Décryptage

Les Objectifs de Développement Durable restent méconnus en France

Posté le 21 juillet 2020
par Matthieu Combe
dans Environnement

Les Objectifs de Développement Durable (ODD) constituent une boussole pour de nombreuses organisations. Si les choses bougent en France, le portage politique demeure insuffisant.

« Les Nations Unies se sont données en septembre 2015 un cadre [l’Agenda 2030, ndlr] contenant 17 ODD pour que le développement puisse s’accompagner de réductions des inégalités, de lutte contre la pauvreté, d’amélioration de l’accès aux soins, à la santé, à l’éducation et pour que ce développement soit plus durable, c’est-à-dire qu’il se fasse dans un lien plus respectueux de la biodiversité et en prenant en compte la lutte contre le réchauffement climatique », rappelle Brigitte Béjean, directrice de la communication de l’Iddri, lors de la conférence « Pourquoi le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) est-il aussi peu utilisé en France ? ». Cet agenda s’applique à l’ensemble des pays, des moins avancés aux plus développés, et à toutes les organisations.

Des pays engagés pour l’Agenda 2030

L’Agenda 2030 pour le développement durable est devenu une référence pour les organisations internationales et les entreprises. Mais force est de constater que l’appropriation des ODD par les politiques et l’opinion publique varie énormément selon les pays.  « L’agenda 2030 incite chaque pays à dessiner sa propre trajectoire de transformation, rappelle Damien Barchiche, directeur du programme Gouvernance du développement durable de l’Iddri. C’est un aspect fondamental pas assez mis en avant ». Quelques pays utilisent ainsi l’Agenda 2030 comme outil d’évaluation des budgets nationaux. « La Finlande est l’un des exemples les plus complets d’intégration des ODD dans les processus budgétaires, avance Damien Barchiche. Parmi les mesures prises, le ministère des finances s’intéresse aux taxes et subventions dommageables à l’environnement ou qui ne peuvent soutenir les ODD.  »

Dans une vingtaine de pays, la Cours des comptes examine la mise en œuvre des ODD. « L’Allemagne se distingue par un cadre de suivi particulièrement robuste qui inclut des rapports de progrès réguliers et une revue indépendante par des experts internationaux sur ce sujet de l’Agenda 2030, détaille Damien Barchiche. Ce panel d’experts a le mandat de formuler des recommandations et le gouvernement s’oblige à répondre. La Cour des comptes allemande s’est aussi saisie des ODD pour examiner les progrès qui restent à accomplir ». En France, Michèle Pappalardo, la rapporteure générale du comité du rapport public auprès de la Cour des Comptes, serait favorable à l’inclusion des ODD dans les grilles de lecture des analyses de politiques publiques.

Les Français connaissent encore trop peu les ODD

Les ODD restent peu connus dans la population française et demeurent peu appropriés par les responsables politiques. Une étude d’Ipsos parue l’année dernière montre que 51 % des Français n’avaient jamais entendu parler des ODD. Des chiffres qui montrent une opposition claire avec les pays du Sud. En effet, seulement 11 % des Indiens, 8 % des Turcs et 17 % des Sud-Africains n’en avaient jamais entendu parler. Pour Najat Vallaud-Belkacem, directrice France du mouvement ONE, anciennement ministre chargée des Droits des femmes et ministre de l’Education nationale : « On est dans des appropriations extrêmement différentes du Nord au Sud. Je suis persuadée que l’on n’est pas à la hauteur des espérances de ces gens qui, dans ces pays du Sud, n’ont que ce droit international auquel se raccrocher pour que progresse le monde. »

Un cadre qui se structure peu à peu en France

Dans un contexte de relance, les ODD apparaissent comme un chemin de résilience. Plusieurs associations s’engagent pour une meilleure prise en compte des ODD en France. Mais ceux-ci peinent à entrer dans le débat politique français par manque de portage politique. La feuille de route de la France pour l’Agenda 2030 adoptée en septembre 2019 a mobilisé des parlementaires, des ONG, des entreprises, des ministères et des collectivités territoriales. Mais pourra-t-elle jouer son rôle ? « Le cadre français a fait des ODD un processus parallèle qui ajoute une couche supplémentaire aux dispositifs existants, note Damien Barchiche. Il faudrait réfléchir dans quelle mesure les ODD pourraient être l’occasion de converger les différents objectifs et stratégies existants pour assurer un meilleur suivi et une évaluation des engagements qui sont mal tenus. Il manque un diagnostic plus stratégique sous la forme d’un état des lieux des pratiques que l’on devrait vraiment remettre en cause et les changements nécessaires pour répondre aux défis des ODD et à leur transversalité. »

En 2018, le gouvernement avait formellement annoncé que la France intégrerait, quand cela est pertinent, des ODD dans la construction des lois. Cette décision n’a pas encore été mise en œuvre, mais plusieurs groupes parlementaires ont récemment fait des propositions en ce sens. « C’est la seule grille de lecture qui va nous permettre de répondre aux futures crises, estime le député LREM Pierre-Alain Raphan. On en entend un peu plus parler dans le milieu politique, dans les questions au gouvernement, on voit qu’il y a des propositions qui viennent de divers groupes politiques et c’est tant mieux ». Avec 8 autres parlementaires, le député a d’ailleurs lancé la consultation « Faire des objectifs de développement durable notre boussole pour l’après » sur la plate-forme Parlement&Citoyens.


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