucun chiffre, alors que les précédentes moutures du texte parlaient de 40 à 70 % de réduction des émissions mondiales d’ici à 2050.

Mais pour parvenir à ce « zéro émission nette », toutes les solutions restent ouvertes, car aucune solution n’est nommée. Cela pourra donc se traduire par la sortie des énergies fossiles dès 2050, le développement massif des énergies renouvelables, des économies d’énergie et une protection accrue des forêts, solution prônée par les ONG environnementales, mais aussi (et plus vraisemblablement) par les «fausses solutions telles que la captation de carbone, la géoingénierie, ou encore la compensation carbone», regrette Jean François Julliard, Président de Greenpeace France.

Par ailleurs, Surfrider Foundation se réjouit. « Le terme Océan figure pour la première fois dans le Préambule d’un tel accord », note Antidia Citores, Responsable du Lobbying et Contentieux chez Surfrider Foundation Europe. « Nous devons maintenant préparer le prochain rendez-vous des parties, la COP 22 qui se tiendra au Maroc. L’océan doit désormais être à l’agenda de toutes les COP. En ce sens, nous poursuivons nos efforts avec Monaco et la plateforme Océan et Climat pour obtenir un rapport du GIEC exclusivement consacré aux océans ».

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique


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