D’aucuns penseront qu’un rapport élaboré par un mouvement altermondialiste est biaisé. Néanmoins, cette enquête est riche d’enseignements pour dresser un premier bilan des investissements verts au moment où le monde de la finance se réunit à Paris pour afficher sa transition. Premier enseignement : le marché des obligations est évalué à près de 100.000 milliards de dollars. Quelle y est la part du marché des obligations vertes? Depuis leur création en 2005 et jusqu’en juin 2017, un total de 895 milliards de dollars ont été investis dans ce marché encore de niche. Une goutte d’eau. Pour l’année 2017, les obligations vertes pourraient atteindre 130 milliards de dollars. C’est la conclusion d’un rapport élaboré par HSBC et la Climate Bonds Initiative. Mais selon l’étude, seulement 25 % des obligations vertes seraient certifiées. Pour la plupart, les obligations vertes offrent donc difficilement des garanties sur les projets financés et les résultats sur le terrain.
Dans un autre rapport, l’OCDE estime que le marché des obligations vertes pourrait décoller d’ici 2035. À cet horizon, environ 700 milliards de dollars pourraient être émis annuellement pour environ 5.000 milliards de dollars de titres en circulation. Mais cela reste inférieur aux investissements bas-carbone nécessaires pour respecter l’Accord de Paris. La même organisation estime en effet les besoins à 2.260 milliards de dollars chaque année en 2035.
Des obligations vertes réservées aux projets verts ?
Selon Attac, les projets financés par ces nouvelles obligations ne seraient pas forcément « verts ». Attac dénonce notamment le financement du nouvel aéroport de Mexico par le Mexique dans ce cadre. Mais aussi celui d’un méga-barrage par Engie. L’association rajoute à cette liste l’émission d’obligations vertes souveraines par la Pologne qui lutte pourtant contre les politiques climatiques européennes ambitieuses. Et la compagnie pétrolière Repsol qui a pu financer l’efficacité énergétique de ses raffineries et usines chimiques en Espagne et au Portugal.
Il apparaît que les projets éligibles ne sont pas réglementés. En effet, il n’existe pas de définition claire des projets qui peuvent être financés. Tout au plus, les obligations vertes labellisées répondent à des critères volontaires et non contraignants – Green Bond Principles (GDP) -, les obligations climat aux Climate Bond Standards (CBS). Des pratiques controversées peuvent ainsi être financées. Par ailleurs, il est possible de certifier des obligations, indépendamment des entreprises ou institutions qui les émettent. Aucun grand acteur et aucun secteur n’est épargné de ces financements. Par ailleurs, moins de 50% des obligations vertes clôturées publient un rapport d’évaluation des impacts dans l’année qui suit. Ainsi, « ni le public ni les investisseurs ne peuvent connaître les effets concrets de la mise en œuvre de cette obligation », regrette Attac.
Quelles recommandations pour aller plus loin ?
« Le système financier doit être 100% climat-compatible si l’on veut respecter l’accord de Paris », prévient Maxime Combes, économiste et figure d’Attac France. L’association demande donc l’introduction d’un standard européen qui assure la transparence des projets et des sanctions en cas de manquement. Elle demande aussi la création d’une nouvelle agence de dotation soutenue par les pouvoirs publics qui permette de labelliser ces obligations. Enfin, les obligations vertes étant majoritairement réservées aux grands opérateurs, Attac demande à ce que d’autres canaux de financements tout aussi efficaces soient créés pour les plus petits acteurs.
Une obligation verte fonctionne comme une obligation classique. Un acteur de marché – banque de développement, entreprise, État, collectivité territoriale… – emprunte auprès d’investisseurs sur une durée définie, contre le paiement d’un intérêt. L’émetteur peut toutefois auto-déclarer « verte » ou « climat » son obligation si elle est supposée financer des projets compatibles avec la protection de l’environnement ou du climat. Cela permet notamment de financer des infrastructures qui se caractérisent par des coûts d’investissements initiaux élevés et un retour sur investissement de plusieurs années.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Cet article se trouve dans le dossier :
One Planet Summit: Au-delà de l'envie ?
- One Planet Summit: quels nouveaux engagements ?
- Solaire: les appels d'offres annuels passent à 2,45 GW !
- Le cri d'appel des petits Etats insulaires !
- Les États américains défient l'Amérique de Donald Trump
- Laurence Tubiana analyse les avancées du combat climatique
- La COP23 lance une année clé pour le climat
- L’autoconsommation devient presque rentable en France
- Les obligations vertes peuvent-elles verdir la finance ?
Dans l'actualité
- Obligation verte : La France détient le record !
- La France s’intéresse aux obligations vertes !
- Droits et obligations des utilisateurs en aval dans REACH
- Croissance verte : réalité ou effet d’annonce ?
- Crowdlending : anatomie d’une stratégie réussie
- La finance verte reste une goutte d’eau de la finance mondiale
Dans les ressources documentaires